Analyse des métastases cérébrales du cancer du sein révèle un enrichissement des réarrangements structurels de la cycline-dépendante kinase 12 dans les maladies positives au récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain

Rapport d’étude sur l’enrichissement en réarrangement structurel de CDK12 dans le cancer du sein métastatique au cerveau

Contexte et objectifs de l’étude

Le cancer du sein (Breast Cancer, BC) est la deuxième tumeur solide la plus courante affectant le système nerveux central (Central Nervous System, CNS). Le cancer du sein métastatique au cerveau (Breast Cancer Brain Metastases, BCBMs) devient de plus en plus répandu chez les patientes atteintes de cancer du sein métastatique. Les patientes présentant des métastases cérébrales actives sont souvent exclues des essais cliniques, ce qui met ce domaine en désavantage en recherche clinique. L’application des technologies de séquençage de nouvelle génération (Next-Generation Sequencing, NGS) permet de caractériser les cancers métastatiques au cerveau et de les comparer aux tumeurs primaires, révélant ainsi leurs différences génomiques. Par ailleurs, des études antérieures ont montré la présence de modifications et de caractéristiques génomiques liées aux inhibiteurs des points de contrôle immunitaires et des poly(ADP-ribose) polymérases (PARP) dans les BCBMs, suggérant que ces thérapies pourraient être potentiellement appliquées dans les BCBMs.

Cet article vise à comparer la fréquence des réarrangements structurels à grande échelle dans les BCBMs, les cancers du sein localisés (Local Breast Cancer, local BC) et les métastases non-CNS (Non-CNS Metastases, non-CNS M), afin d’explorer le rôle et la signification clinique de ces réarrangements dans les BCBMs, avec une attention particulière sur les réarrangements du gène CDK12 (Cyclin-Dependent Kinase 12).

Source de l’article et informations sur les auteurs

Cette étude a été réalisée par Talvinder Bhogal, Athina Giannoudis, Ethan Sokol, Simak Ali et Carlo Palmieri, provenant respectivement de l’Université de Liverpool au Royaume-Uni, de Cambridge Foundation Medicine et de l’Imperial College London. Cet article a été publié le 5 juin 2024 dans le “JCO Precision Oncology”.

Méthodologie de l’étude

Sujet de l’étude et échantillons

Les sujets de l’étude incluent trois groupes d’échantillons différents, à savoir 822 cas de BCBMs, 11 988 cas de cancers du sein localisés et 15 516 échantillons de métastases non-CNS. Les échantillons étaient constitués de matériel fixé au formol et inclus en paraffine, et leurs caractéristiques génomiques ont été analysées à l’aide de techniques de séquençage par capture ciblée.

Méthodologie d’analyse génomique

L’étude a utilisé la technologie NGS basée sur la capture hybride, analysant les variations génétiques d’au moins 324 gènes, incluant des variations courtes (substitutions/insertions/délétions), des variations du nombre de copies (CNV, gain/perte) et des anomalies structurelles à grande échelle. Les réarrangements génomiques ont été identifiés par l’analyse des lectures chimériques, qui se réfèrent aux lectures mappées sur différents chromosomes ou à plus de 10Mb de distance. Les événements de réarrangement potentiels qualifiés étaient ensuite évalués par des examinateurs humains pour déterminer leur pathogénicité.

Approbation éthique et analyse statistique

Cette étude a reçu l’approbation du comité d’éthique de Western, incluant une exemption de consentement éclairé et une dérogation à l’autorisation de la loi sur la portabilité et la responsabilité de l’assurance-maladie. Les différences de caractéristiques génomiques entre les différents groupes ont été comparées en utilisant le test exact de Fisher, avec un ajustement des valeurs P pour comparaisons multiples selon la méthode Benjamini-Hochberg.

Principaux résultats

18 gènes ont montré une fréquence de réarrangement structurel supérieure à 0,5% dans l’un quelconque des groupes. Parmi eux, 9 gènes présentaient une fréquence de réarrangement significativement plus élevée dans les BCBMs par rapport aux cancers du sein localisés et aux échantillons de métastases non-CNS. Le gène le plus couramment réarrangé dans les BCBMs était CDK12, avec une fréquence de réarrangement de 3,53%, bien supérieure à celle des cancers du sein localisés (0,86%) et des échantillons de métastases non-CNS (0,68%). Le réarrangement de CDK12 était plus fréquent dans les BCBMs HER2 (Human Epidermal Growth Factor Receptor 2) positifs, avec une fréquence de 14,59%, comparée à celle des cancers du sein localisés HER2 positifs (7,80%) et des échantillons de métastases non-CNS HER2 positifs (7,87%).

Spécifiquement, 29 événements de réarrangement codant pour CDK12 ont été identifiés, incluant 12 translocations, 9 inversions, 7 délétions et 1 duplication. Parmi eux, 27 événements ont conduit à l’arrêt prématuré ou à un décalage de la trame de lecture de CDK12, suggérant que ces réarrangements peuvent entraîner une perte de fonction de CDK12.

Discussion

Cette étude a utilisé un important ensemble de données génomiques soigneusement sélectionnées et la technologie NGS ciblée pour identifier des gènes de réarrangement significatifs dans les BCBMs. Bien que les réarrangements structuraux ne soient pas aussi communs que les variations de nucléotides simples (SNVs) et les variations du nombre de copies (CNVs) dans les panels NGS, les gènes de réarrangement identifiés impliquent des voies de régulation du cycle cellulaire, de régulation de la transcription et de réparation de l’ADN, ce qui est crucial pour les thérapies ciblées. En particulier, CDK12, une kinase liée à la transcription, joue un rôle de suppresseur de tumeur en régulant la transcription des gènes de réparation de l’ADN et en maintenant la stabilité génomique, mais peut également agir en tant qu’oncogène dans certaines circonstances. Le phénomène de réarrangement de CDK12 dans les BCBMs HER2 positifs pourrait être lié à son phénotype favorisant la dissémination dans le CNS.

La perte de fonction due au réarrangement de CDK12 peut favoriser l’instabilité génomique, liée à une recombinaison homologue et à une déficience de la réparation des dommages à l’ADN. Cette déficience rend les cellules cancéreuses plus vulnérables aux traitements à base de platine et aux inhibiteurs de PARP, tout en pouvant générer de nouveaux antigènes induits par fusion. Par conséquent, l’altération de CDK12 pourrait être un biomarqueur potentiel pour évaluer la sensibilité aux inhibiteurs de PARP et aux inhibiteurs des points de contrôle immunitaires.

Signification et valeur

Grâce à l’utilisation de données massives sur les BCBMs, cet article démontre pour la première fois une augmentation significative des réarrangements de CDK12 dans les BCBMs HER2 positifs. Ces données soutiennent la nécessité de recherches supplémentaires pour comprendre la base mécanique de ce phénomène et mener des essais cliniques afin d’explorer l’efficacité des inhibiteurs de PARP et des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires dans le traitement des patientes atteintes de BCBMs HER2 positifs présentant des réarrangements de CDK12. Cette découverte propose de nouvelles pistes pour un traitement de précision des BCBMs, présentant un potentiel clinique important.

Conclusion

Cette étude révèle plusieurs réarrangements génétiques importants dans les BCBMs, en particulier la haute fréquence de réarrangements de CDK12 dans les BCBMs HER2 positifs, fournissant des bases scientifiques pour le développement futur de thérapies ciblées et de nouveaux traitements. Ces découvertes apportent des informations cruciales pour comprendre les caractéristiques génomiques du cancer du sein métastatique au cerveau et pour concevoir de nouvelles stratégies de traitement clinique.