Les phytochromes des diatomées intègrent le spectre lumineux sous-marin pour détecter la profondeur

Les phytochromes des diatomées intègrent le spectre lumineux sous-marin pour détecter la profondeur

Contexte académique

La distribution de la lumière dans les écosystèmes marins a un impact profond sur la vie aquatique. Non seulement l’intensité lumineuse diminue avec la profondeur, mais la composition spectrale de la lumière change également de manière significative. Cependant, les recherches sur la manière dont le phytoplancton perçoit ces changements lumineux à travers les photorécepteurs restent insuffisantes. Les diatomées, en tant que phytoplancton majeur dans les océans, jouent un rôle crucial dans la compréhension des stratégies d’adaptation à la lumière dans les écosystèmes marins. Les phytochromes sont des protéines principalement sensibles à la lumière rouge ® et à la lumière rouge lointaine (FR), présentes dans les organismes photosynthétiques et non photosynthétiques. Cependant, dans l’environnement marin, la lumière rouge et la lumière rouge lointaine sont fortement absorbées par l’eau, ce qui soulève la question de savoir comment les phytochromes des diatomées (Diatom Phytochromes, DPh) fonctionnent dans un tel environnement.

Cette étude vise à révéler les mécanismes de perception de la lumière des phytochromes des diatomées dans l’environnement marin en intégrant des études fonctionnelles et des enquêtes environnementales, en particulier comment ils perçoivent les changements spectraux sous-marins pour réguler leurs fonctions physiologiques.

Source de l’article

Cette recherche est le fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions de recherche en France, en Italie et aux États-Unis, avec comme principaux auteurs Carole Duchêne, Jean-Pierre Bouly, Juan José Pierella Karlusich, entre autres. L’équipe de recherche provient du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Université Sorbonne, de la Stazione Zoologica Anton Dohrn en Italie, entre autres. L’article a été publié en ligne le 29 octobre 2024 dans la revue Nature.

Processus et résultats de la recherche

1. Distribution et étude fonctionnelle des phytochromes des diatomées

L’étude a d’abord examiné la distribution mondiale des diatomées contenant des DPh à l’aide des données de séquences environnementales du projet Tara Oceans. Les résultats montrent que les gènes DPh sont principalement distribués dans les régions situées au-dessus de 30° de latitude absolue, en particulier dans les zones de haute latitude où la profondeur de la couche mixte varie de manière saisonnière. Cela suggère que les DPh pourraient avoir une valeur adaptative dans la gestion des déplacements verticaux dans la colonne d’eau.

Pour approfondir les propriétés de perception de la lumière des DPh, l’équipe de recherche a développé un essai dose-réponse in vivo dans l’espèce modèle Phaeodactylum tricornutum, déclenchant des réactions photo-réversibles médiées par les phytochromes en réponse aux variations spectrales de la lumière. Les expériences ont montré que les DPh peuvent déclencher des réponses photo-réversibles sur l’ensemble du spectre lumineux, en particulier dans des conditions simulées de faible lumière bleue en profondeur océanique, où les DPh régulent le processus d’acclimatation de la photosynthèse.

2. Propriétés spectrales et réponses lumineuses des DPh

L’équipe de recherche a déterminé les spectres d’absorption des protéines DPh recombinantes. Les résultats montrent que les protéines DPh présentent des pics d’absorption maximaux dans la lumière rouge lointaine (767 nm) et la lumière rouge (680 nm), avec des pics mineurs dans la lumière bleue (423 nm et 383 nm). Ces propriétés spectrales indiquent que les caractéristiques de perception de la lumière des DPh sont conservées dans différents environnements.

Pour étudier davantage les propriétés de réponse lumineuse des DPh, l’équipe a construit un système de gènes rapporteurs de réponse DPh dans P. tricornutum, en quantifiant l’expression de la protéine fluorescente jaune (YFP) pour mesurer la réponse lumineuse des DPh. Les expériences ont montré que les DPh peuvent induire l’expression de YFP sous lumière rouge lointaine et lumière infrarouge proche (NIR), et peuvent également déclencher des réponses lumineuses sous lumière bleue. De plus, les réponses lumineuses des DPh sont photo-réversibles, la lumière rouge, verte et bleue pouvant inverser les réponses induites par la lumière NIR.

3. Modélisation des réponses lumineuses des DPh dans l’environnement marin

Pour simuler les réponses lumineuses des DPh dans l’environnement marin, l’équipe de recherche a développé un modèle basé sur les propriétés photochimiques des DPh. Le modèle prédit que les réponses lumineuses des DPh augmentent avec la profondeur, en particulier dans les zones profondes dominées par la lumière bleue et verte. Cette découverte suggère que les DPh peuvent décoder les informations sur la profondeur optique en percevant les changements spectraux, fournissant ainsi aux cellules des informations sur leur position verticale dans la colonne d’eau.

4. Rôle des DPh dans l’acclimatation de la photosynthèse

Pour évaluer la fonction des DPh dans la physiologie des diatomées, l’équipe de recherche a construit des mutants knock-out de DPh (tpdph) dans Thalassiosira pseudonana. Les expériences ont montré que dans des conditions simulées de faible lumière bleue en profondeur, les performances photosynthétiques des mutants tpdph étaient significativement réduites, en particulier en termes de taux maximal de transport d’électrons (ETRmax) et de point de saturation lumineuse (Ek). Cela indique que les DPh jouent un rôle important dans l’acclimatation de la photosynthèse des diatomées, en particulier dans des environnements de faible luminosité.

Conclusions et implications

Cette étude, en intégrant des recherches fonctionnelles et des enquêtes environnementales, révèle les mécanismes de perception de la lumière des phytochromes des diatomées dans l’environnement marin. Les résultats montrent que les DPh peuvent percevoir les changements lumineux sur l’ensemble du spectre, décoder les informations sur la profondeur optique et ainsi réguler les fonctions physiologiques des diatomées. Cette découverte offre une nouvelle perspective pour comprendre comment le phytoplancton marin s’adapte à l’environnement lumineux sous-marin et fournit une base théorique importante pour les futures recherches en écologie marine.

Points forts de la recherche

  1. Capacité de perception spectrale étendue des phytochromes : Les DPh peuvent non seulement percevoir la lumière rouge et rouge lointaine, mais aussi déclencher des réponses lumineuses sous lumière bleue et verte, démontrant leur capacité de perception spectrale étendue dans l’environnement marin.
  2. Détection de la profondeur optique : Les DPh peuvent décoder les informations sur la profondeur optique en percevant les changements spectraux, fournissant aux cellules des informations sur leur position verticale dans la colonne d’eau.
  3. Acclimatation de la photosynthèse : Les DPh régulent l’acclimatation de la photosynthèse des diatomées dans des environnements de faible luminosité, en particulier dans les conditions profondes, où leur fonction est particulièrement importante.
  4. Modèle de distribution mondiale : La distribution des gènes DPh dans les régions de haute latitude est étroitement liée à leur adaptabilité aux variations saisonnières de la profondeur de la couche mixte, révélant leur rôle important dans la gestion des déplacements verticaux dans la colonne d’eau.

Autres informations utiles

Cette étude fournit également des données détaillées sur les propriétés photochimiques des DPh, y compris leurs spectres d’absorption et leurs courbes de réponse lumineuse, offrant une référence importante pour les futures recherches sur les photorécepteurs. De plus, le système de gènes rapporteurs de réponse DPh et le modèle de réponse lumineuse développés par l’équipe de recherche fournissent de nouveaux outils expérimentaux et un cadre théorique pour des études similaires.

Grâce à cette recherche, nous avons non seulement approfondi notre compréhension des mécanismes de perception de la lumière des diatomées, mais aussi ouvert de nouvelles voies pour l’étude des stratégies d’adaptation à la lumière dans les écosystèmes marins.