PEARL : Une étude de biomarqueurs de phase Ib/II sur l'ajout d'une radiothérapie au pembrolizumab avant une chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer du sein HER2-négatif
Contexte académique
Le cancer du sein est l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes dans le monde, en particulier le cancer du sein triple négatif (Triple-Negative Breast Cancer, TNBC) et le cancer du sein positif aux récepteurs hormonaux/négatif au récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain (HR+/HER2-), qui suscitent une attention particulière en raison de leur agressivité et de leur pronostic défavorable. Ces dernières années, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (Immune Checkpoint Inhibitors, ICIs) tels que l’anticorps anti-PD-1 Pembrolizumab ont montré un potentiel dans le traitement du cancer du sein, en particulier dans le cadre de la chimiothérapie néoadjuvante (Neoadjuvant Chemotherapy, NAC). Cependant, bien que l’utilisation combinée de Pembrolizumab et de NAC ait significativement augmenté le taux de réponse pathologique complète (Pathologic Complete Response, pCR) et la survie sans événement à 3 ans (Event-Free Survival, EFS), l’incidence élevée d’effets indésirables graves (Grade 3⁄4 Adverse Events, AEs) de 78 % limite son utilisation généralisée.
La combinaison de la radiothérapie (Radiation Therapy, RT) et de l’immunothérapie est considérée comme pouvant renforcer la réponse immunitaire antitumorale. La RT induit la mort cellulaire immunogène, libère des antigènes tumoraux spécifiques, attire les cellules immunitaires dans le microenvironnement tumoral (Tumor Microenvironment, TME) et régule à la hausse l’expression de PD-L1. De plus, la RT peut induire des molécules de co-stimulation immunitaire, renforçant ainsi l’immunité antitumorale. Par conséquent, les chercheurs ont émis l’hypothèse que l’utilisation combinée de Pembrolizumab et de RT avant la NAC pourrait améliorer la réponse à la NAC sans retard significatif du traitement.
Origine de l’étude
Cette étude a été menée par Alice Y. Ho, Stephen Shiao et d’autres chercheurs de plusieurs institutions, dont le Duke University Medical Center, le Cedars Sinai Medical Center et le Massachusetts General Hospital. Elle a été publiée le 19 septembre 2024 dans le Journal of Clinical Oncology (JCO) sous le titre “PEARL: A Phase Ib/II Biomarker Study of Adding Radiation Therapy to Pembrolizumab Before Neoadjuvant Chemotherapy in Human Epidermal Growth Factor Receptor 2–Negative Breast Cancer”.
Processus de l’étude
Sujets et conception de l’étude
L’étude PEARL est un essai clinique prospectif, monobras, de phase Ib/II visant à évaluer la sécurité de l’utilisation combinée de Pembrolizumab et de RT préopératoire chez des patientes atteintes de TNBC opérable ou de cancer du sein HR+/HER2- à haut risque. L’étude a inclus 66 patientes, dont 54 atteintes de TNBC et 12 de cancer du sein HR+/HER2-. Toutes les patientes ont reçu deux cycles de Pembrolizumab (200 mg, toutes les 3 semaines) et ont subi une RT de 24 Gy (en trois fractions) dans les 3 premiers jours du deuxième cycle, suivie d’une NAC. Les critères d’évaluation principaux étaient la sécurité et les changements dans les lymphocytes infiltrant la tumeur (Tumor-Infiltrating Lymphocytes, TILs), et les critères secondaires incluaient le taux de pCR, la charge tumorale résiduelle (Residual Cancer Burden, RCB) et l’EFS.
Méthodes expérimentales
Des échantillons de sang périphérique et de biopsies tumorales ont été prélevés à trois moments : au départ, après le traitement par Pembrolizumab (anti-PD1) et après le traitement combiné Pembrolizumab et RT (anti-PD1/RT). Les TILs ont été évalués selon les critères de Salgado et du groupe de travail international sur les TILs, et l’expression de PD-L1 a été mesurée à l’aide du kit de diagnostic compagnon 22C3 PharmDx approuvé par la FDA. Les biomarqueurs sériques ont été mesurés à l’aide de kits de puces à protéines multiples (Mesoscale Discovery).
Analyse des données
L’étude a utilisé un design séquentiel bayésien pour surveiller la probabilité réelle (Pd) de retard dans la NAC. Si Pd dépassait 20 %, l’essai serait arrêté. La taille de l’échantillon pour la phase II a été calculée en fonction du taux de pCR dans le TNBC, avec l’estimation que 50 patientes évaluables permettraient de détecter un effet de taille de 1,20 avec une puissance de 80 %. Les analyses de données ont utilisé des tests t, des tests de Kruskal-Wallis, des modèles de risques proportionnels de Cox et des modèles de régression logistique.
Résultats principaux
Sécurité
L’étude a atteint le critère de sécurité principal, avec seulement 2 patientes (3 %) ayant retardé le début de la NAC de plus de 4 semaines après le traitement anti-PD1/RT. L’incidence des toxicités de grade ≥3 était de 41 %, dont 9 patientes (13,6 %) ont présenté des toxicités probablement ou définitivement liées à Pembrolizumab et/ou à la RT préopératoire.
Efficacité
Le taux de pCR dans l’ensemble de la cohorte était de 54,5 %, avec un taux de pCR de 59,2 % chez les patientes atteintes de TNBC et de 33,3 % chez celles atteintes de cancer du sein HR+/HER2-. 77,8 % des patientes atteintes de TNBC et 41,6 % des patientes atteintes de cancer du sein HR+/HER2- ont atteint une pCR quasi complète (RCB 0-1). L’EFS à 3 ans pour l’ensemble de la cohorte était de 80 %.
Changements dans les biomarqueurs
Dans l’ensemble de la cohorte, l’expression de PD-L1 a significativement augmenté après le traitement anti-PD1 (score CPS médian passant de 7,49 à 23,20) et a encore augmenté après le traitement anti-PD1/RT (score CPS médian passant à 23,41). Chez les patientes atteintes de TNBC, l’ajout de RT a significativement réduit les TILs (de 28,9 % à 17,1 %). Les TILs de base étaient corrélés à l’expression de PD-L1 et au TNF-α.
Conclusion
Le traitement préopératoire combinant Pembrolizumab et RT est sûr et permet d’obtenir des taux élevés de pCR et d’EFS à 3 ans, même sans l’utilisation de Pembrolizumab pendant la NAC. PD-L1 et les TILs pourraient être des biomarqueurs prédictifs de la réponse au traitement anti-PD1/RT préopératoire. La réduction des TILs après l’ajout de RT souligne l’importance de la séquence de traitement.
Points forts de l’étude
- Sécurité : L’étude a confirmé la sécurité de la combinaison de Pembrolizumab et de RT, avec une faible incidence de toxicité.
- Taux de pCR élevé : Le taux de pCR chez les patientes atteintes de TNBC est proche de celui des traitements standard actuels, sans nécessiter l’utilisation de Pembrolizumab pendant toute la durée de la NAC.
- Biomarqueurs : Les changements dans PD-L1 et les TILs fournissent des indicateurs prédictifs potentiels pour les futures immunothérapies.
- Séquence de traitement : Le moment de l’ajout de RT a un impact sur la réponse immunitaire, fournissant une référence importante pour l’optimisation des stratégies de traitement.
Signification de l’étude
L’étude PEARL offre une nouvelle stratégie de traitement préopératoire pour les patientes atteintes de cancer du sein, combinant Pembrolizumab et RT avant la NAC. Cette stratégie améliore non seulement le taux de pCR, mais réduit également l’incidence des effets indésirables graves, ouvrant de nouvelles voies pour la recherche sur l’immunothérapie du cancer du sein. De plus, l’étude révèle le potentiel de PD-L1 et des TILs en tant que biomarqueurs prédictifs, fournissant une base pour un traitement personnalisé.