Validation d'un panel de sphingolipides sanguins pronostiques pour les hommes atteints d'un cancer de la prostate localisé suivis en surveillance active

Étude d’un modèle de prédiction des risques basé sur des biomarqueurs plasmatiques de sphingolipides dans la surveillance active du cancer de la prostate

Contexte académique

Le cancer de la prostate est l’un des cancers les plus fréquents chez les hommes dans le monde, en particulier chez les patients atteints d’un cancer de la prostate à faible et à risque intermédiaire. La surveillance active (Active Surveillance, AS) est devenue la stratégie de gestion privilégiée. La surveillance active permet de surveiller régulièrement la progression de la maladie chez les patients, évitant ainsi des traitements agressifs inutiles et réduisant les effets secondaires liés au traitement ainsi que la détérioration de la qualité de vie. Cependant, bien que la surveillance active soit cliniquement sûre, une petite proportion de patients présente un risque de progression de la maladie, en particulier une mise à niveau du grade de Gleason (Gleason Grade, GG), ce qui peut entraîner un retard dans le traitement agressif. Actuellement, les cliniciens s’appuient principalement sur des biopsies invasives pour surveiller la progression de la maladie, mais cette méthode est non seulement lourde pour les patients, mais elle manque également de puissance prédictive suffisante.

Des études antérieures ont montré que les niveaux de sphingolipides circulants sont associés à la progression du cancer de la prostate. Les sphingolipides sont une classe de molécules lipidiques impliquées dans la composition des membranes cellulaires et la transduction des signaux, et leurs anomalies métaboliques sont liées à la progression de plusieurs cancers. En particulier, des études ont montré que les cellules cancéreuses de la prostate régulent le métabolisme des sphingolipides via la protéine Caveolin-1 (Cav-1), favorisant ainsi la croissance et la survie des cellules cancéreuses. Sur la base de ces découvertes, cette étude vise à valider l’association entre les sphingolipides et la mise à niveau du GG, et à développer un panel de biomarqueurs sanguins basés sur les sphingolipides pour identifier les patients à haut risque de cancer de la prostate sous surveillance active.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Justin R. Gregg et al., les auteurs étant affiliés au Centre de cancérologie MD Anderson de l’Université du Texas (The University of Texas MD Anderson Cancer Center) et au Centre de recherche sur le cancer Fred Hutchinson de l’Université de Washington (University of Washington and Fred Hutchinson Cancer Center). L’article a été publié en 2024 dans la revue Biomarker Research.

Processus de recherche

Sujets et échantillons de l’étude

L’étude a inclus deux cohortes de surveillance active : la cohorte Canary PASS et la cohorte MDACC. La cohorte Canary PASS comprenait 544 patients, et la cohorte MDACC comprenait 697 patients. Au cours du suivi, 98 patients (17,7 %) de la cohorte Canary PASS ont subi une mise à niveau du GG, et 133 patients (19,1 %) de la cohorte MDACC ont subi une mise à niveau du GG. L’étude a utilisé la spectrométrie de masse pour quantifier 87 sphingolipides uniques.

Construction et validation du panel de sphingolipides

L’étude a d’abord développé un modèle de réseau neuronal basé sur 21 sphingolipides dans la cohorte Canary PASS pour prédire la mise à niveau du GG. Ensuite, les patients ont été divisés en groupes à faible risque, à risque intermédiaire et à haut risque sur la base de seuils de tertiles, et un modèle combiné a été construit en incorporant la densité de PSA (PSA density) et le taux de positivité des biopsies diagnostiques (rate of core positivity). Ce modèle a été validé dans la cohorte MDACC, avec des indicateurs d’évaluation incluant le modèle de risques proportionnels de Cox, l’indice C, l’AUC et les courbes d’incidence cumulative.

Analyse des données

L’étude a utilisé le modèle de risques proportionnels de Cox pour évaluer l’association entre les sphingolipides individuels et la progression de la maladie, et a construit un panel de sphingolipides via un modèle d’apprentissage profond (Deep Learning Model, DLM). La performance du modèle a été évaluée par l’indice C et l’AUC, et une analyse multivariée a été réalisée en incorporant des facteurs cliniques tels que la densité de PSA et le taux de positivité des biopsies.

Résultats principaux

Résultats dans la cohorte Canary PASS

Dans la cohorte Canary PASS, le ratio de risque (Hazard Ratio, HR) par augmentation d’une unité d’écart type pour le panel de sphingolipides était de 1,36 (95 % CI : 1,07–1,70). Le modèle combiné incorporant la densité de PSA et le taux de positivité des biopsies avait un HR de 1,63 (95 % CI : 1,33–2,00). Sur la base des seuils de tertiles, le risque de mise à niveau du GG dans le groupe à haut risque était significativement plus élevé que dans le groupe à faible risque (HR 3,17, 95 % CI : 1,84–5,46).

Validation dans la cohorte MDACC

Dans la cohorte MDACC, le HR pour le panel de sphingolipides était de 1,35 (95 % CI : 1,11–1,64), et le HR pour le modèle combiné était de 1,44 (95 % CI : 1,25–1,66). Le risque de mise à niveau du GG dans le groupe à haut risque était de 3,65 (95 % CI : 2,21–6,02), capturant 50 % des patients ayant subi une mise à niveau du GG.

Conclusion

Cette étude confirme l’association indépendante entre le panel de sphingolipides et la mise à niveau du GG, et montre que le panel de sphingolipides combiné à des facteurs cliniques peut effectivement stratifier les risques, aidant à guider la gestion clinique dans le cadre de la surveillance active. Cette recherche fournit un biomarqueur non invasif potentiel pour les patients atteints de cancer de la prostate, capable d’identifier les patients à haut risque, optimisant ainsi les stratégies de surveillance.

Points forts de l’étude

  1. Innovation : Premier développement d’un panel de biomarqueurs basé sur les sphingolipides plasmatiques pour prédire la mise à niveau du GG dans la surveillance active du cancer de la prostate.
  2. Valeur clinique : Ce panel, combiné à des facteurs cliniques, peut effectivement stratifier les risques, aidant les médecins à élaborer des stratégies de surveillance personnalisées, réduisant ainsi les biopsies et les traitements inutiles.
  3. Validation multicohorte : L’étude a validé la performance du modèle dans deux cohortes indépendantes, Canary PASS et MDACC, renforçant la fiabilité des résultats.

Autres informations utiles

L’étude a également exploré le rôle de l’IRM dans la stratification des risques, constatant que le panel de sphingolipides pouvait encore prédire efficacement la mise à niveau du GG chez les patients avec un IRM négatif. De plus, l’étude souligne que les recherches futures devraient intégrer davantage les résultats de l’IRM et des biopsies ciblées pour optimiser les modèles de stratification des risques.

Résumé

Cette étude démontre que le panel de biomarqueurs basé sur les sphingolipides plasmatiques a une valeur prédictive importante dans la surveillance active du cancer de la prostate, aidant à identifier les patients à haut risque et à optimiser les stratégies de gestion clinique. Les recherches futures devront valider davantage l’application clinique de ce panel et explorer son potentiel dans d’autres cancers.