Cabozantinib néoadjuvant pour le carcinome rénal à cellules claires localement avancé non métastatique : un essai de phase 2

Contexte académique

Le carcinome rénal (Renal Cell Carcinoma, RCC) est l’un des cancers dont l’incidence augmente rapidement à l’échelle mondiale, en particulier chez les jeunes patients et les minorités ethniques. Aux États-Unis, on estime qu’en 2024, 81 610 nouveaux cas de carcinome rénal seront diagnostiqués, dont environ 30 % évolueront vers un carcinome rénal métastatique. Pour le carcinome rénal localement avancé, le traitement initial consiste généralement en une néphrectomie partielle ou radicale. Cependant, bien que la chirurgie puisse guérir de nombreux patients, environ 50 % des patients rechutent dans les 5 ans. En raison du taux élevé de récidive, les chercheurs ont commencé ces dernières années à explorer des traitements intensifiés pour améliorer le pronostic des patients. Par exemple, un traitement adjuvant anti-PD-1 après la chirurgie a démontré une amélioration légère mais significative de la survie globale. Cependant, la question de savoir si un traitement néoadjuvant (c’est-à-dire un traitement administré avant la chirurgie) peut apporter des bénéfices supplémentaires reste à l’étude.

L’objectif initial du traitement néoadjuvant était de réduire la taille de la tumeur, permettant ainsi de rendre résécables des tumeurs initialement inopérables, ou de permettre à certains patients de bénéficier d’une néphrectomie partielle (c’est-à-dire une chirurgie préservant le rein), préservant ainsi la fonction rénale et réduisant le risque à long terme d’insuffisance rénale. Cependant, ces dernières années, les chercheurs ont progressivement reconnu que certains traitements néoadjuvants, en particulier les immunothérapies, pourraient améliorer la survie à long terme des patients en stimulant une réponse immunitaire antitumorale durable.

Le Cabozantinib est un inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) multi-cibles, capable d’inhiber des cibles telles que MET, AXL, RET et VEGFR2, inhibant ainsi la croissance tumorale, les métastases et l’angiogenèse. Le Cabozantinib a été approuvé pour le traitement du carcinome rénal métastatique et a démontré dans plusieurs modèles précliniques qu’il pouvait renforcer la réponse immunitaire antitumorale. Par conséquent, le Cabozantinib est considéré comme un candidat prometteur pour un traitement néoadjuvant.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par des chercheurs de l’Université Emory, dont Mehmet A. Bilen, Viraj A. Master et Haydn T. Kissick, et a été publiée en mars 2025 dans la revue Nature Cancer. Il s’agit d’un essai clinique de phase II monocentrique et non randomisé (NCT04022343), visant à évaluer l’efficacité du Cabozantinib en traitement néoadjuvant chez des patients atteints d’un carcinome rénal à cellules claires (ccRCC) localement avancé et non métastatique.

Déroulement et résultats de l’étude

Conception de l’étude

L’étude a inclus 17 patients atteints d’un ccRCC localement avancé et non métastatique, confirmé par biopsie, qui ont reçu un traitement par Cabozantinib pendant 12 semaines avant une résection chirurgicale. Le critère principal de l’étude était le taux de réponse objective (ORR) à 12 semaines, incluant les réponses complètes (CR) et partielles (PR). Les critères secondaires incluaient la sécurité, la tolérance, les résultats cliniques et chirurgicaux, ainsi que la qualité de vie.

Résultats du traitement

Les résultats de l’étude ont montré que 6 patients (35 %) ont atteint une réponse partielle (PR), tandis que 11 patients (65 %) ont présenté une maladie stable (SD). Tous les patients ont vu leur tumeur régresser, avec un taux de bénéfice clinique de 100 %, et aucun patient n’a présenté de progression de la maladie pendant le traitement. La réduction médiane de la taille de la tumeur rénale principale était de 26 % (intervalle : 8 % à 42 %). Un patient initialement considéré comme inopérable est devenu résécable après le traitement, et deux patients ont pu bénéficier d’une néphrectomie partielle au lieu d’une néphrectomie radicale.

Sécurité

Les événements indésirables les plus fréquents incluaient la diarrhée (70,6 %), l’anorexie, la fatigue et l’hypertension (58,8 %), ainsi que des nausées et un syndrome mains-pieds (52,9 %). Aucun événement indésirable de grade 4 ou 5 lié au Cabozantinib ou à la chirurgie n’a été observé.

Activation immunitaire

L’étude a révélé que le traitement par Cabozantinib activait les lymphocytes T CD8+ dans le sang périphérique des patients, tout en épuisant les populations myéloïdes et en induisant des niches immunitaires pour les lymphocytes T CD8+ de type souche TCF1+. Ces résultats suggèrent que le Cabozantinib non seulement exerce un effet antitumoral direct, mais pourrait également améliorer le pronostic à long terme des patients en renforçant la réponse immunitaire.

Marqueurs plasmatiques et réponse tumorale

L’étude a également analysé la relation entre l’ADN libre circulant (cfDNA) et les cytokines plasmatiques avec la réponse tumorale. Les résultats ont montré que la concentration de cfDNA augmentait significativement pendant le traitement et était corrélée aux changements de taille de la tumeur. De plus, les concentrations plasmatiques de VEGF, c-MET, GAS6 et AXL ont augmenté de manière significative pendant le traitement par Cabozantinib, tandis que la concentration de VEGFR2 a diminué de manière significative. Ces marqueurs pourraient servir d’indicateurs précoces de l’efficacité du traitement.

Caractéristiques radiologiques

En surveillant la réponse tumorale au Cabozantinib par imagerie par résonance magnétique (IRM), l’étude a révélé que les tumeurs des patients en réponse partielle (PR) avaient significativement rétréci à 12 semaines, tandis que la taille des tumeurs des patients en maladie stable (SD) était restée globalement inchangée. De plus, en calculant des caractéristiques radiologiques (telles que les caractéristiques de Haralick et de gradient), les chercheurs ont découvert que les tumeurs des patients en PR présentaient une hétérogénéité plus élevée au départ.

Microenvironnement immunitaire tumoral

Les chercheurs ont également analysé l’impact du Cabozantinib sur le microenvironnement immunitaire tumoral. Les résultats ont montré que le Cabozantinib augmentait significativement l’infiltration de lymphocytes T CD8+ dans la tumeur et induisait la formation de lymphocytes T CD8+ de type souche TCF1+. Ces cellules, en collaboration avec les cellules présentatrices d’antigène (APCs), formaient des niches immunitaires, potentiellement liées à la survie à long terme des patients et à leur réponse à l’immunothérapie.

Conclusion et signification

Cette étude démontre que le Cabozantinib est sûr et efficace en traitement néoadjuvant chez les patients atteints d’un ccRCC localement avancé et non métastatique. Non seulement il réduit significativement la taille de la tumeur, rendant certains patients initialement inopérables résécables, mais il pourrait également améliorer le pronostic à long terme des patients en activant la réponse immunitaire. Les résultats soutiennent une exploration plus approfondie de l’utilisation combinée du Cabozantinib et de l’immunothérapie, et fournissent des marqueurs biologiques et des caractéristiques radiologiques importants pour les futurs essais cliniques.

Points forts de l’étude

  1. Réduction significative de la tumeur : Le traitement par Cabozantinib a entraîné une réduction de la tumeur chez tous les patients, permettant à certains patients initialement inopérables de devenir résécables.
  2. Effet d’activation immunitaire : Le Cabozantinib a activé de manière significative les lymphocytes T CD8+ et induit la formation de lymphocytes T CD8+ de type souche, offrant une base potentielle pour l’immunothérapie.
  3. Découverte de marqueurs biologiques : Les changements dans le cfDNA plasmatique et les cytokines étaient étroitement liés à la réponse tumorale, pouvant servir d’indicateurs précoces de l’efficacité du traitement.
  4. Valeur prédictive des caractéristiques radiologiques : En calculant des caractéristiques radiologiques, les chercheurs ont découvert que l’hétérogénéité tumorale était corrélée à la réponse au traitement, offrant de nouvelles perspectives pour un traitement personnalisé.

Autres informations utiles

L’étude a également documenté en détail la qualité de vie des patients et les complications postopératoires, démontrant davantage la sécurité du Cabozantinib en traitement néoadjuvant. De plus, les chercheurs ont analysé les changements transcriptionnels dans le microenvironnement tumoral par séquençage de l’ARN, révélant les effets du traitement par Cabozantinib sur les voies immunitaires.

Cette étude offre de nouvelles perspectives et preuves pour le traitement néoadjuvant des patients atteints d’un ccRCC localement avancé et non métastatique, avec une valeur scientifique et clinique importante.