Réorganisation des caractéristiques topologiques des réseaux fonctionnels cérébraux lors de l'acouphène chronique : une étude basée sur la théorie des graphes

Réorganisation des caractéristiques topologiques des réseaux fonctionnels cérébraux chez les patients souffrant d’acouphènes chroniques

Contexte académique

Les acouphènes sont la perception de sons en l’absence de stimuli acoustiques externes ou de sources internes de perception auditive, avec une prévalence mondiale allant de 11,9 % à 30,3 %. Les patients souffrant d’acouphènes ne présentent pas seulement des symptômes auditifs, tels que l’hyperacousie et les difficultés auditives, mais aussi des symptômes psychologiques, notamment l’anxiété, la dépression, l’insomnie et les troubles de l’attention. Ces symptômes sont étroitement liés à la gravité des acouphènes. Selon les lignes directrices de pratique clinique américaines publiées en 2014, les acouphènes sont classés en acouphènes récents (durée inférieure à 6 mois) et acouphènes persistants (durée supérieure ou égale à 6 mois). Les acouphènes récents et persistants présentent souvent des caractéristiques cliniques différentes, telles que des variations dans l’intensité, la fréquence et les troubles de l’humeur associés aux acouphènes. Cependant, le mécanisme exact de la chronicité des acouphènes reste mal compris.

La physiopathologie des acouphènes est complexe et multifactorielle, impliquant à la fois les systèmes périphériques et centraux. Initialement, on pensait que les acouphènes provenaient d’une activité neuronale aberrante localisée dans le système auditif périphérique, mais des études récentes indiquent que les acouphènes sont associés à une activité neuronale anormale dans des réseaux cérébraux largement distribués, comprenant à la fois le réseau auditif et des structures extra-auditives, telles que le cortex frontal, le parahippocampe, le cortex cingulaire, l’insula et le cervelet. Cette activité neuronale anormale s’étend à travers plusieurs réseaux cérébraux. Bien que de nombreuses études aient exploré les mécanismes neuronaux des acouphènes, les recherches sur les changements neuronaux lors de la transition des acouphènes récents vers les acouphènes persistants restent limitées.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Shuting Han, Yongcong Shen, Xiaojuan Wu, Hui Dai, Yonggang Li, Jisheng Liu et Duo-Duo Tao, affiliés respectivement au Département de radiologie et au Département d’oto-rhino-laryngologie du Premier Hôpital Affilié de l’Université de Soochow. L’étude a été publiée en 2025 dans la revue European Journal of Neuroscience, sous le titre Topological features of brain functional networks are reorganized during chronic tinnitus: a graph-theoretical study.

Processus de recherche

Sujets et groupes d’étude

L’étude a recruté 51 patients souffrant d’acouphènes (divisés en un groupe d’acouphènes récents et un groupe d’acouphènes persistants) et 27 témoins sains (HC). Tous les participants ont subi une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) au repos et des évaluations audiologiques. L’étude a utilisé la théorie des graphes (graph theory) pour examiner la topologie des réseaux cérébraux.

Acquisition et prétraitement des données

Les scans IRM ont été réalisés à l’aide d’un scanner Philips 3.0T Ingenia, avec acquisition d’images pondérées en T1 et d’IRMf au repos. Le prétraitement des données comprenait la conversion de format, la suppression des 10 premiers points temporels, la correction du temps de coupe, la correction des mouvements, l’enregistrement, la normalisation spatiale, le détourage et le filtrage.

Construction et analyse des réseaux fonctionnels cérébraux

L’étude a utilisé la boîte à outils Gretna et l’atlas AAL pour segmenter le cerveau en 90 régions d’intérêt (ROI), et a calculé les coefficients de corrélation de Pearson entre les nœuds, construisant ainsi une matrice de connectivité de 90x90. En appliquant un seuil de sparsité, l’étude a assuré que tous les réseaux avaient un nombre égal de nœuds et de connexions. L’analyse du réseau comprenait le calcul de paramètres globaux et nodaux, tels que la longueur de chemin caractéristique (LP), le coefficient de clustering (CP), le coefficient de clustering normalisé (gamma), la longueur de chemin caractéristique normalisée (lambda), le coefficient de petit monde (sigma) et l’efficacité du réseau cérébral (y compris l’efficacité globale (Eglob) et l’efficacité locale (Eloc)).

Analyse modulaire

L’étude a divisé les 90 ROI en six sous-modules : frontal, préfrontal, pariétal, temporal, occipital et sous-cortical. La force de connexion intra- et inter-modules a été calculée pour les groupes d’acouphènes récents, d’acouphènes persistants et les témoins sains.

Résultats principaux

Comparaison des paramètres globaux

Les résultats ont montré que le coefficient de clustering (CP), le coefficient de clustering normalisé (gamma) et l’efficacité locale (Eloc) étaient significativement plus faibles dans le groupe d’acouphènes récents (ROT) que dans les groupes de témoins sains (HC) et d’acouphènes persistants (PT). Cela indique que la connectivité locale du réseau cérébral est plus faible chez les patients souffrant d’acouphènes récents, mais que ces changements se rétablissent progressivement avec la persistance des acouphènes.

Comparaison des paramètres nodaux

Dans l’analyse nodale, le coefficient de clustering nodale (NCP) et l’efficacité locale nodale (NLE) du noyau caudé gauche et du cortex olfactif gauche étaient significativement réduits dans le groupe ROT, tandis que la centralité nodale du gyrus frontal moyen orbital gauche et du gyrus postcentral gauche était augmentée. De plus, le coefficient de clustering nodale du putamen droit et l’efficacité nodale du cortex olfactif gauche étaient également significativement réduits dans le groupe ROT.

Résultats de l’analyse modulaire

L’analyse modulaire a révélé que la force de connexion entre le module sous-cortical et le module occipital, ainsi qu’entre le module préfrontal et le module préfrontal, était significativement plus forte dans le groupe ROT que dans les groupes PT et HC. En revanche, la force de connexion intra-module du module sous-cortical était significativement plus forte dans le groupe PT que dans le groupe HC.

Analyse de corrélation

Dans le groupe de patients souffrant d’acouphènes, la durée des acouphènes était positivement corrélée avec l’efficacité locale nodale du cortex olfactif droit.

Conclusion et signification

Cette étude a révélé, grâce à l’analyse par théorie des graphes, les changements dans la topologie des réseaux fonctionnels cérébraux chez les patients souffrant d’acouphènes à différents stades de la maladie. Les résultats montrent que la connectivité locale et la capacité de transmission d’informations globales du réseau cérébral sont réduites chez les patients souffrant d’acouphènes récents, mais que ces changements se rétablissent progressivement avec la persistance des acouphènes. De plus, l’étude a identifié des anomalies fonctionnelles dans certains nœuds clés, tels que le gyrus frontal moyen orbital gauche, le noyau caudé gauche et le cortex olfactif bilatéral. Ces changements pourraient refléter une réponse de compensation centrale aux acouphènes.

Valeur scientifique et applicative

Cette étude élargit non seulement notre compréhension de la réorganisation des connexions fonctionnelles cérébrales chez les patients souffrant d’acouphènes, mais fournit également des preuves de la réorganisation topologique des réseaux cérébraux lors de la chronicité des acouphènes. Ces découvertes pourraient offrir de nouveaux biomarqueurs et cibles thérapeutiques pour le diagnostic et le traitement des acouphènes.

Points forts de l’étude

  1. Méthode de recherche innovante : Cette étude est la première à utiliser la théorie des graphes pour analyser systématiquement les changements topologiques des réseaux fonctionnels cérébraux chez les patients souffrant d’acouphènes à différents stades de la maladie.
  2. Découvertes importantes : L’étude a révélé une réduction de la connectivité locale et de la capacité de transmission d’informations globales du réseau cérébral chez les patients souffrant d’acouphènes récents, mais ces changements se rétablissent avec la persistance des acouphènes.
  3. Valeur applicative potentielle : Les résultats de l’étude ouvrent de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement des acouphènes, en particulier en utilisant les changements topologiques des réseaux cérébraux pour évaluer le processus de chronicité des acouphènes.

Autres informations utiles

Bien que cette étude ait fait des progrès significatifs, certaines limites subsistent, telles que la taille réduite de l’échantillon et l’absence d’analyse des données d’IRM structurelle. Les recherches futures pourraient élargir la taille de l’échantillon et intégrer des données d’IRM structurelle pour explorer davantage les mécanismes de réorganisation des réseaux cérébraux lors de la chronicité des acouphènes.