Interactomique résolue en cellule unique et spatialement des kératinocytes associés aux dents dans la parodontite
Étude interactomique monocellulaire et résolue spatialement des kératinocytes associés aux dents : exploration du rôle de l’immunité structurelle dans la parodontite
Introduction
La parodontite est une maladie inflammatoire chronique qui affecte des milliards de personnes dans le monde entier. Elle se manifeste principalement par des lésions des tissus parodontaux et peut éventuellement entraîner la perte des dents. La principale cause en est le déséquilibre des communautés bactériennes du biofilm parodontal (polybacterial dysbiosis). Cette maladie est également étroitement liée à d’autres maladies systémiques, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, la maladie d’Alzheimer et les maladies inflammatoires de l’intestin. Cependant, les traitements personnalisés et précis pour la parodontite font encore face à de nombreux défis, en grande partie en raison du manque de compréhension approfondie des sous-groupes cellulaires des tissus parodontaux et de leurs rôles dans les états de santé et de maladie. En particulier, bien que l’hétérogénéité des kératinocytes épithéliaux associés à la dent ait été rapportée depuis des décennies, leur annotation fonctionnelle reste incomplète.
Ces dernières années, le concept d’« immunité structurelle » (structural immunity) a suscité un intérêt croissant dans la communauté scientifique. Ce concept met en lumière le rôle potentiel des cellules non hématopoïétiques (telles que les fibroblastes et les cellules épithéliales) dans la réponse immunitaire. En particulier, il a été suggéré que les kératinocytes (keratinocyte) ne se contentent pas de participer passivement aux infections microbiennes dues à des ruptures de barrières, mais qu’ils peuvent également moduler la réponse immunitaire grâce à une reprogrammation de leurs cellules souches ou à une mémoire immunitaire. Sur cette base, cette étude vise à explorer, sous un angle monocellulaire et spatialement résolu, les caractéristiques immunitaires structurelles des kératinocytes dans la parodontite, ainsi que les altérations de leur état de différenciation et leurs interactions avec d’autres éléments immunitaires et microbiens.
Source du papier
Cette étude a été réalisée grâce à la collaboration de chercheurs provenant d’institutions internationales prestigieuses, dont Quinn T. Easter, Bruno Fernandes Matuck, Germán Beldorati Stark et autres. L’auteur correspondant principal est Kevin M. Byrd. L’article a été publié dans « Nature Communications » (2024), DOI : 10.1038/s41467-024-49037-y.
Détails du processus de recherche
Cette étude approfondit la recherche sur les sous-groupes de kératinocytes associés à la parodontite à travers la construction d’une carte intégrée de transcription unicellulaire des tissus parodontaux et une analyse de la disposition spatiale des cellules. Le processus comprend principalement les étapes suivantes :
Étape 1 : Construction de la carte de transcription unicellulaire
Les chercheurs ont intégré quatre ensembles de données publiées sur le séquençage de l’ARN unicellulaire (scRNAseq) des tissus parodontaux humains. Ces ensembles comprennent 34 échantillons représentant trois états (santé, gingivite et parodontite), soit un total de 105 918 cellules. Ces données intégrées ont été annotées et analysées à l’aide de l’outil cellenics, permettant l’identification de 17 principaux types cellulaires et la description de cinq nouveaux sous-groupes de kératinocytes gingivaux. Les kératinocytes du sulcus (Sulcular Keratinocyte, SK) et les kératinocytes de jonction (Junctional Keratinocyte, JK), en particulier, ont été classés comme cellules souches/précurseurs ou progénitures différenciées grâce à des marqueurs spécifiques tels que la kératine (KRT19), et leur distribution spatiale a été validée.
Étape 2 : Validation par transcriptomique spatiale
En combinant une hybridation in situ multiplexée (MISH), l’équipe a scruté en détail l’hétérogénéité spatiale des kératinocytes. En marquant des molécules spécifiques telles que CXCL14, NEAT1 et FDPCS, ils ont précisément localisé, pour la première fois, les kératinocytes SK/JK dans les tissus entourant les dents et confirmé leurs trajectoires de différenciation et leurs phénotypes inflammatoires régionaux spécifiques dans les états de santé et de maladie.
Étape 3 : Analyse des communications intercellulaires
À l’aide de la technologie CellPhoneDB, les chercheurs ont prédit les voies d’interaction intercellulaire en étudiant l’expression de divers facteurs chimiotactiques (par exemple, CXCL1, CXCL8, IL-1B, etc.) des kératinocytes SK/JK vers les cellules immunitaires innées et adaptatives. Ils ont découvert que les JK interagissent davantage avec les macrophages et les neutrophiles, tandis que les SK établissent des interactions principalement avec les lymphocytes T et B.
Étape 4 : Analyse métagénomique unicellulaire et interactions cellule-microbiome
Grâce à la métagénomique unicellulaire, les chercheurs ont identifié une forte présence de bactéries pathogènes associées à la parodontite, telles que Porphyromonas gingivalis, dans les SK/JK. Ces signaux microbiens spécifiques ont été validés via des sondes d’ARNr 16S. En 3D, ils ont observé pour la première fois la coexistence de plusieurs espèces bactériennes dans les cellules souches des kératinocytes et leurs progénitures.
Étape 5 : Analyse de l’immunofluorescence et de la composition immunitaire
En réalisant des colorations d’immunofluorescence multiplexées (Multiplexed Immunofluorescence, MIF), l’équipe a révélé des changements dans les microenvironnements immunitaires autour des SK/JK dans la parodontite. Ils ont observé la présence d’un microenvironnement immunosuppresseur (par exemple, cellules exprimant PD-L1+) près des JK, tandis que la région des SK semble recruter davantage les cellules immunitaires adaptatives, formant des structures lymphoïdes tertiaires.
Principaux résultats et conclusions
Données appuyant les résultats : Les kératinocytes SK/JK montrent une perturbation significative des trajectoires de différenciation et une forte expression de facteurs inflammatoires (y compris divers chimiokines et membres de la famille IL-1, tels que IL-1A, IL-1B et IL-36G) dans la parodontite. Ces molécules pourraient exacerber l’inflammation chronique en recrutant les cellules immunitaires.
Lien avec les signaux microbiens : Les signaux microbiens multiples (Polybacterial Burden) observés dans les SK/JK ont été directement corrélés à leur phénotype inflammatoire élevé. Ces signaux peuvent exister sous forme de vésicules membranaires bactériennes extracellulaires (Outer Membrane Vesicles).
Interactions immunité-structure : Les JK favorisent la communication avec les cellules immunitaires innées, tandis que les SK interagissent principalement avec les cellules immunitaires adaptatives. Cette division fonctionnelle semble jouer un rôle crucial dans les mécanismes de régulation en santé et en maladie.
Signification et points forts de l’étude
Cette étude utilise des technologies monocellulaires et multimodales pour annoter de manière inédite l’hétérogénéité des SK/JK dans la parodontite et leurs interactions immunitaires. Elle introduit également le concept de « kératokines » (Keratokines, facteurs chimiokines sécrétés par les kératinocytes), soulignant que ces kératinocytes sont des acteurs centraux du concept selon lequel « chaque cellule est une cellule immunitaire » dans le cadre de l’immunité structurelle.
De plus, en explorant les interactions multiples avec le microbiome, cette étude apporte une compréhension élargie des mécanismes de coexistence hôte-microbe, offrant des perspectives nouvelles pour des régulations trans-espèces et trans-systèmes. Ces résultats devraient jeter les bases d’un diagnostic précoce plus précis, et du développement de traitements plus personnalisés pour la parodontite.