Utilisation des données de pharmacovigilance pour prédire les profils de toxicité à l'échelle de la population de l'immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle
Prédiction et surveillance de la toxicité des inhibiteurs de point de contrôle immunitaire : L’application révolutionnaire du framework DysPred basé sur l’apprentissage profond
Contexte académique
Les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (immune checkpoint inhibitors, ICIs) représentent une avancée majeure dans le domaine de l’immunothérapie anticancéreuse ces dernières années. En inhibant les voies de signalisation des points de contrôle immunitaires, ils renforcent la réponse immunitaire antitumorale de l’organisme. Cependant, les ICIs peuvent déclencher un large éventail d’effets indésirables liés au système immunitaire (immune-related adverse events, irAEs), qui non seulement affectent la qualité de vie des patients, mais peuvent également entraîner des dommages aux organes, voire la mort. En raison de l’hétérogénéité élevée des irAEs selon les contextes cliniques, les types de tumeurs, la spécificité tissulaire et les caractéristiques démographiques des patients, une méthode robuste et évolutive est nécessaire pour prédire et gérer ces effets indésirables.
Bien que des études antérieures aient exploré les irAEs à travers des essais cliniques et des bases de données traditionnelles d’effets indésirables des médicaments (comme SIDER et OFFSIDES), ces méthodes sont souvent limitées par la petite taille des échantillons, les conflits de données et leur incapacité à prédire les futurs effets indésirables. Ainsi, l’utilisation de données de pharmacovigilance à grande échelle, en particulier la surveillance post-commercialisation (post-marketing surveillance), pour identifier et comprendre la toxicité des ICIs est devenue une priorité clé dans la recherche actuelle.
Source de l’article
Cet article est le fruit d’une collaboration entre Yan Dongxue, Bao Siqi, Zhang Zicheng, Sun Jie et Zhou Meng, issus du Centre national de recherche clinique pour les maladies oculaires de l’École d’ingénierie biomédicale de l’Université médicale de Wenzhou. Cette étude a été publiée en 2024 dans la revue Nature Computational Science (DOI : 10.1038/s43588-024-00748-8). L’équipe de recherche a développé le framework DysPred, qui applique pour la première fois un réseau de convolution graphique dynamique (dynamic graph convolutional network, DGCN) à l’analyse des données de pharmacovigilance, dans le but de prédire les risques de toxicité des ICIs au niveau de la population.
Processus et résultats de la recherche
1. Prétraitement des données et analyse de pharmacovigilance
L’équipe de recherche a extrait 13 754 811 rapports du système américain de déclaration des événements indésirables (FDA Adverse Event Reporting System, FAERS) couvrant la période de 2014 à 2022. Après le contrôle qualité, 1 539 445 rapports de haute qualité ont été retenus, dont 56 209 étaient liés aux ICIs. Les ICIs comprennent principalement les anti-PD-1 (comme le nivolumab et le pembrolizumab), les anti-PD-L1 (comme l’atezolizumab et l’avelumab) et les anti-CTLA-4 (comme l’ipilimumab).
Les chercheurs ont utilisé des méthodes d’analyse de disproportionnalité (disproportionality analysis), notamment le rapport des cotes de déclaration (reporting odds ratio, ROR) et la moyenne géométrique bayésienne empirique (empirical Bayesian geometric mean, EBGM), pour évaluer l’association entre les ICIs et les effets indésirables. Les résultats ont montré que les signaux forts (strong signals) ou très forts (very strong signals) induits par les ICIs se concentraient principalement sur les systèmes immunitaire et endocrinien.
2. Construction du framework DysPred
Le cœur du framework DysPred est un modèle d’apprentissage profond basé sur un réseau de convolution graphique dynamique, conçu pour prédire les risques de toxicité des ICIs grâce à l’analyse des données de pharmacovigilance. Ce framework comprend trois étapes clés :
- Génération du paysage de toxicité : Basée sur les effets indésirables déclarés, cette étape génère un paysage de toxicité pour les ICIs et le compare à la cohorte globale de pharmacovigilance.
- Prédiction des risques de toxicité : À l’aide de graphiques d’analyse de disproportionnalité (disproportionality analysis graphs) combinés à la similarité sémantique des nœuds (node semantic similarity), cette étape prédit les paysages de toxicité potentiels sur une période de 5 ans. Le modèle utilise des graphiques k-core et un réseau à mémoire à long terme (long short-term memory, LSTM) pour générer des représentations de nœuds dans un espace latent de faible dimension et attribuer un score de risque de sécurité prédit (predicted safety risk score, PRSS) à chaque toxicité induite par les ICIs.
- Classification et sortie des risques : Grâce à un processus itératif de construction du modèle, la distribution des risques de sécurité pour chaque toxicité induite par les ICIs est convertie en classes de risque de sécurité des signaux (signal safety risk classes).
DysPred a démontré des performances de prédiction exceptionnelles dans plusieurs types de cancer et cohortes démographiques, montrant notamment une grande robustesse dans les scénarios à petits échantillons. Par exemple, pour les patients atteints de mélanome (melanoma, MEL), la précision de prédiction de DysPred pour les traitements anti-CTLA-4 atteint 81,2 %.
3. Relations logiques des résultats et contribution
Les résultats montrent que DysPred est capable de capturer avec précision les signaux de toxicité induits par les ICIs et de maintenir des performances de prédiction stables dans le temps. De plus, DysPred est en accord élevé avec les systèmes physiologiques connus et les changements dans les profils transcriptionnels (transcriptional profiles, CTPs), validant ainsi sa pertinence clinique. En analysant les risques de toxicité des différents schémas thérapeutiques des ICIs, DysPred fournit aux cliniciens un outil essentiel pour optimiser les traitements des patients.
4. Points forts et signification de la recherche
Les innovations du framework DysPred incluent :
- Intégration efficace des données : La combinaison de données de pharmacovigilance à grande échelle et de l’analyse de similarité sémantique permet une prédiction précise de la toxicité des ICIs.
- Analyse temporelle dynamique : Grâce à l’utilisation de réseaux de convolution graphique dynamique en séries temporelles, DysPred capture les tendances d’évolution des signaux de toxicité, offrant ainsi une nouvelle perspective pour la surveillance post-commercialisation.
- Perspectives d’application étendues : DysPred ne se limite pas aux ICIs mais peut également être étendu à l’évaluation des risques de toxicité d’autres médicaments antitumoraux et non antitumoraux.
5. Conclusions et valeur de la recherche
Le framework DysPred offre une nouvelle méthode pour l’évaluation des risques de toxicité des ICIs, permettant de prédire et de gérer les risques de toxicité potentiels grâce à des données de pharmacovigilance à grande échelle. Sa valeur scientifique réside dans la mise en lumière des dynamiques d’évolution de la toxicité des ICIs, ainsi que dans la fourniture d’éléments permettant aux cliniciens d’optimiser les schémas thérapeutiques. En outre, le succès de DysPred ouvre la voie à des approches techniques applicables à la prédiction de la toxicité d’autres médicaments.
Autres informations pertinentes
L’équipe de recherche a également exploré le potentiel de DysPred dans la prédiction des associations rares et nouvelles entre médicaments et effets indésirables. Grâce à l’évaluation en séries temporelles des graphiques d’analyse de disproportionnalité dynamique, DysPred a démontré d’excellentes performances dans la prédiction des effets indésirables rares et émergents, élargissant ainsi sa valeur dans les applications pratiques.
Le framework DysPred représente non seulement une avancée technologique, mais fournit également un soutien crucial à la prise de décision clinique dans l’utilisation des ICIs, contribuant ainsi à améliorer la sécurité et l’efficacité de l’immunothérapie anticancéreuse.