Comment la normalisation ajustée à l'orientation se propage-t-elle dans le champ visuel ?

Mécanisme de contrôle du gain réglé par l’orientation dans le cortex visuel

Contexte académique

La perception visuelle est un processus neural complexe influencé par le contexte environnemental. Parmi les phénomènes importants, la suppression environnante (surround suppression) décrit la réduction de la perception du contraste d’un stimulus lorsqu’il est entouré d’autres stimuli. Ce phénomène a été largement étudié dans les enregistrements électrophysiologiques chez les animaux, montrant une diminution des réponses neuronales dans le champ réceptif central en présence de stimuli environnants. Cependant, bien que l’on sache que la force de la suppression environnante est influencée par la similarité des caractéristiques entre les stimuli centraux et environnants, les mécanismes de contrôle du gain liés à la suppression réglée par l’orientation (orientation-tuned) restent peu explorés.

Cette étude vise à examiner comment la suppression environnante réglée par l’orientation affecte les fonctions de réponse au contraste (contrast response functions, CRFs) dans le cortex visuel précoce. En utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (fMRI), les chercheurs ont mesuré les réponses au contraste dans le cortex visuel précoce (zones V1-V3) lors de la présentation de stimuli en damier centre-périphérie à champ complet, révélant ainsi la distribution de la suppression réglée par l’orientation dans le champ visuel et son impact sur le gain neuronal.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Michaela Klímová, Ilona M. Bloem et Sam Ling. Michaela Klímová est affiliée au département des sciences psychologiques et cérébrales et au centre des neurosciences systémiques de l’Université de Boston (Boston University), Ilona M. Bloem au département de neurosciences computationnelles et d’imagerie cérébrale de l’Institut néerlandais des neurosciences, et Sam Ling au département des sciences psychologiques et cérébrales de l’Université de Boston. L’article a été publié pour la première fois dans le Journal of Neurophysiology le 7 janvier 2025.

Démarche de recherche

1. Conception expérimentale et présentation des stimuli

Les chercheurs ont recruté 10 observateurs (8 femmes) âgés de 18 à 35 ans, tous ayant une vision normale ou corrigée à la normale. Lors de l’expérience, les participants étaient invités à regarder des stimuli en damier centre-périphérie à champ complet. Le contraste du stimulus central variait entre 2,67 % et 96 %, tandis que le contraste du damier environnant était maintenu à 100 %. L’orientation (orientation) du damier environnant était soit alignée avec le stimulus central (collinéaire, collinear) soit orthogonale.

2. Acquisition des données fMRI

Toutes les données fMRI ont été acquises au Centre de neuroimagerie cognitive de l’Université de Boston à l’aide d’un scanner Siemens 3T Prisma, en utilisant une bobine tête à 64 canaux. Les données fMRI ont été acquises avec une accélération multi-bandes (multiband acceleration factor 5) et une résolution spatiale de 2 mm. Chaque participant a également subi une session préalable de cartographie des champs réceptifs de population (population receptive field mapping, pRF mapping) pour déterminer les préférences spatiales du cortex visuel précoce.

3. Analyse des données

Les chercheurs ont d’abord prétraité les données fMRI, y compris la correction des mouvements, la correction du temps de tranche et l’enregistrement basé sur les limites. Ensuite, ils ont estimé les réponses BOLD pour chaque condition de stimulation en utilisant un modèle de réponse impulsionnelle finie (finite impulse response, FIR). Pour quantifier les fonctions de réponse au contraste, les chercheurs ont ajusté les CRFs des zones V1-V3 à l’aide de l’équation de Naka-Rushton. Ce modèle décrit la relation entre la réponse BOLD et le contraste du stimulus, permettant ainsi de comparer les variations des paramètres des CRFs dans différentes conditions.

Résultats principaux

1. Fonctions de réponse au contraste sous suppression réglée par l’orientation

L’étude a révélé que lorsque le damier environnant était aligné avec le damier central, les réponses BOLD dans le cortex visuel précoce étaient nettement plus faibles que lorsque le damier environnant était orthogonal. Cet effet suppressif était plus prononcé dans les voxels proches de la limite centre-périphérie, tandis qu’il était presque absent dans les voxels éloignés de cette limite. Cela suggère que l’effet suppressif réglé par l’orientation est localisé dans le champ visuel, agissant principalement à la jonction entre les stimuli centraux et environnants.

2. Distribution spatiale des fonctions de réponse au contraste

Les chercheurs ont divisé le champ visuel en plusieurs intervalles d’excentricité (eccentricité), constatant que l’intensité de la suppression augmentait à mesure que l’on se rapprochait de la limite centre-périphérie. Dans la zone V1, les voxels proches de la limite présentaient l’effet suppressif le plus fort, tandis que dans les zones V2 et V3, cet effet était encore plus marqué. Cela indique que l’effet suppressif réglé par l’orientation varie selon les zones visuelles, avec une sensibilité accrue dans V2 et V3 pour les stimuli alignés.

3. Analyse des paramètres du modèle de Naka-Rushton

En analysant les paramètres du modèle de Naka-Rushton, les chercheurs ont constaté que dans les conditions alignées, la constante de semi-saturation (c50) était plus élevée, indiquant que le stimulus central nécessitait un contraste plus élevé pour atteindre le même niveau de réponse neuronale. Cependant, ces variations de paramètres n’ont pas atteint une signification statistique, probablement en raison de la grande variabilité individuelle des CRFs.

Conclusion et signification

Cette étude montre que la suppression environnante réglée par l’orientation exerce un effet localisé de contrôle du gain dans le cortex visuel précoce, affectant principalement la région de jonction entre les stimuli centraux et environnants. Cette découverte contribue à une meilleure compréhension de la manière dont le cortex visuel traite les scènes visuelles complexes, en particulier à travers les interactions entre des stimuli présentant des caractéristiques similaires pour optimiser le traitement de l’information. De plus, l’étude révèle le rôle particulier des zones V2 et V3 dans la suppression réglée par l’orientation, offrant de nouvelles pistes pour explorer les fonctions des cortex visuels de haut niveau.

Points forts de l’étude

  1. Effet localisé de la suppression réglée par l’orientation : L’étude révèle que l’effet suppressif réglé par l’orientation agit principalement à la jonction entre les stimuli centraux et environnants, remettant en cause l’hypothèse traditionnelle selon laquelle la suppression environnante est uniformément répartie dans la région du stimulus central.

  2. Rôle particulier des cortex visuels de haut niveau : L’étude montre que les zones V2 et V3 sont plus sensibles à la suppression des stimuli alignés, suggérant que ces zones jouent un rôle plus important dans le contrôle du gain réglé par les caractéristiques.

  3. Application du modèle de Naka-Rushton : Grâce au modèle de Naka-Rushton, les chercheurs ont pu quantifier les variations des fonctions de réponse au contraste, fournissant ainsi un outil quantitatif pour comprendre les mécanismes de contrôle du gain dans le cortex visuel.

Autres informations utiles

Les chercheurs ont également discuté du rôle de l’adaptation au contraste (contrast adaptation) dans la modulation des fonctions de réponse au contraste, suggérant que des recherches futures pourraient explorer davantage les interactions entre les mécanismes d’adaptation et la suppression réglée par l’orientation. De plus, les données de l’étude ont été rendues publiques, facilitant ainsi les validations interlaboratoires et les analyses approfondies.

Résumé

Cette étude, en utilisant la technique fMRI, révèle la distribution spatiale de la suppression environnante réglée par l’orientation dans le cortex visuel précoce et son rôle dans la modulation des fonctions de réponse au contraste. Les résultats approfondissent non seulement notre compréhension des mécanismes de contrôle du gain visuel, mais ouvrent également de nouvelles perspectives et outils pour la recherche future en neurosciences visuelles.