Tau-PET en phase précoce comme substitut au métabolisme cérébral dans la maladie d'Alzheimer : une comparaison avec 18F-FDG-PET et Amyloid-PET en phase précoce

Phase précoce de 18F-Flortaucipir Tau-PET comme biomarqueur substitut du métabolisme cérébral dans la maladie d’Alzheimer

Introduction

La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s Disease, AD) est une maladie neurodégénérative courante caractérisée par l’accumulation extracellulaire de protéines β-amyloïdes (Aβ), la présence intracellulaire de protéines tau pathologiques et la neurodégénérescence. Ces changements pathologiques commencent à s’accumuler dans le cerveau 10 à 20 ans avant l’apparition des symptômes cliniques. La tomographie par émission de positrons (PET) permet d’évaluer in vivo ces dépôts de protéines et les lésions neuronales, jouant ainsi un rôle crucial dans le diagnostic précoce de l’AD. La PET au 18F-fluorodésoxyglucose (18F-FDG) est une technique éprouvée pour étudier la neurodégénérescence, en détectant les changements de métabolisme du glucose spécifiques aux maladies telles que l’AD, la démence frontotemporale (FTD) et la démence à corps de Lewy (DLB).

Ces dernières années, les protocoles de PET amyloïdes bimodaux (dual-phase amyloid-PET) et de PET tau bimodaux (dual-phase tau-PET) ont ouvert la voie à l’évaluation simultanée des dépôts amyloïdes et de la neurodégénérescence. Les images de phase précoce obtenues à l’aide de ces techniques peuvent capturer des informations de perfusion étroitement liées au métabolisme du glucose cérébral, et servir ainsi de biomarqueurs substitutifs de la neurodégénérescence. Cependant, les données concernant les phases précoces des tau-PET sont limitées, en particulier avec l’utilisation du 18F-Flortaucipir, le seul traceur tau approuvé par la FDA pour diagnostiquer in vivo la pathologie tau dans l’AD. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’association entre la PET au 18F-Flortaucipir en phase précoce, la PET au 18F-FDG et la PET amyloïde en phase précoce, et d’explorer sa valeur diagnostique dans l’AD.

Source de l’étude

Cet article a été rédigé par une équipe interdisciplinaire de chercheurs issus de plusieurs institutions prestigieuses, notamment le Geneva University Neurocenter, le Geneva University Hospitals, Eli Lilly and Company (États-Unis) et la San Raffaele Hospital (Italie). L’auteure principale est Cecilia Boccalini, avec Valentina Garibotto comme auteure correspondante. L’article a été accepté le 29 décembre 2024 pour publication dans le journal European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging et publié en 2025.

Méthodologie de l’étude et résultats

Participants et collecte des données

L’étude a inclus 58 participants évalués au Geneva Memory Center, comprenant des individus cognitivement normaux (CU), des patients atteints de troubles cognitifs légers (MCI), et des patients souffrant de démence. Chaque participant a subi une PET au 18F-Flortaucipir en phase précoce (eTau) et une PET au 18F-FDG dans un délai d’un an. Parmi eux, 36 participants ont également subi une PET amyloïde bimodale avec phase précoce (eAmy). En complément, des images PET au 18F-FDG de 43 individus amyloïdes négatifs (HC) et des images eTau de 33 HC ont été utilisées comme références.

Traitement et analyse des données

Les images IRM et PET ont été normalisées à l’aide du logiciel SPM (Statistical Parametric Mapping). Les valeurs de rapport de captation standardisée (SUVR) ont été extraites dans les régions de l’atlas anatomique étiqueté (AAL) et dans les régions métaréférentielles (meta-ROI) spécifiquement associées à l’AD. Les modèles métaboliques et de perfusion des images PET au 18F-FDG, eTau et eAmy ont été évalués via des notations visuelles et des analyses voxel par voxel. Enfin, des analyses ROC ont été effectuées pour comparer la performance discriminative des SUVR de l’eTau, du 18F-FDG et de l’eAmy pour différencier les participants A+/T+ des A-/T-.

Résultats principaux

  1. Forte corrélation entre les SUVR eTau et 18F-FDG : Les SUVR eTau ont présenté une corrélation significative avec les SUVR 18F-FDG dans l’ensemble du groupe étudié (r = 0,839, p < 0,001), ainsi que dans les sous-groupes T+ (r = 0,855, p < 0,001) et T- (r = 0,834, p < 0,001). De même, une forte corrélation a été observée entre les SUVR eTau et eAmy (r > 0,87, p < 0,001).

  2. Modèles métaboliques et de perfusion au niveau individuel : Les notations visuelles ont permis de confirmer des modèles spécifiques de métabolisme et de perfusion. Les images PET au 18F-FDG ont révélé différents profils neurodégénératifs, y compris un modèle de métabolisme réduit temporo-pariétal (type AD, n = 22), un modèle fronto-temporal (type FTD, n = 4) et un modèle temporo-occipital (type DLB, n = 2). Les classifications basées sur les images eTau étaient en bon accord avec celles obtenues à partir des images 18F-FDG (κ = 0,58, p < 0,001).

  3. Performance diagnostique : Les SUVR eTau ont montré des performances respectables (AUC = 0,604) pour distinguer les participants A+/T+ des A-/T-, mais légèrement inférieures à celles des SUVR 18F-FDG (AUC = 0,748). Le test DeLong a confirmé une meilleure performance diagnostique du 18F-FDG par rapport à l’eTau (p = 0,04), tandis qu’aucune différence significative n’a été observée entre les performances de l’eAmy et de l’eTau.

Conclusion et implications

Cette étude montre que la PET au 18F-Flortaucipir en phase précoce peut fournir des informations de perfusion étroitement associées au métabolisme cérébral du glucose, avec une forte concordance avec la perfusion mesurée par l’eAmy. Bien que la précision de l’eTau pour diagnostiquer la neurodégénérescence soit légèrement inférieure à celle de la PET au 18F-FDG, elle offre un outil prometteur pour évaluer simultanément la pathologie tau et la neurodégénérescence. La PET tau bimodale permet un diagnostic hybride avec un seul traceur, réduisant ainsi les coûts, l’inconfort des patients et l’exposition aux radiations.

Points saillants de la recherche

  1. Première évaluation systématique de l’eTau PET au 18F-Flortaucipir : Cette étude comble une lacune importante en examinant l’efficacité de l’eTau avec le seul traceur tau approuvé par la FDA.
  2. Applications potentielles de la PET tau bimodale : Les résultats confirment le potentiel de la PET tau bimodale pour évaluer la pathologie tau et la neurodégénérescence dans l’AD.
  3. Analyse des modèles métaboliques et de perfusion : L’étude fournit des descriptions détaillées des modèles associés à différents troubles neurodégénératifs, enrichissant ainsi les approches diagnostiques actuelles.

Informations supplémentaires

L’étude a également révélé une forte concordance entre les images eTau et eAmy pour identifier la neurodégénérescence, notamment chez les patients atteints de démence. De plus, les résultats indiquent que la concordance était influencée par la présence de lésions de la substance blanche, suggérant que ces deux outils peuvent être affectés par les pathologies vasculaires cérébrales.

Ces conclusions apportent un éclairage précieux sur l’utilisation de la PET au 18F-Flortaucipir en phase précoce pour le diagnostic de l’AD, tout en traçant des perspectives pour des recherches futures dans ce domaine.