Les cétones dans la physiologie cellulaire : avancées métaboliques, de signalisation et thérapeutiques
Effets de l’administration exogène de β-hydroxybutyrate sur la signalisation du BDNF, la cognition et le traitement de la protéine précurseur amyloïde chez les patients diabétiques de type 2 et les rongeurs résistants à l’insuline
Contexte académique
Les personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2) présentent un risque accru de développer des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, à un âge avancé. Des études suggèrent que les suppléments exogènes de corps cétoniques, en particulier ceux contenant du β-hydroxybutyrate (β-OHB), pourraient protéger le cerveau en soutenant le métabolisme cérébral et en favorisant l’expression du facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF). Le BDNF est une protéine cruciale pour la plasticité neuronale, la survie des neurones et la fonction cognitive. De plus, le BDNF est également impliqué dans la régulation du traitement de la protéine précurseur amyloïde (APP), influençant ainsi la progression de la maladie d’Alzheimer (MA). Cependant, les effets précis des suppléments exogènes de corps cétoniques sur la signalisation du BDNF, la fonction cognitive et le traitement de l’APP restent incertains. Cette étude vise donc à explorer, à travers des essais parallèles chez l’humain et les rongeurs, l’impact des suppléments exogènes de corps cétoniques sur les indicateurs de santé cérébrale.
Origine de l’article
Cet article a été rédigé par B. J. Baranowski, B. F. Oliveira, K. Falkenhain et al., issus de diverses institutions, notamment Brock University et University of British Columbia. L’article a été publié dans American Journal of Physiology-Cell Physiology et est apparu en ligne pour la première fois le 13 janvier 2025.
Protocole de recherche et principales méthodes
1. Essais humains
a) Essai de supplémentation aiguë en corps cétoniques
- Participants : 18 personnes âgées de 30 à 70 ans atteintes de DT2, randomisées en groupes recevant soit un supplément cétonique, soit un placebo.
- Conception expérimentale : Un design en double aveugle avec croisement aléatoire où les participants reçoivent soit un supplément cétonique, soit un placebo lors de différentes sessions.
- Protocole expérimental : Les participants, à jeun, reçoivent le supplément cétonique ou le placebo, suivis de prélèvements sanguins à 0, 60, 120 et 180 minutes pour évaluer les niveaux plasmatiques de BDNF et la fonction cognitive.
- Tests cognitifs : Utilisation des tâches Flanker, Stroop et du test de substitution symbole-chiffre (DSST) pour évaluer les fonctions exécutives et la vitesse de traitement de l’information.
- Évaluation du flux sanguin cérébral : Mesure de la vitesse du flux sanguin et du diamètre vasculaire des artères carotides internes, communes et vertébrales par ultrasons.
b) Essai de supplémentation cétonique de 14 jours
- Participants : 15 personnes atteintes de DT2, randomisées en groupes recevant soit un supplément cétonique, soit un placebo.
- Conception expérimentale : Les participants reçoivent trois fois par jour pendant 14 jours un supplément cétonique ou un placebo tout en suivant un régime alimentaire standardisé.
- Protocole expérimental : Prélèvements sanguins avant et après l’intervention pour évaluer les niveaux de BDNF sérique et plasmatique, ainsi que des tests cognitifs.
2. Essais sur les rongeurs
a) Essai de supplémentation aiguë en corps cétoniques
- Sujets : 40 souris mâles C57BL/6J, divisées en groupes sous régime normal ou hyperlipidique, puis subdivisées en groupes recevant un supplément cétonique ou une solution saline.
- Conception expérimentale : Les souris reçoivent une seule dose de supplément cétonique ou de solution saline par gavage, suivie d’un test de reconnaissance d’objet nouveau (NORT) 4 heures plus tard, avant de prélever des échantillons de tissu cérébral.
- Protocole expérimental : Analyse de la teneur en BDNF, de l’activité de la BACE1 (enzyme clivante de la protéine précurseur amyloïde β) et des protéines liées au traitement de l’APP dans le cortex préfrontal et l’hippocampe.
b) Essai de supplémentation cétonique chronique
- Sujets : 40 souris mâles C57BL/6J, divisées en groupes sous régime normal ou hyperlipidique, puis subdivisées en groupes recevant un supplément cétonique ou une solution saline.
- Conception expérimentale : Les souris reçoivent quotidiennement un supplément cétonique ou une solution saline par gavage pendant 4 semaines, avec un suivi hebdomadaire du poids corporel et de la consommation alimentaire, suivi d’un test de tolérance au glucose et d’un NORT.
- Protocole expérimental : Échantillons prélevés dans le cortex préfrontal et l’hippocampe pour analyser la signalisation du BDNF et les protéines liées au traitement de l’APP.
Résultats principaux
1. Essais humains
- Niveaux de BDNF : Ni la supplémentation aiguë ni celle de 14 jours n’ont significativement modifié les niveaux plasmatiques ou sériques de BDNF.
- Fonction cognitive : Le supplément cétonique n’a eu aucun effet significatif sur les performances aux tâches Flanker, Stroop et DSST.
- Flux sanguin cérébral : Aucun effet significatif du supplément cétonique sur la vitesse du flux sanguin ou le diamètre vasculaire des artères carotides internes, communes et vertébrales.
2. Essais sur les rongeurs
- Signalisation du BDNF : Ni la supplémentation aiguë ni chronique n’ont significativement modifié la teneur en BDNF ou ses voies de signalisation dans le cortex préfrontal et l’hippocampe.
- Fonction cognitive : Aucun effet significatif du supplément cétonique sur les performances au test de reconnaissance d’objet nouveau.
- Traitement de l’APP : La supplémentation aiguë a réduit l’activité de la BACE1 dans le cortex préfrontal mais augmenté cette activité dans l’hippocampe. La supplémentation chronique a diminué l’activité de la BACE1 dans le cortex préfrontal des souris sous régime hyperlipidique.
Conclusions et implications
Cette étude explore systématiquement pour la première fois l’impact des suppléments exogènes de corps cétoniques sur la signalisation du BDNF, la fonction cognitive et le traitement de l’APP chez les patients atteints de DT2 et les rongeurs résistants à l’insuline. Les résultats montrent que, qu’il soit aigu ou à court terme, le supplément cétonique n’améliore ni les niveaux de BDNF ni la fonction cognitive. Cependant, la modulation de l’activité de la BACE1 par le supplément cétonique suggère son potentiel en tant que stratégie thérapeutique pour prévenir ou retarder la progression de la maladie d’Alzheimer. Des recherches futures avec des interventions plus longues ou des doses plus élevées pourraient être nécessaires pour valider davantage son utilité clinique.
Points forts de l’étude
- Recherche interspécifique : Cette étude fournit des preuves complètes grâce à des essais parallèles chez l’humain et les rongeurs.
- Évaluation complète de la voie de signalisation du BDNF : Première évaluation exhaustive de la teneur en BDNF et de ses voies de signalisation dans des interventions aiguës et chroniques.
- Découverte sur l’activité de la BACE1 : Première découverte de la modulation de l’activité de la BACE1 par le supplément cétonique, ouvrant de nouvelles perspectives pour le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Autres informations précieuses
Les limites de cette étude incluent l’évaluation de domaines cognitifs spécifiques, ce qui pourrait être élargi dans des recherches futures. De plus, l’étude s’est concentrée uniquement sur des souris mâles, laissant place à des investigations futures sur les différences entre sexes dans la réponse aux suppléments cétoniques.