ImmunoTar—Prioritisation intégrative des cibles de surface cellulaire pour l'immunothérapie du cancer
Le cancer reste l’une des principales causes de mortalité dans le monde. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés ces dernières années dans l’immunothérapie, comme le succès des thérapies par cellules CAR-T (récepteur antigénique chimérique) et des conjugués anticorps-médicament (ADCs), l’identification efficace des cibles protéiques de surface spécifiques au cancer demeure un défi majeur dans la recherche actuelle. L’identification de ces cibles est essentielle pour développer des immunothérapies précises et moins toxiques. Les technologies existantes, telles que le séquençage de l’ARN et la protéomique, bien qu’elles puissent aider les chercheurs à analyser ces cibles, manquent encore de méthodes systématiques pour sélectionner les cibles les plus appropriées pour l’immunothérapie.
Pour répondre à ce besoin, une équipe de chercheurs du Children’s Hospital of Philadelphia, de l’Université Drexel, du BC Cancer Research Institute et d’autres institutions a développé un outil informatique appelé ImmunoTAR, conçu pour prioriser systématiquement les cibles d’immunothérapie en intégrant les données de multiples bases de données publiques. Cet outil permet non seulement aux chercheurs de filtrer plus efficacement les cibles potentielles, mais aussi d’accélérer le développement de nouvelles immunothérapies. Ces résultats de recherche ont été publiés en 2025 dans la revue Bioinformatics.
Contexte de la recherche
L’immunothérapie du cancer, qui active le système immunitaire du patient pour attaquer les cellules cancéreuses, a connu un succès notable ces dernières années. En particulier, les thérapies par cellules CAR-T et les ADCs ont démontré une efficacité puissante dans le traitement des tumeurs malignes hématologiques et de certaines tumeurs solides. Cependant, le succès de ces thérapies dépend de l’identification précise des protéines de surface spécifiques au cancer. Une cible idéale pour l’immunothérapie devrait présenter les caractéristiques suivantes : une expression élevée dans les cellules cancéreuses, une faible expression dans les tissus normaux, une localisation de surface claire et une pertinence fonctionnelle pour la tumeur.
Les technologies existantes, telles que le séquençage de l’ARN et l’analyse par spectrométrie de masse, bien qu’elles puissent aider les chercheurs à identifier ces cibles, posent toujours un défi en raison de la complexité et de la diversité des données. Pour résoudre ce problème, l’équipe de recherche a développé ImmunoTAR, qui intègre les données de séquençage de l’ARN ou de protéomique fournies par l’utilisateur, combinées aux caractéristiques quantitatives de plusieurs bases de données publiques, pour générer un score pour chaque gène en tant que cible potentielle d’immunothérapie.
Méthodes de recherche
Développement et flux de travail d’ImmunoTAR
ImmunoTAR est un outil développé en langage R, dont l’objectif principal est d’intégrer les données de séquençage de l’ARN ou de protéomique du cancer fournies par l’utilisateur, en combinaison avec les caractéristiques quantitatives de plusieurs bases de données publiques, pour générer un score pour chaque gène en tant que cible d’immunothérapie. Les bases de données de l’outil couvrent quatre grandes catégories : l’expression dans les tissus normaux, la localisation des protéines, les annotations biologiques et la disponibilité des réactifs/thérapies. Plus précisément, ImmunoTAR intègre des données provenant de GTEx (Genotype-Tissue Expression), EVO-DEVO (projet de développement des organes mammifères), CIRFESS (ressource interactive pour les études extracellulaires et de surface), Compartments, UniProt, DepMap, Gene Ontology (GO), Therapeutic Target Database (TTD) et d’autres bases de données.
Le flux de travail d’ImmunoTAR se divise en trois étapes principales :
- Génération d’une matrice de données gènes-caractéristiques : Extraction des caractéristiques sommaires pour chaque gène à partir des données d’expression fournies par l’utilisateur, combinées aux caractéristiques quantitatives des bases de données publiques, pour générer une matrice de données gènes-caractéristiques.
- Application des paramètres d’analyse du projet : Rééchelle et traitement des valeurs manquantes dans la matrice de données, application d’une normalisation non linéaire (curving) et de pondérations des caractéristiques pour générer les valeurs finales des caractéristiques.
- Calcul du score des gènes : Calcul du score final de chaque gène par moyenne pondérée, et génération d’un tableau incluant toutes les valeurs des caractéristiques et les scores des gènes.
Optimisation et validation
Pour optimiser les paramètres d’ImmunoTAR, l’équipe de recherche a utilisé un ensemble de données protéomiques couvrant 12 phénotypes de cancers pédiatriques, en appliquant deux stratégies : l’optimisation multi-cancers et l’optimisation spécifique au phénotype. En comparant les scores avec les paramètres par défaut et les paramètres optimisés, l’équipe a constaté que les paramètres d’optimisation multi-cancers offraient une meilleure stabilité sur plusieurs phénotypes, améliorant significativement le score de précision moyenne de l’algorithme (MAP score).
Pour valider l’efficacité d’ImmunoTAR, l’équipe a testé l’outil sur plusieurs ensembles de données de cancers, notamment le myélome multiple (MM), le sarcome d’Ewing (EWS) et le neuroblastome (NBL). Les résultats ont montré qu’ImmunoTAR était capable d’identifier efficacement les cibles connues d’immunothérapie, ainsi que de découvrir de nouvelles cibles potentielles.
Résultats de la recherche
Les paramètres d’optimisation multi-cancers améliorent significativement les performances de l’algorithme
Grâce à la stratégie d’optimisation multi-cancers, le score MAP moyen d’ImmunoTAR a augmenté de 27 fois pour les 12 phénotypes de cancers pédiatriques. En particulier, les scores MAP pour le lymphome non hodgkinien à cellules B et le neuroblastome ont atteint respectivement 37 % et 32 %. Bien que les paramètres d’optimisation spécifiques au phénotype aient montré de meilleures performances sur des phénotypes particuliers, leur application à travers les phénotypes était moins performante que les paramètres d’optimisation multi-cancers.
Application d’ImmunoTAR au myélome multiple
Dans les données de protéomique de surface du myélome multiple (MM), ImmunoTAR a identifié avec succès plusieurs cibles connues d’immunothérapie, telles que ITGA4, ITGB7 et FLVCR1. Ces cibles sont étroitement liées à l’adhésion, à la migration et à l’invasion des cellules de MM, et leur expression dans les tissus normaux est limitée. De plus, ImmunoTAR a identifié plusieurs nouvelles cibles potentielles, validant davantage son applicabilité à divers phénotypes de cancer.
Application d’ImmunoTAR au sarcome d’Ewing
Dans les données de protéomique de surface du sarcome d’Ewing (EWS), ImmunoTAR a non seulement validé des cibles connues telles que ENPP1 et CDH11, mais a également découvert une nouvelle cible potentielle, CADM1. CADM1 est exprimé dans plusieurs types de tumeurs et est biologiquement lié aux cancers osseux. Bien que CADM1 soit également exprimé dans certains tissus normaux, des études montrent que sa toxicité en tant que cible est faible, offrant un potentiel clinique élevé.
Application d’ImmunoTAR au neuroblastome
Dans les données de protéomique de surface du neuroblastome (NBL), ImmunoTAR a identifié avec succès des cibles connues telles que L1CAM, ALK, NCAM1 et CD276, ainsi qu’une nouvelle cible potentielle, DLK1. DLK1 est fortement exprimé dans les cellules de NBL et est étroitement lié à l’état indifférencié des cellules tumorales. Une étude récente a également validé le potentiel de DLK1 en tant que cible d’immunothérapie pour le NBL, démontrant davantage l’efficacité d’ImmunoTAR.
Discussion et conclusion
ImmunoTAR, en tant qu’outil de priorisation des cibles d’immunothérapie du cancer, offre une méthode d’évaluation complète et systématique en intégrant les données de séquençage de l’ARN et de protéomique fournies par l’utilisateur, combinées aux caractéristiques quantitatives de multiples bases de données publiques. La validation de cet outil sur divers phénotypes de cancer montre qu’il est capable d’identifier efficacement les cibles connues d’immunothérapie et de découvrir de nouvelles cibles potentielles, offrant une large applicabilité.
Bien qu’ImmunoTAR excelle dans la priorisation des cibles, il dépend toujours de données de haute qualité fournies par l’utilisateur, et la validation des cibles nécessite des recherches expérimentales supplémentaires. Les recherches futures pourraient étendre les fonctionnalités d’ImmunoTAR, comme l’intégration de données d’immunopéptidomique et de stratégies d’identification de cibles doubles, afin d’améliorer encore son application en immunothérapie du cancer.
Le développement d’ImmunoTAR fournit un outil efficace et systématique pour l’identification des cibles d’immunothérapie du cancer, accélérant potentiellement le développement de nouvelles immunothérapies et offrant plus d’options de traitement aux patients atteints de cancer.