L'association entre la complexité de la tâche et la précision de la cartographie du langage cortical

Corrélation entre la complexité de la tâche et la précision du mappage cortical du langage

Introduction

Cette étude vise à examiner si la complexité de la tâche affecte la précision du mappage des fonctions langagières lors de la stimulation corticale directe (direct cortical stimulation mapping, DCS). Les chercheurs ont émis l’hypothèse que, en raison de la capacité de calcul neuronale réduite dans le cortex infiltré par le cancer du cerveau, les tâches langagières complexes (comme la dénomination de mots polysyllabiques) pourraient augmenter le taux d’erreur.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par Alexa Semonche et al. du Département de neurochirurgie de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) et les résultats ont été publiés en ligne le 7 mai 2024 dans la revue Neurosurgery. L’article a été présenté sous forme de résumé et d’affiche électronique lors de la réunion annuelle de l’Association américaine des neurochirurgiens (AANS) le 21 avril 2023.

Méthodologie

Sujets de l’étude

Les chercheurs ont analysé rétrospectivement les dossiers de 74 patients atteints de gliomes (grade II-IV de l’OMS) de l’hémisphère dominant pour le langage ayant subi une résection chirurgicale éveillée avec cartographie du langage à l’UCSF entre 2017 et 2021.

Procédure d’étude

  1. Évaluation préopératoire des fonctions langagières des patients, en enregistrant leurs performances dans les tâches de dénomination d’images (PN) et de lecture de mots (WR).
  2. Cartographie du langage peropératoire par DCS, en enregistrant les taux de réussite des tâches PN et WR.
  3. Division des essais PN et WR en trois groupes selon le nombre de syllabes des mots : monosyllabiques, bisyllabiques et 3+ syllabes.
  4. Analyse des taux de réussite et d’erreur de chaque groupe, et examen de la corrélation entre le nombre de syllabes et le taux d’erreur.
  5. Application de la régression logistique multivariée pour analyser les facteurs associés au taux d’erreur.
  6. Analyse de la relation entre le taux d’erreur et le taux d’exérèse.

Analyse des données

Les chercheurs ont utilisé Python et R pour l’analyse des données, en appliquant des tests statistiques tels que le test du chi-carré et la régression logistique multivariée.

Résultats principaux

  1. Un total de 2643 essais PN et 978 essais WR ont été analysés.
  2. Le taux d’erreur total était de 5,2 % pour PN et de 6,0 % pour WR.
  3. L’augmentation du nombre de syllabes était significativement corrélée à une hausse du taux d’erreur pour PN (p=0,001), mais pas pour WR (p=0,807).
  4. L’analyse multivariée a montré que chaque syllabe supplémentaire multipliait le risque d’erreur de PN par 2,4 (p,001). Chaque année d’âge multipliait le risque d’erreur par 1,013 (p=0,043).
  5. La sévérité du déficit langagier préopératoire était corrélée positivement avec le taux d’erreur de PN polysyllabique peropératoire (p,001, r2=0,1776).
  6. Il n’y avait pas de corrélation significative entre le taux d’erreur et le taux d’exérèse (p=0,949).

Implications de l’étude

  1. Découverte que les tâches langagières complexes (polysyllabiques) peuvent dépasser la capacité de calcul neuronal du cortex infiltré par les gliomes.
  2. Proposition de modifications du paradigme de cartographie DCS du langage, en regroupant les sites de stimulation selon la complexité de la tâche pour une évaluation plus précise des zones fonctionnelles.
  3. Expansion du domaine des neurosciences du cancer, en révélant comment les gliomes altèrent les capacités corticales de traitement du langage.
  4. Les résultats de cette étude fournissent des orientations cliniques pour optimiser les stratégies chirurgicales et évaluer la récupération postopératoire des fonctions langagières des patients.

Points forts de l’étude

  1. Étude monocentrique à grande échelle, offrant une analyse détaillée de la cartographie DCS du langage.
  2. Approche innovante associant la complexité de la tâche (nombre de syllabes) à la précision de la cartographie.
  3. Proposition de modifications des stratégies de cartographie DCS du langage pour préserver plus précisément les zones langagières.
  4. Expansion du domaine des “neurosciences du cancer”, en explorant l’impact des gliomes sur les fonctions langagières corticales.

Cette étude propose des améliorations précieuses du paradigme de cartographie DCS du langage, ouvrant de nouvelles perspectives pour la neurochirurgie et la réadaptation neurologique. Les chercheurs devront encore explorer les mécanismes biomoléculaires sous-jacents à l’altération des capacités de calcul neuronal dans les zones infiltrées par les gliomes.