Un modèle de somitogenèse basé sur les cellules souches pluripotentes humaines utilisant la microfluidique

Étude d’un modèle de formation des somites basé sur un système de microfluidique

Contexte et motivation de la recherche

La formation des somites joue un rôle crucial dans le développement embryonnaire des vertébrés, ayant un impact déterminant sur la disposition et la fonction du système musculo-squelettique de l’embryon. La somatogenèse se produit principalement par la segmentation progressive du mésoderme présomitique (PSM) bilatéral en somites épithéliaux symétriques dans la direction crânio-caudale. Dans ce processus, les variations de gradient de signaux biochimiques (tels que le facteur de croissance des fibroblastes FGF et l’acide rétinoïque RA) et les influences biomécaniques sont cruciales. Cependant, les modèles existants de somatogenèse utilisent principalement des cultures en suspension, manquant de contrôle précis des gradients biochimiques et des signaux mécaniques, limitant ainsi l’étude des interactions complexes biochimie-biomecanique.

Dans ce contexte, une équipe de recherche des universités du Michigan et d’Harvard a mené une étude construisant un modèle de PSM dérivé de cellules souches pluripotentes humaines (hPSC) à l’aide d’un dispositif microfluidique, et a introduit des gradients biochimiques externes dans ce modèle pour réaliser un contrôle spatial de la somatogenèse. L’équipe a systématiquement étudié le rôle de la régulation biomécanique dans la formation des somites via ce modèle, proposant une loi d’échelle pour contrôler la taille des somites basée sur un modèle mécanique, et a révélé les rôles de la cohésion cellulaire, de la génération de forces et de la transition épithélio-mésenchymateuse comme facteurs de régulation mécanique dans la somatogenèse. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue “Cell Stem Cell”, marquant une avancée importante dans la recherche sur la somatogenèse.

Processus de recherche et méthodes

1. Construction du modèle de somite et conception du dispositif microfluidique

L’équipe a conçu un dispositif microfluidique utilisant du PDMS (polydiméthylsiloxane) comme matériau de base, comprenant trois canaux, dont le fond du canal central est doté de plusieurs micro-sillons pour localiser et limiter les tissus PSM dérivés des hPSC, simulant ainsi les conditions aux limites mécaniques de la formation des somites. En ajoutant des molécules signalistiques telles que FGF, RA et Wnt dans différents réservoirs, on permet leur diffusion passive pour former un gradient biochimique stable à l’intérieur du tissu PSM. Des essais de diffusion marqués par fluorescence ont confirmé la stabilité de la formation du gradient sur environ 36 heures.

2. Imagerie en temps réel de la formation des somites et détection des marqueurs

Utilisant des techniques d’imagerie par fluorescence, les chercheurs ont suivi le processus de formation des somites et ont observé la segmentation des somites du crâne vers la queue dans le modèle. Grâce à la technique de coloration par immunofluorescence, ils ont en outre vérifié le mode d’expression des marqueurs tels que Pax3 et Tbx6 au cours de la formation des somites. Tbx6 s’exprime principalement dans la région PSM, tandis que Pax3 s’exprime dans les somites formés, ce mode d’expression spatiale s’étendant progressivement vers l’extrémité caudale avec le temps.

3. Modèle mécanique de régulation biomécanique

Au cours de la recherche, l’équipe a construit un modèle mécanique basé sur les processus biomécaniques de la formation des somites. Selon ce modèle, dans la région crânienne du PSM, au cours de l’épithélialisation des cellules et de leur conversion en somites, le presomite se contracte progressivement, formant une frontière tissulaire avec une énergie de déformation. Lorsque cette énergie de déformation dépasse l’énergie de surface requise pour la formation des somites, une séparation se produit entre le PSM et le nouveau somite, formant ainsi un nouveau somite. Grâce à ce modèle, les chercheurs ont proposé une loi d’échelle révélant la relation entre la taille des somites et la longueur du PSM.

4. Analyse de séquençage transcriptomique unicellulaire

Pour explorer la dynamique de l’expression génique lors de la formation des somites, l’équipe a effectué un séquençage ARN unicellulaire des cellules du modèle à différents moments. Les résultats montrent que, dans le processus de conversion des cellules PSM en cellules somitiques, l’expression de certains gènes présente un modèle de régulation progressive, comme les changements d’expression des gènes Tbx6, Foxc2 et Pax3 au fur et à mesure que le destin des cellules évolue au cours de la formation des somites.

5. Test des facteurs influençant la mécanique de la formation des somites

L’équipe a également vérifié l’impact de la régulation mécanique sur la formation des somites par des expériences de perturbation mécanique, chimique et génétique. Par exemple, en appliquant une déformation cyclique à l’aide du dispositif microfluidique, il a été constaté que la taille des somites diminuait avec l’augmentation de la déformation. De plus, en inhibant la contraction du cytosquelette ou la cohésion cellulaire, les chercheurs ont observé une réduction significative de l’efficacité de la formation des somites, prouvant davantage l’importance des facteurs mécaniques dans la formation des somites.

Résultats de la recherche

Régulation biomécanique de la formation des somites

Les résultats de la recherche indiquent que la somatogenèse est un processus complexe régulé conjointement par des facteurs biochimiques et mécaniques. En construisant un modèle de formation de somites et en introduisant des gradients biochimiques externes et des contraintes mécaniques, les chercheurs ont pu simuler les étapes clés de la somatogenèse dans un système in vitro. La loi d’échelle basée sur l’énergie de déformation et l’énergie de surface proposée dans l’étude explique bien le mécanisme de régulation de la taille des somites et est soutenue par des données de formation de somites chez la souris, le poulet et le poisson zèbre.

Dynamique transcriptomique du séquençage ARN unicellulaire

Les résultats du séquençage ARN unicellulaire montrent que, dans la transformation des cellules PSM en cellules somitiques, l’expression de certains gènes change significativement avec le processus de différenciation cellulaire. Ces dynamiques d’expression génique sont étroitement liées au gradient biochimique et à la différenciation du destin cellulaire lors de la somatogenèse, offrant une nouvelle perspective pour comprendre les mécanismes moléculaires de la somatogenèse.

Perturbations mécaniques et chimiques dans la formation des somites

L’étude a révélé que la région de formation des somites peut être régulée par la variation du stress mécanique, indiquant que les signaux mécaniques jouent un rôle dans la taille des somites et le processus de segmentation. En outre, l’inhibition chimique de la contraction du cytosquelette a montré une réduction significative de la formation des somites, soulignant l’importance des forces contractiles et de cohésion cellulaire dans la somatogenèse. Des expériences de knockout génique ont en outre vérifié le rôle clé de certains gènes (comme Tcf15) dans la régulation de l’épithélialisation et de la formation des limites des somites.

Importance de l’étude

Cette recherche, en construisant un modèle de somatogenèse dans un système microfluidique, a réussi à simuler in vitro les étapes clés de la formation des somites humains, fournissant de nouveaux outils et idées de recherche pour comprendre les interactions biochimie-biomecanique dans la somatogenèse des vertébrés. Par rapport aux modèles de somites existants, le modèle proposé dans cet article permet un contrôle plus efficace des signaux externes et des frontières mécaniques, permettant aux chercheurs de mieux dissocier les différents facteurs influençant la somatogenèse et d’explorer en profondeur les mécanismes de régulation sous-jacents.

Cette étude non seulement révèle les lois d’échelle et les mécanismes de régulation biomécanique dans la somatogenèse, mais fournit également des méthodes expérimentales importantes pour des recherches ultérieures sur les somites. Plus particulièrement, dans l’étude de troubles du développement musculo-squelettique humain et de maladies connexes, ce modèle a une valeur potentielle d’application. À l’avenir, en introduisant plus de signaux dynamiques et de technologies d’imagerie en quatre dimensions, il sera possible de révéler plus de détails moléculaires et cellulaires dans le processus de formation des somites, fournissant ainsi des données de soutien plus riches pour comprendre les mécanismes fondamentaux du développement humain.

Conclusion

Cette étude a réussi à construire un modèle précis de formation des somites contrôlé par un système de microfluidique, simulant le processus biomécanique de la formation des somites humains dans des conditions in vitro. Les résultats de l’étude soutiennent l’importance des interactions biochimie-biomecanique dans la somatogenèse et proposent une nouvelle loi d’échelle expliquant le mécanisme de régulation de la taille des somites. Cette étude a une valeur directrice importante pour de futures recherches en biologie du développement et offre une nouvelle base expérimentale pour l’étude du développement et des maladies du système musculo-squelettique humain.