Spectroscopie RM pour évaluer la dysfonction mitochondriale musculaire dans le COVID long

Étude sur l’évaluation de la dysfonction mitochondriale musculaire dans le COVID long par spectroscopie RM

Contexte académique

La pandémie de COVID-19 a eu un impact profond sur la santé mondiale, avec de nombreux patients souffrant de symptômes persistants après leur rétablissement, connus sous le nom de “COVID long” ou “état post-COVID-19” (Post–COVID-19 Condition, PCC). Ces symptômes incluent la fatigue, l’essoufflement et le brouillard cérébral, affectant gravement la qualité de vie des patients. Bien que des études antérieures aient suggéré que la dysfonction mitochondriale pourrait être liée à la fatigue après une infection virale, les recherches in vivo sur la fonction mitochondriale chez les patients atteints de COVID long restent limitées.

Les mitochondries sont les principaux sites de production d’énergie cellulaire, et leur dysfonction peut entraîner une insuffisance énergétique, provoquant des symptômes tels que la fatigue. De plus, les mitochondries jouent un rôle crucial dans la réponse immunitaire antivirale. Des études initiales ont montré que le virus SARS-CoV-2 peut perturber les mécanismes de défense antiviraux des mitochondries et interférer avec des processus mitochondriaux clés comme la phosphorylation oxydative, conduisant finalement à la mort cellulaire. Des recherches récentes suggèrent que l’infection par le COVID-19 pourrait inhiber la transcription des gènes liés à la phosphorylation oxydative mitochondriale, activant ainsi la glycolyse et la réponse au stress immunitaire, ce qui pourrait expliquer la fatigue chez les patients atteints de COVID long.

Sur la base de ces éléments, cette étude vise à comparer la fonction mitochondriale entre les patients atteints de COVID long et des témoins sains en utilisant la spectroscopie par résonance magnétique (Magnetic Resonance Spectroscopy, MRS), et à explorer la relation entre les paramètres MRS et les symptômes de fatigue.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Lucy E. M. Finnigan, PhD, Mark Philip Cassar, PhD, et leur équipe du Oxford Centre for Clinical Magnetic Resonance Research (OCMR), et publié en décembre 2024 dans la revue Radiology. L’étude a été financée par AXCella Therapeutics et le National Institute for Health Research (NIHR) du Royaume-Uni, entre autres.

Méthodologie de l’étude

Participants et critères d’inclusion

Cette étude prospective, observationnelle et monocentrique a recruté 41 patients atteints de COVID long et 29 témoins sains. Les critères d’inclusion pour les patients atteints de COVID long incluaient : un âge compris entre 18 et 65 ans, une infection par le COVID-19 confirmée par test PCR, test d’anticorps ou diagnostic par un médecin généraliste, et aucune réinfection dans les 3 mois suivant l’infection. Les patients devaient rapporter une fatigue modérée à sévère (évaluée par le questionnaire de fatigue de Chalder) et étaient exclus s’ils présentaient d’autres conditions médicales pouvant causer de la fatigue, comme une anémie sévère, une hypothyroïdie ou un diabète. Les témoins sains devaient n’avoir aucun antécédent d’infection par le COVID-19 et ne présenter aucun symptôme de fatigue.

Protocole expérimental

Tous les participants ont subi une spectroscopie RM 1H et 31P pour mesurer les changements métaboliques dans le muscle gastrocnémien pendant l’exercice et la récupération. Les étapes expérimentales étaient les suivantes :

  1. Spectroscopie RM 1H : Un système IRM 3T a été utilisé pour localiser la région d’intérêt dans le muscle gastrocnémien médial en utilisant le mode d’acquisition par écho stimulé (Stimulated-Echo Acquisition Mode, STEAM), mesurant les niveaux de métabolites tels que les lipides intramyocellulaires (Intramyocellular Lipids, IMCL), l’acétylcarnitine et la carnosine.
  2. Spectroscopie RM 31P : Une séquence d’acquisition spectroscopique par bobine de surface à résolution de profondeur (Depth-Resolved Surface Coil Spectroscopy, DRESS) a été utilisée pour mesurer les niveaux de phosphocréatine (Phosphocreatine, PCr), de phosphate inorganique (Inorganic Phosphate, Pi) et le pH dans le muscle gastrocnémien pendant l’exercice et la récupération. Les participants ont d’abord reposé pendant 1 minute, puis ont effectué une flexion plantaire pendant 2 à 5 minutes, la durée de l’exercice étant ajustée en fonction des capacités individuelles.

Analyse des données

La boîte à outils d’analyse spectroscopique d’Oxford (Oxford Spectroscopy Analysis Toolbox, OXSA) a été utilisée pour l’ajustement des spectres, avec une implémentation MATLAB de la méthode avancée pour un ajustement spectral précis, robuste et efficace (Advanced Method for Accurate, Robust, and Efficient Spectral Fitting, AMARES). Des modèles linéaires mixtes ont été utilisés pour comparer les différences dans les paramètres métaboliques dynamiques entre les groupes, et des corrélations de Pearson ont été utilisées pour évaluer la relation entre les paramètres MRS et les scores de fatigue.

Résultats principaux

Caractéristiques des participants

L’âge moyen des patients atteints de COVID long était de 44 ans, tandis que celui des témoins sains était de 34 ans. Le score moyen de fatigue des patients atteints de COVID long était de 29 (échelle de Likert), indiquant une fatigue modérée à sévère.

Analyse spectroscopique RM

  1. Résultats de la spectroscopie 1H : Aucune différence significative n’a été observée entre les patients atteints de COVID long et les témoins en ce qui concerne les niveaux de lipides intramyocellulaires, de créatine et d’acétylcarnitine. Cependant, les niveaux de carnosine étaient significativement plus élevés chez les témoins (différence moyenne de 1,15 mmol/L, p = 0,007).
  2. Résultats de la spectroscopie 31P : Les patients atteints de COVID long présentaient des niveaux de phosphocréatine au repos significativement plus élevés que les témoins (différence moyenne de 4,10 mmol/L, p = 0,03). Après l’exercice, la constante de temps de récupération de la phosphocréatine (τPCr) était significativement plus longue chez les patients atteints de COVID long (92,5 secondes vs. 51,9 secondes, p < 0,001), tandis que le flux oxydatif maximal (Qmax) était significativement plus faible (différence moyenne de 0,16 mmol/L/s, p = 0,008).

Relation entre les scores de fatigue et les paramètres MRS

Aucune corrélation significative n’a été trouvée entre les paramètres MRS et les scores de fatigue (r ≤ 0,25, p ≥ 0,10).

Conclusion

Cette étude a révélé que les patients atteints de COVID long présentaient des différences significatives dans les paramètres liés à la fonction mitochondriale, tels que la constante de temps de récupération de la phosphocréatine et le flux oxydatif maximal, par rapport aux témoins sains, suggérant une possible dysfonction mitochondriale. Cependant, ces changements n’étaient pas corrélés à la sévérité des symptômes de fatigue. Ces résultats offrent de nouvelles perspectives sur les mécanismes physiopathologiques du COVID long et fournissent des biomarqueurs potentiels pour les futurs essais thérapeutiques ciblant la fonction mitochondriale.

Points forts de l’étude

  1. Découverte majeure : Les patients atteints de COVID long présentent des anomalies métaboliques liées à la dysfonction mitochondriale, telles qu’un temps de récupération de la phosphocréatine prolongé et un flux oxydatif maximal réduit.
  2. Innovation méthodologique : Cette étude est la première à utiliser la spectroscopie RM multinucléaire (1H et 31P MRS) pour évaluer in vivo la fonction mitochondriale chez les patients atteints de COVID long.
  3. Signification clinique : Les résultats fournissent une nouvelle explication des mécanismes pathologiques du COVID long et ouvrent la voie à des stratégies thérapeutiques ciblant la dysfonction mitochondriale.

Autres informations utiles

Bien que cette étude n’ait pas trouvé de corrélation entre les paramètres MRS et les scores de fatigue, les chercheurs notent que l’hétérogénéité des patients atteints de COVID long pourrait en être la cause. Les recherches futures devraient envisager des évaluations longitudinales et intégrer d’autres biomarqueurs et techniques d’imagerie pour mieux comprendre les mécanismes pathologiques du COVID long.


Les données détaillées et les méthodes d’analyse de cette étude sont disponibles dans les documents supplémentaires de la revue Radiology.