Transistors à effet de champ de type p haute performance utilisant le dopage par substitution et le contrôle de l'épaisseur des matériaux bidimensionnels
Transistors à effet de champ p-types haute performance : dopage substitutionnel et contrôle d’épaisseur des matériaux bidimensionnels
Contexte académique
Avec le développement continu de la technologie des semi-conducteurs, les transistors à effet de champ (FETs) en silicium approchent leurs limites physiques en termes de performances. Pour surpasser ces limites, les chercheurs explorent les matériaux bidimensionnels (2D) comme un substitut potentiel au silicium. Les dichalcogénures de métaux de transition (TMDs) bidimensionnels, tels que le disulfure de molybdène (MoS₂), le diséléniure de molybdène (MoSe₂) et le diséléniure de tungstène (WSe₂), deviennent des sujets d’intérêt majeur grâce à leurs surfaces atomiquement lisses et leurs excellentes propriétés électroniques. Toutefois, bien que des avancées significatives aient été réalisées pour les FETs 2D à canal n, les développements des FETs 2D à canal p restent plus limités. Cela est principalement dû à l’effet de pincement du niveau de Fermi au niveau des interfaces métal-matériau 2D, entraînant une faible efficacité d’injection de trous et une résistance de contact (Rc) élevée.
Cette étude vise à résoudre ces obstacles en explorant le dopage substitutionnel et le contrôle de l’épaisseur des matériaux pour améliorer les performances des FETs 2D à canal p. En particulier, les auteurs introduisent des dopants tels que le vanadium (V), le niobium (Nb) et le tantale (Ta) dans MoSe₂ et WSe₂, réduisant ainsi Rc et améliorant les performances des dispositifs en optimisant l’épaisseur des matériaux.
Origine de l’article
Cet article a été rédigé par Mayukh Das, Dipanjan Sen, Najam U. Sakib et leurs collaborateurs, affiliés à des institutions telles que Pennsylvania State University (Penn State University) et l’Université de Technologie Chimique de Prague. Il a été publié en ligne dans Nature Electronics le 24 septembre 2024.
Processus et résultats de recherche
1. Préparation et caractérisation des matériaux
Les chercheurs ont tout d’abord préparé des cristaux mono-tranche de MoSe₂ et WSe₂ dopés avec V, Nb et Ta à l’aide de la méthode de transport chimique en phase vapeur (CVT). En utilisant la spectroscopie d’émission atomique par plasma à couplage inductif (ICP-AES) et la spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (EDS) en microscopie électronique à balayage (SEM), ils ont déterminé les concentrations de dopants. Les résultats ont montré que les concentrations en V, Nb et Ta ne dépassaient pas 0,8 at.% pour MoSe₂ et 0,4 at.% pour WSe₂.
Pour évaluer si les atomes de dopants ont été activés électriquement, des mesures d’effet Hall ont été effectuées. Les résultats ont confirmé des caractéristiques de porteurs p pour tous les échantillons dopés. Par exemple, MoSe₂ dopé avec V, Nb et Ta possède une concentration en porteurs de 1,51×10¹⁹ cm⁻³, 1,57×10¹⁹ cm⁻³, et 5,36×10¹⁹ cm⁻³ respectivement.
2. Fabrication et caractérisation des dispositifs
Les chercheurs ont utilisé des flocons exfoliés de ces cristaux dopés pour fabriquer des FETs sur substrats siliconés avec une couche diélectrique d’alumine (Al₂O₃) de 50 nm d’épaisseur. La photolithographie par faisceau électronique et l’évaporation par faisceau d’électrons ont permis de définir les contacts source et drain. Le palladium/or (Pd/Au) a été utilisé comme métal de contact pour tirer parti de sa fonction de travail élevée, favorisant ainsi l’injection de trous.
Les performances électriques des FETs fabriqués avec MoSe₂ et WSe₂ dopés ont confirmé que les flocons épais (4–6 couches) présentaient un courant de conduction élevé (Ion) mais un contrôle électrostatique médiocre, ce qui a réduit le rapport Ion/Ioff. En revanche, les flocons minces (1–3 couches) ont offert un rapport Ion/Ioff supérieur, mais au prix d’une résistance de contact accrue et d’un courant de conduction réduit.
3. Calculs de la théorie de la fonctionnelle de densité (DFT)
Afin d’expliquer la dépendance de l’efficacité du dopage à l’épaisseur du matériau, les chercheurs ont effectué des calculs DFT. Ces calculs ont révélé que l’efficacité du dopage diminue avec la réduction de l’épaisseur du matériau, corroborant les résultats expérimentaux. Par exemple, dans MoSe₂ à 8 couches dopé avec Nb, le décalage du niveau de Fermi (Ef) par rapport au sommet de la bande de valence (Ev) était de 300 meV, mais seulement de 30 meV dans une couche unique. Les calculs ont également montré un rétrécissement de la bande interdite (Eg) dans MoSe₂ lors du dopage, dû à des contraintes de réseau liées aux différences de rayons atomiques entre les dopants et les atomes de Mo.
4. Réduction de la résistance de contact
Des dispositifs FETs dopés épais ont montré une résistance de contact significativement réduite. Par exemple, pour MoSe₂ dopé avec Nb, les valeurs de Rc sont descendues jusqu’à 95 Ω·µm. Cependant, cette réduction a été moins notable pour des flocons plus minces en raison d’effets de confinement quantique. Pour résoudre cela, les chercheurs ont conçu une architecture FET innovante associant des régions de contact épaisses (>6 couches) avec des zones de canal minces (1–3 couches), pour optimiser simultanément Rc et le contrôle électrostatique.
5. Conception de dispositifs double-grille
Les performances des FETs ont été améliorées en intégrant une structure à double grille, combinée avec des zones de canal aminci à une longueur de 50 nm. Avec une couche diélectrique supérieure et inférieure constituée d’Al₂O₃, ces dispositifs présentaient un contrôle électrostatique supérieur. Un FET dopé au Nb avec une structure double-grille a atteint un Ion de 212 µA/µm tout en maintenant un rapport Ion/Ioff de 10⁴.
Conclusions et implications
Cette étude a démontré que le dopage substitutionnel et le contrôle d’épaisseur offrent une approche prometteuse pour surmonter les défis des FETs 2D à canal p. Les flocons dopés épais réduisent Rc efficacement mais compromettent le rapport Ion/Ioff, tandis que les flocons minces présentent des performances électrostatiques améliorées, mais avec une Rc plus élevée. Une conception hybride exploitant des zones de contact épaisses combinées à un canal mince a permis de surmonter ces limitations.
D’un point de vue technologique, ces résultats marquent une avancée significative vers le développement de dispositifs CMOS en matériaux 2D. La méthodologie proposée pourrait être étendue à d’autres matériaux 2D pour des dispositifs dopés p et n, ouvrant ainsi de nouvelles voies dans la fabrication de circuits électroniques avancés.
Points saillants de la recherche
- Amélioration des FETs p-types : Arcitecture hybride intégrant un dopage profond et un canal mince.
- Réduction de Rc : Rc aussi bas que 95 Ω·µm atteint grâce au dopage substitutionnel.
- Double-grille optimisée : Amélioration notable des rapports Ion/Ioff grâce à une structure à double grille.
- Alignement expérimental et DFT : Concordance entre les observations expérimentales et les calculs théoriques DFT.
Perspectives futures
Ces résultats représentent une étape clé vers la fabrication de dispositifs électroniques basés sur des matériaux 2D. Les travaux futurs pourraient se concentrer sur l’optimisation des mécanismes de dopage, l’exploration de matériaux alternatifs, et la mise à l’échelle pour des applications pratiques.