Un polarimètre Full-Stokes sur puce basé sur des vecteurs propres de polarisation optoélectronique

Étude d’un polarimètre full-Stokes sur puce basé sur des vecteurs propres de polarisation optoélectronique

Contexte académique

L’état de polarisation de la lumière joue un rôle fondamental dans plusieurs domaines tels que les communications optiques, le diagnostic biomédical, la télédétection ou encore la cosmologie. Le vecteur de Stokes, composé de quatre paramètres, permet de décrire la polarisation lumineuse de manière complète en fournissant des informations sur l’intensité et l’état de polarisation de la lumière. Les polarimètres traditionnels reposent généralement sur des composants optiques discrets comme des prismes, des lentilles, des filtres ou des plaques d’onde. Ces composants encombrants limitent cependant la miniaturisation et restreignent leur application.

Avec les avancées en nanophotonique et dans les surfaces métas (metasurfaces), des recherches ont été menées pour développer des polarimètres compacts basés sur ces technologies. Toutefois, en particulier dans le domaine infrarouge, les polarimètres existants intégrant des métasurfaces rencontrent des défis majeurs tels que des problèmes d’alignement des pixels, des interférences optiques, et des pertes dues à l’absorption en infrarouge.

Pour surmonter ces limitations, cet article propose un polarimètre full-Stokes sur puce, basé sur le concept de vecteurs propres de polarisation optoélectronique (ou OPEV, pour Optoelectronic Polarization Eigenvector). En configurant quatre OPEV pour constituer une matrice de conversion optoélectronique (OCM, Optoelectronic Conversion Matrix) optimisée, les chercheurs ont développé un polarimètre haute précision pour détecter les paramètres de Stokes. Ce polarimètre, compact et intégré au niveau d’une puce, est composé de quatre sous-pixels partageant une même couche mince de disulfure de molybdène (MoS₂) comme matériau détecteur. Chaque sous-pixel intègre une métasurface plasmonique et est associé à un OPEV distinct. En optimisant les arrangements géométriques des métasurfaces, le nombre de condition de l’OCM a été minimisé, permettant une reconstruction précise des paramètres de Stokes.

Origine de l’article

Cet article a été rédigé par Jie Deng, Mengdie Shi, Xingsi Liu et leurs collaborateurs. Les auteurs sont affiliés à des institutions prestigieuses, parmi lesquelles l’Institut de Physique Technique de Shanghai, l’Université Nationale de Singapour, l’Université du Sud-Est en Chine, et d’autres. Cet article a été publié dans le journal Nature Electronics en novembre 2024 (DOI : 10.1038/s41928-024-01287-w).

Déroulement de la recherche

1. Concept et design du vecteur propre de polarisation (OPEV)

Les OPEV sont des vecteurs à quatre dimensions représentant la relation linéaire entre le vecteur de Stokes incident et le courant électrique généré par un détecteur. En configurant quatre OPEV, une matrice de conversion optoélectronique (OCM) peut être construite afin de traduire le vecteur de Stokes incident en courant photoélectrique. Chaque sous-pixel est associé au courant photonique suivant : [ j_{ph} = \mu \cdot S ] où (\mu) représente l’OPEV, et (S) est le vecteur de Stokes incident.

2. Conception et fabrication du polarimètre sur puce

Le polarimètre sur puce se compose de quatre sous-pixels. Chaque sous-pixel dispose d’une métasurface plasmonique intégrée. L’agencement géométrique des métasurfaces a été configuré afin de minimiser le nombre de condition de la matrice OCM. Les métasurfaces sont arrangées selon quatre orientations distinctes : (y, +), (y, -), (x, +) et (x, -). Grâce à cette configuration, les quatre OPEV forment un tétraèdre régulier, optimisant ainsi la précision de reconstruction.

3. Validation expérimentale et résultats

Les expériences ont confirmé que l’utilisation d’une OCM optimisée, associée à un algorithme d’apprentissage automatique (régression par processus gaussien), permet de réduire l’erreur quadratique moyenne (RMSE) de la reconstruction full-Stokes à moins de 1% sur l’ensemble des états de polarisation. Les RMSE pour les paramètres de Stokes (S_0), (S_1), (S_2) et (S_3) sont respectivement de 0,13%, 0,98%, 0,96% et 0,58%. Ces résultats démontrent la haute précision du polarimètre développé.

4. Reconstruction à large bande passante

Pour permettre une fonctionnalité à travers une large bande spectrale (1200–1600 nm), des ajustements ont été effectués sur les paramètres géométriques des métasurfaces. Les résultats expérimentaux montrent que, sur cette plage de longueurs d’onde, l’erreur de reconstruction des paramètres de Stokes reste inférieure à 0,4%, confirmant la capacité du polarimètre à fonctionner efficacement dans l’infrarouge.

Principaux résultats

  1. Reconstruction full-Stokes haute précision : Les mesures ont montré une erreur quadratique moyenne (RMSE) inférieure à 1% pour l’ensemble des paramètres de Stokes sur des états de polarisation variés.
  2. Large bande passante opérationnelle : La reconstruction des paramètres de Stokes est précise sur une bande de longueurs d’onde allant de 1200 nm à 1600 nm, avec une erreur inférieure à 0,4%.
  3. Compact et intégré : Ce polarimètre sur puce utilise une conception intégrée, avec des dimensions de l’ordre de dizaines de micromètres, le rendant compatible avec de nombreuses applications.

Conclusion et pertinence

Cet article propose un cadre novateur pour le développement de polarimètres full-Stokes basés sur des OPEV et des OCM. En configurant des sous-pixels optimisés avec des métasurfaces, les chercheurs ont démontré un niveau de précision de reconstruction inégalé dans les dispositifs sur puce. La faisabilité de ce polarimètre à large bande passante et à haute précision ouvre des possibilités dans des domaines variés tels que : - Les communications optiques, - La télédétection, - Le diagnostic médical, - La cosmologie.

Points saillants de la recherche

  1. Tolérance aux imperfections des métasurfaces : Cette approche relaxe les exigences typiques pour des ratios d’extinction élevés, élargissant ainsi les possibilités d’utilisation de matériaux détecteurs moins performants.
  2. Accordabilité et miniaturisation : Contrairement aux polarimètres commerciaux encombrants et nécessitant un balayage dans le temps, ce dispositif dépasse plusieurs de leurs limites tout en conservant des performances similaires.
  3. Applicabilité multi-longueur d’onde : L’intégration de métasurfaces permet une reconstruction précise sur de larges gammes spectrales.

Ce travail représente une avancée majeure pour les dispositifs optiques intégrés, en combinant des solutions théoriques, des simulations numériques et des validations expérimentales, tout en ouvrant la voie à des applications futures dans des domaines exigeant des détecteurs compacts et haute performance.