Les ILC2s œsophagiennes médient le remodelage épithélial anormal dans l'œsophagite à éosinophiles via la signalisation AREG-EGFR
Compte-rendu de l’étude : « Les ILC2 œsophagiens médient le remodelage anormal de l’épithélium dans l’œsophagite à éosinophiles via le signal AREG-EGFR »
Introduction et contexte
L’œsophagite à éosinophiles (EoE) est une maladie allergique chronique dont la prévalence a significativement augmenté au cours des dernières décennies. Elle se caractérise principalement par une infiltration de granulocytes éosinophiles et un épaississement épithélial conduisant à des symptômes tels que la dysphagie. Cette pathologie présente des caractéristiques histologiques distinctes, notamment une hyperprolifération des cellules basales, un épaississement épithélial et une fibrose. Initialement, son développement était attribué principalement aux réponses immunitaires adaptatives, en particulier les lymphocytes T auxiliaires de type 2 (Th2).
Cependant, des recherches récentes mettent en lumière l’importance des cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2), qui, bien qu’étant une composante de l’immunité innée, jouent également un rôle clé dans les inflammations de type 2. Les ILC2 sont activées par des “alarmines” telles que l’IL-33 et produisent divers cytokines comme l’IL-5, l’IL-13 et la réguline amphiréguline (AREG). AREG interagit avec le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), régulant ainsi la prolifération et la différenciation cellulaire. Pourtant, leur rôle exact dans l’EoE demeure peu exploré, notamment dans le contexte du remodelage anormal de l’épithélium.
Cette étude vise à explorer la contribution des ILC2 œsophagiennes à la pathogenèse de l’EoE, notamment en se focalisant sur la signalisation AREG-EGFR, et ouvre des perspectives thérapeutiques prometteuses pour cette maladie inflammatoire chronique.
Provenance de l’étude
Cette étude a été menée par Minyeong Lim et ses collaborateurs, issus de plusieurs instituts en Corée du Sud, notamment l’Université nationale de Séoul. L’article, publié dans la revue Cellular & Molecular Immunology (2025), a exploré de manière approfondie le rôle des ILC2 via des approches intégrant des modèles animaux, des cultures cellulaires in vitro ainsi que des échantillons cliniques humains. Les données expérimentales et les validations cliniques rendent cette étude particulièrement robuste et pertinente.
Démarche expérimentale et méthodologie
a. Objectifs et méthodologie
L’objectif principal de l’étude est de déterminer comment les ILC2, via la sécrétion d’AREG et l’activation d’EGFR, participent aux altérations pathologiques de l’épithélium dans l’EoE. Les principales étapes incluent :
Caractérisation des ILC2 œsophagiennes :
- Une analyse par cytométrie en flux a démontré que les ILC2 prédominent dans l’œsophage sain des souris, comparé au poumon. Les ILC2 présentant une expression élevée de KLRG1 sont particulièrement abondantes dans l’épithélium œsophagien inflammé.
- Chez les patients, une analyse par immunofluorescence des biopsies œsophagiennes montre que les tissus atteints d’EoE contiennent une proportion significativement plus élevée de ILC2 (CD3e-, KLRG1+) par rapport aux tissus sains ou des patients atteints de RGO (maladie de reflux gastro-œsophagien).
Modèles murins d’EoE induit par IL-33 :
- Par administration nasale d’IL-33, des modèles murins d’EoE sont générés, reproduisant des caractéristiques clés comme l’hyperplasie des cellules basales et l’éosinophilie.
- L’absence d’ILC2 chez des souris génétiquement modifiées (Rag1KO et DKO) atténue les altérations épithéliales caractéristiques de l’EoE.
Rôle d’AREG et du signal EGFR :
- Des analyses ont révélé que les ILC2 activées sécrètent AREG, qui se lie à EGFR et active des cascades de phosphorylation impliquant ERK/Akt, menant à la prolifération des cellules basales.
- In vitro, l’utilisation de lignées cellulaires épithéliales humaines (CP-A et HET-1A) a permis de démontrer qu’AREG conduit à une suractivation d’EGFR et une prolifération accrue, qui sont complètement inhibées par un antagoniste d’EGFR, l’erlotinib.
Validation thérapeutique :
- Des traitements expérimentaux par éradication d’AREG (anticorps neutralisants) ou blocage pharmacologique d’EGFR (erlotinib) ont réduit de manière significative l’épaississement épithélial chez des souris atteintes d’EoE.
- Un système de coculture in vitro d’ILC2 avec des organoïdes œsophagiens démontre que la signalisation AREG-EGFR est essentielle pour promouvoir la prolifération des cellules basales.
Validation sur des échantillons humains :
- Les analyses d’échantillons de patients atteints d’EoE confirment une surexpression d’EGFR activé (p-EGFR) et une accumulation d’ILC2 marquées par KLRG1 autour de l’épithélium œsophagien. Les résultats corroborent donc ceux obtenus chez les souris.
b. Résultats principaux
- ILC2 localisées dans l’œsophage : Les ILC2 représentent la majorité des cellules lymphoïdes résidentes dans l’œsophage normal et leur présence augmente considérablement dans l’œsophage EoE.
- Signalisation AREG-EGFR : Les ILC2 sont la principale source d’AREG, qui se lie à EGFR pour induire des altérations pathologiques comme l’hyperplasie des cellules basales.
- Modulation thérapeutique : Le blocage du signal AREG-EGFR par des anticorps anti-AREG ou l’erlotinib inhibe le remodelage épithélial et atténue les infiltrations inflammatoires.
c. Conclusion et implications
L’étude établit clairement le rôle déterminant des ILC2 et du signal AREG-EGFR dans les altérations pathologiques associées à l’EoE. Elle identifie AREG comme cible thérapeutique prometteuse et valide l’efficacité d’inhibiteurs d’EGFR dans des modèles expérimentaux. Ces résultats posent les bases pour développer de nouvelles thérapies ciblées pour les maladies inflammatoires de l’épithélium, avec des implications potentielles dans d’autres conditions liées à l’immunité de type 2.
d. Perspectives thérapeutiques
L’utilisation de traitements ciblant l’AREG ou EGFR pourrait permettre de contrôler efficacement les symptômes de l’EoE sans interférer avec d’autres voies immunitaires. Cela pourrait réduire le risque d’effets secondaires souvent observés avec les traitements globaux des inflammations allergiques.
Points forts et perspectives
- Démonstration de la localisation stratégique des ILC2 dans l’épithélium œsophagien et leur contribution directe aux altérations tissulaires.
- Validation croisée entre modèles animaux et données humaines augmentant la pertinence des conclusions.
- Proposition de nouvelles stratégies thérapeutiques spécifiques, potentiellement généralisables à d’autres maladies inflammatoires de type 2.
Conclusion générale
Cette étude met en lumière un mécanisme inédit par lequel les ILC2 œsophagiennes, via la signalisation AREG-EGFR, entraînent des remodelages épithéliaux dans l’EoE. Elle offre non seulement des informations cruciales sur les interactions entre immunité innée et tissus épithéliaux, mais également des solutions thérapeutiques novatrices, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques.