Le facteur tissulaire favorise la stabilité de la protéine TREX1 pour échapper à la réponse immunitaire innée cGAS-STING dans l'adénocarcinome canalaire pancréatique
Le facteur tissulaire favorise la stabilité de la protéine Trex1 pour échapper à la réponse immunitaire innée cGAS-STING dans l’adénocarcinome canalaire pancréatique
Contexte académique
L’adénocarcinome canalaire pancréatique (Pancreatic Ductal Adenocarcinoma, PDAC) reste l’une des tumeurs malignes les plus difficiles à traiter, avec une incidence et une mortalité en augmentation constante, en particulier chez les patients atteints de PDAC à un stade avancé. Bien que la chimiothérapie et l’immunothérapie aient montré des progrès significatifs dans de nombreux cancers, la réponse du PDAC à ces traitements reste médiocre. Récemment, les chercheurs ont découvert que le stroma fibreux du PDAC constitue une barrière physique à la chimiothérapie et à l’infiltration immunitaire, mais les mécanismes intrinsèques d’échappement immunitaire des cellules tumorales restent mal compris. Le facteur tissulaire (Tissue Factor, TF) est une glycoprotéine surexprimée dans de nombreuses tumeurs malignes, en particulier dans le PDAC, où environ 80 % des cas présentent une expression élevée de TF. Le TF participe non seulement à la coagulation, mais favorise également la croissance tumorale, les métastases et l’angiogenèse par divers mécanismes. Cependant, le rôle précis du TF dans le PDAC et sa relation avec l’échappement immunitaire restent flous.
Cette étude vise à explorer comment le TF régule la voie immunitaire innée cGAS-STING pour favoriser l’échappement immunitaire dans le PDAC, et à explorer le potentiel du TF comme cible thérapeutique.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Yinyin Xue, Yue Wang, Zhiqiang Ren et Ker Yu, tous affiliés au Département de Pharmacologie de l’École de Pharmacie de l’Université Fudan. L’article a été publié en 2024 dans la revue Oncogene, avec le DOI 10.1038/s41388-024-03248-1.
Processus et résultats de la recherche
1. La surexpression de TF dans le PDAC est associée à une immunosuppression
Les chercheurs ont d’abord analysé des puces à tissus (TMA) de 80 patients atteints de PDAC par immunohistochimie (IHC) et coloration multiplexe par fluorescence (TSA). Ils ont constaté que les patients présentant une expression élevée de TF (TF-high) représentaient 68,75 % des cas, et que ces patients avaient des stades tumoraux plus avancés et un pronostic plus sombre. Dans les tumeurs TF-high, les niveaux de p-STING et de p-TBK1 étaient significativement réduits, indiquant une inhibition de la voie cGAS-STING. De plus, l’infiltration de cellules immunitaires effectrices (comme les cellules T CD8+) était réduite dans les tumeurs TF-high, tandis que l’infiltration de macrophages immunosuppresseurs M2 était augmentée. L’analyse de la base de données TCGA a confirmé que les tumeurs TF-high présentaient des niveaux d’expression significativement plus faibles des gènes stimulés par l’interféron (ISGs) et des chimiokines (comme CCL5, CXCL9-11).
2. La suppression génique de TF restaure la signalisation STING et inhibe la croissance tumorale
Pour vérifier le rôle de TF dans les cellules tumorales, les chercheurs ont utilisé la technologie CRISPR/Cas9 pour supprimer le gène TF (TF-KO) dans les cellules KPC de souris. Les résultats ont montré que TF-KO n’affectait pas la prolifération des cellules KPC in vitro, mais inhibait significativement la croissance tumorale dans un modèle de greffe orthotopique dans le pancréas de souris. Par immunohistochimie et coloration multiplexe par fluorescence, les chercheurs ont observé une augmentation significative des marqueurs de dommages à l’ADN (γ-H2AX) et d’activation de la voie STING (p-TBK1, p-STAT1) dans les tumeurs TF-KO, ainsi qu’une augmentation de l’infiltration de cellules T cytotoxiques et de cellules dendritiques. De plus, les niveaux de p-AKT et de p-ERK étaient réduits dans les cellules TF-KO, tandis que les niveaux de p-TBK1, p-STAT1 et p-IRF3 étaient significativement augmentés, indiquant que TF-KO rétablissait la signalisation STING.
3. Le traitement ciblant TF restaure la signalisation STING dans les modèles humains de PDAC
Les chercheurs ont ensuite validé le rôle de TF dans des lignées cellulaires humaines de PDAC (HPAF-II et BXPC3). En traitant ces cellules avec un shRNA contre TF ou un anticorps anti-TF (Husc1-39), ils ont observé une augmentation significative des marqueurs d’activation de la voie STING (p-TBK1, p-STAT1 et p-IRF3). L’analyse par séquençage d’ARN a révélé que l’inhibition de TF augmentait significativement les niveaux d’ARNm des ISGs et des chimiokines (comme CCL5, CXCL10). Dans un modèle de souris nude, la greffe orthotopique de cellules HPAF-II suivie d’un traitement par Husc1-39 ou shRNA contre TF a significativement inhibé la croissance tumorale et augmenté l’apoptose des cellules tumorales. De plus, l’inhibition de TF a favorisé l’infiltration de cellules NK, de cellules dendritiques matures et de macrophages de type M1.
4. L’inhibition de TF active la voie cGAS-STING via la dégradation de Trex1
Les chercheurs ont découvert que l’inhibition de TF entraînait une accumulation significative de micronoyaux cytoplasmiques et de cGAS dans les cellules tumorales, indiquant que TF favorise l’échappement immunitaire en inhibant la voie cGAS-STING. Des études supplémentaires ont montré que l’inhibition de TF déclenchait une dégradation rapide de la protéine Trex1, une exonucléase de point de contrôle immunitaire connue pour dégrader l’ADN des micronoyaux. Des expériences de surexpression de Trex1 ont confirmé que la dégradation de Trex1 était une étape clé dans l’activation de la voie cGAS-STING après l’inhibition de TF. De plus, la dégradation de Trex1 déclenchée par l’inhibition de TF dépendait de la voie du protéasome.
5. Synergie entre l’inhibition de TF et un agoniste STING
Les chercheurs ont également exploré la synergie entre l’inhibition de TF et un agoniste STING. Dans des expériences de co-culture de PBMC avec des cellules tumorales, l’inhibition de TF combinée à l’agoniste STING AN014 a significativement augmenté la sécrétion de CXCL10 et d’IFN-γ, et renforcé l’effet cytotoxique sur les cellules tumorales. De plus, les chercheurs ont développé un ADC (Husc1-39-AN014) conjuguant un anticorps anti-TF à un agoniste STING. Cet ADC a montré une activité antitumorale significative in vitro et in vivo, augmentant fortement l’activation de la voie STING et l’infiltration de cellules immunitaires effectrices.
Conclusions et implications
Cette étude révèle pour la première fois que TF inhibe la voie immunitaire innée cGAS-STING en stabilisant la protéine Trex1 dans le PDAC, et démontre que l’inhibition de TF peut remodeler le microenvironnement tumoral, le transformant d’un état “immunologiquement froid” à un état “immunologiquement chaud”. Le traitement ciblant TF peut être utilisé seul ou en combinaison avec l’immunothérapie, offrant une nouvelle stratégie thérapeutique pour le PDAC et le cancer du sein triple négatif (TNBC) positifs pour TF.
Points forts de la recherche
- TF inhibe la voie cGAS-STING en stabilisant Trex1 : Cette étude révèle pour la première fois que TF stabilise la protéine Trex1 pour inhiber la voie cGAS-STING, offrant une nouvelle perspective sur le rôle de TF dans l’échappement immunitaire tumoral.
- L’inhibition de TF remodelle le microenvironnement tumoral : L’inhibition de TF augmente significativement l’infiltration de cellules immunitaires effectrices et la sécrétion de chimiokines, renforçant ainsi la réponse immunitaire antitumorale.
- Développement d’un ADC anticorps anti-TF/agoniste STING : Les chercheurs ont développé un nouvel ADC conjuguant un anticorps anti-TF à un agoniste STING, montrant une activité antitumorale significative in vitro et in vivo, offrant une nouvelle option thérapeutique pour le PDAC et le TNBC positifs pour TF.
Valeur de la recherche
La valeur scientifique de cette étude réside dans la révélation du mécanisme par lequel TF inhibe la voie cGAS-STING via la stabilisation de Trex1, fournissant une nouvelle base théorique pour comprendre l’échappement immunitaire tumoral. De plus, le traitement ciblant TF et le développement de l’ADC anticorps anti-TF/agoniste STING offrent de nouvelles stratégies pour le traitement du PDAC et du TNBC, avec des perspectives cliniques importantes.