Les états cellulaires des tumeurs fibreuses solitaires méningées imitent le développement et l'homéostasie vasculaires cérébraux

Étude de la transcriptomique unicellulaire et spatiale des tumeurs fibreuses solitaires méningées

Contexte académique

Les tumeurs fibreuses solitaires méningées (Meningeal Solitary Fibrous Tumors, SFTs) sont des tumeurs mésenchymateuses rares qui prennent naissance dans les méninges du système nerveux central (SNC). Bien que les SFTs soient histologiquement similaires à d’autres tumeurs méningées (comme les méningiomes), leur comportement clinique unique, en particulier leur tendance à la récidive locale et aux métastases hématogènes, suscite un intérêt considérable pour leurs mécanismes biologiques et leurs stratégies de traitement. Actuellement, les options thérapeutiques pour les SFTs sont limitées, reposant principalement sur la chirurgie et la radiothérapie, et il n’existe pas de traitement médicamenteux efficace pour les SFTs métastatiques ou résistants aux traitements standard. Par conséquent, une compréhension approfondie des états cellulaires et de l’architecture transcriptomique spatiale des SFTs est essentielle pour développer de nouvelles cibles thérapeutiques.

Ces dernières années, les progrès rapides des technologies de séquençage d’ARN unicellulaire (scRNA-seq) et de transcriptomique spatiale ont fourni de nouveaux outils pour étudier l’hétérogénéité cellulaire et le microenvironnement tumoral. Cependant, les études sur la transcriptomique unicellulaire et spatiale des SFTs en sont encore à leurs débuts, en particulier en ce qui concerne leurs différences avec d’autres tumeurs du SNC comme les méningiomes. Cette étude vise à révéler les états cellulaires, les programmes d’expression génique et les différences entre les SFTs et les méningiomes en intégrant des données de séquençage d’ARN unicellulaire, spatial et en vrac, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur les mécanismes biologiques et les stratégies de traitement des SFTs.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Kanish Mirchia, Abrar Choudhury, Tara Joseph, Janeth Ochoa Birrueta, Joanna J. Phillips, Aparna Bhaduri, Elizabeth E. Crouch, Arie Perry et David R. Raleigh. Les auteurs sont issus de plusieurs départements de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF), notamment l’oncologie radiologique, la neurochirurgie et la pathologie. L’article a été publié en ligne le 29 août 2024 dans la revue Neuro-Oncology, avec le DOI 10.1093/neuonc/noae172.

Méthodologie et résultats

1. Le séquençage d’ARN unicellulaire révèle les états cellulaires des SFTs

L’étude a d’abord réalisé un séquençage d’ARN unicellulaire sur 4 échantillons de SFTs, analysant un total de 40 022 cellules. Grâce à une analyse de réduction de dimension par UMAP, les chercheurs ont identifié 12 clusters cellulaires, incluant des cellules tumorales et des cellules du microenvironnement (comme les macrophages, les neurones immatures, les cellules T et les cellules endothéliales). Les états cellulaires des SFTs ont été distingués par l’expression de NAB2 et STAT6, et ont montré des caractéristiques d’expression génique liées au développement vasculaire et à l’homéostasie. Par exemple, certaines cellules tumorales exprimaient fortement NCAM2 (molécule d’adhésion des cellules neurales) et VCAM1 (molécule d’adhésion des cellules vasculaires), tandis que d’autres présentaient une expression élevée de gènes de stress cellulaire (comme EGR1, HSPA1A) et de gènes de remodelage de la matrice extracellulaire (ECM) (comme ADAMTS6, PLCG2).

L’analyse de la vitesse de l’ARN et des trajectoires pseudotemporelles a révélé que les états cellulaires des SFTs sont dynamiques et plastiques, indiquant que les décisions du destin cellulaire des tumeurs sont interchangeables. De plus, l’analyse de la communication intercellulaire a mis en évidence des interactions riches en récepteurs-ligands dans le microenvironnement des SFTs, en particulier entre les cellules des SFTs et les cellules endothéliales ou les neurones immatures.

2. Comparaison des états cellulaires entre les SFTs et les méningiomes

Pour mieux distinguer les SFTs des méningiomes, les chercheurs ont intégré les données de séquençage d’ARN unicellulaire de SFTs et de 6 échantillons de méningiomes, analysant un total de 70 956 cellules. Les résultats ont montré que les cellules des SFTs exprimaient fortement des marqueurs endothéliaux (comme CD34), tandis que les cellules des méningiomes exprimaient fortement des marqueurs de cellules murales (comme NOTCH3). Cette découverte a été validée par des expériences d’immunofluorescence et d’immunohistochimie, confirmant que les SFTs et les méningiomes présentent des différences significatives dans leurs états cellulaires.

3. La transcriptomique spatiale révèle l’hétérogénéité régionale des SFTs

L’étude a également réalisé une analyse de transcriptomique spatiale sur 8 échantillons de SFTs, en combinant des profils de méthylation de l’ADN et un séquençage ciblé de nouvelle génération pour valider les caractéristiques des SFTs. Les données de transcriptomique spatiale ont montré que les SFTs présentaient une hétérogénéité régionale dans les états cellulaires et les programmes d’expression génique, selon les grades histologiques de l’OMS et les échantillons appariés de patients (primaire/récidivant ou intracrânien/métastatique). Par exemple, les SFTs de grade 3 de l’OMS exprimaient significativement plus de gènes liés à la synthèse des protéines et au remodelage de l’ECM que les SFTs de grade 1.

4. Validation des caractéristiques d’expression génique des SFTs par séquençage d’ARN en vrac

L’étude a également réalisé un séquençage d’ARN en vrac sur 22 échantillons de SFTs, validant davantage les découvertes issues de la transcriptomique unicellulaire et spatiale. Les résultats ont montré que les SFTs de grade 3 et récurrentes exprimaient significativement plus de gènes comme HOXA13 et TNNT1, qui sont fortement associés à la progression tumorale et aux métastases. De plus, l’expression aberrante de VCAM1 dans les SFTs pourrait offrir une nouvelle cible thérapeutique.

Conclusions et implications

Cette étude, en intégrant des données de séquençage d’ARN unicellulaire, spatial et en vrac, a révélé pour la première fois de manière exhaustive les états cellulaires, les programmes d’expression génique et les différences entre les SFTs et les méningiomes. Les résultats montrent que les états cellulaires des SFTs ressemblent à ceux du développement et de l’homéostasie vasculaires cérébraux, et présentent une hétérogénéité régionale et une plasticité cellulaire élevées. Ces découvertes fournissent non seulement de nouvelles perspectives sur les mécanismes biologiques des SFTs, mais ouvrent également la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques (comme le ciblage de la voie VCAM1 ou HOXA13-IGF1R).

Points forts de l’étude

  1. Le séquençage d’ARN unicellulaire révèle que les états cellulaires des SFTs ressemblent au développement vasculaire cérébral : Les cellules des SFTs expriment fortement des marqueurs endothéliaux et présentent des caractéristiques d’expression génique liées au développement et à l’homéostasie vasculaires.
  2. La transcriptomique spatiale révèle l’hétérogénéité régionale des SFTs : Les SFTs présentent une hétérogénéité régionale dans les états cellulaires et les programmes d’expression génique selon les grades histologiques de l’OMS et les échantillons appariés de patients.
  3. Comparaison des états cellulaires entre les SFTs et les méningiomes : Les cellules des SFTs expriment fortement des marqueurs endothéliaux, tandis que les cellules des méningiomes expriment fortement des marqueurs de cellules murales, offrant ainsi de nouveaux marqueurs moléculaires pour le diagnostic différentiel.
  4. Validation des caractéristiques d’expression génique des SFTs par séquençage d’ARN en vrac : Les SFTs de grade 3 et récurrentes expriment significativement plus de gènes comme HOXA13 et TNNT1, qui pourraient devenir des cibles thérapeutiques potentielles.

Autres informations utiles

Les données de séquençage d’ARN unicellulaire, de transcriptomique spatiale et de séquençage ciblé de nouvelle génération de cette étude ont été déposées dans le Sequence Read Archive du NCBI (Bioproject ID : PRJNA986661) et dans le Gene Expression Omnibus (Accession : GSE235922), offrant ainsi une ressource précieuse pour les recherches futures.


Grâce à cette étude, les chercheurs ont non seulement révélé les états cellulaires et les caractéristiques d’expression génique des SFTs, mais ont également fourni une base scientifique importante pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques contre cette tumeur rare. À l’avenir, des essais cliniques basés sur ces découvertes pourraient offrir de nouveaux espoirs aux patients atteints de SFTs.