ENPP1 induit une dysfonction de la barrière hémato-encéphalique et favorise la formation de métastases cérébrales dans le cancer du sein positif au récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain

Rôle de l’ENPP1 dans les métastases cérébrales du cancer du sein HER2 positif

Contexte académique

Les métastases cérébrales (Brain Metastasis, BM) sont une complication neurologique grave chez les patientes atteintes d’un cancer du sein HER2 positif (HER2+ Breast Cancer, BC), avec une incidence pouvant atteindre 50 %. La formation de métastases cérébrales est étroitement liée à la manière dont les cellules tumorales traversent la barrière hémato-encéphalique (Blood-Brain Barrier, BBB). La BBB est une barrière composée de cellules endothéliales spécialisées, de protéines de jonction serrée et de jonctions adhérentes, qui empêche la plupart des molécules et des cellules de pénétrer dans le parenchyme cérébral. Cependant, les cellules tumorales parviennent à perturber l’intégrité de la BBB en sécrétant des biomolécules spécifiques, favorisant ainsi la formation de métastases cérébrales. Bien que des études antérieures aient montré que les facteurs sécrétés par les tumeurs jouent un rôle important dans la dysfonction de la BBB, les mécanismes précoces restent mal compris. Par conséquent, étudier comment les cellules du cancer du sein HER2+ perturbent la BBB par la sécrétion de facteurs est essentiel pour développer des stratégies de prévention et de traitement des métastases cérébrales.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Liliana Santos, Francesca Tomatis, Hugo R. S. Ferreira et leurs collègues, issus de plusieurs institutions de recherche, notamment la faculté de médecine de l’Université de Coimbra et l’Institut de recherche clinique et biomédicale de Coimbra (ICBR). L’article a été publié en ligne le 30 août 2024 dans la revue Neuro-Oncology, sous le titre “ENPP1 induces blood–brain barrier dysfunction and promotes brain metastasis formation in human epidermal growth factor receptor 2-positive breast cancer”.

Méthodologie et résultats

1. Méthodologie

a) Modèles in vitro de la BBB et modèles pré-métastatiques in vivo

L’équipe de recherche a d’abord construit un modèle in vitro de la BBB en co-cultivant des cellules endothéliales microvasculaires cérébrales humaines (Endothelial Cells, ECs) avec des péricytes cérébraux pour simuler la structure et la fonction de la BBB. Ensuite, les chercheurs ont traité ce modèle avec le sécrétome (Secretome, SCR) de lignées cellulaires de cancer du sein HER2+ (JIMT-1 et SUM190) et de leurs variants à tendance métastatique cérébrale (JIMT-1-Br et SUM190-Br), afin d’évaluer leur impact sur la perméabilité de la BBB. Parallèlement, l’équipe a établi un modèle pré-métastatique chez la souris, en injectant quotidiennement le SCR par voie intrapéritonéale ou en implantant des cellules à tendance métastatique cérébrale, pour observer la perturbation de la BBB.

b) Analyse protéomique

Pour identifier les facteurs clés responsables de la dysfonction de la BBB, les chercheurs ont réalisé une analyse par spectrométrie de masse du sécrétome des cellules JIMT-1-Br et SUM190-Br, en les comparant à leurs cellules parentales. Grâce au criblage des protéines différentiellement exprimées (Differentially Expressed Proteins, DEPs), ils ont découvert qu’une protéine appelée ENPP1 (Ectonucleotide Pyrophosphatase/Phosphodiesterase 1) était significativement enrichie dans les cellules à tendance métastatique cérébrale.

c) Validation fonctionnelle de l’ENPP1

Pour vérifier le rôle de l’ENPP1 dans la perturbation de la BBB, les chercheurs ont traité le modèle de BBB avec un inhibiteur de l’ENPP1 (ENPP1i), constatant que l’ENPP1i empêchait efficacement l’augmentation de la perméabilité de la BBB. De plus, en utilisant un siRNA pour réduire l’expression de l’ENPP1, ils ont confirmé son rôle clé dans la dysfonction de la BBB.

d) Validation sur modèle animal

Les chercheurs ont utilisé la technologie CRISPR/Cas9 pour créer des cellules JIMT-1-Br avec une délétion de l’ENPP1 (KO), qu’ils ont injectées à des souris pour observer l’impact sur la perméabilité de la BBB et la formation de métastases cérébrales. Les résultats ont montré que la délétion de l’ENPP1 réduisait significativement la charge métastatique cérébrale et prolongeait la survie des souris.

2. Résultats principaux

a) Impact du sécrétome sur la perméabilité de la BBB

Les expériences in vitro ont montré que le sécrétome des cellules à tendance métastatique cérébrale augmentait significativement la perméabilité de la BBB, entraînant une régulation à la baisse des protéines de jonction serrée (comme ZO-1 et Claudin-5) et des protéines de jonction adhérente (comme la β-caténine). Les expériences in vivo ont confirmé que le sécrétome des cellules à tendance métastatique cérébrale pouvait perturber l’intégrité de la BBB par la libération systémique de l’ENPP1.

b) Mécanisme d’action de l’ENPP1

L’ENPP1 inhibe la voie de signalisation de l’insuline et sa voie en aval Akt/GSK3β/β-caténine, entraînant une dysfonction de la BBB. Plus précisément, l’ENPP1 se lie au récepteur de l’insuline (Insulin Receptor, InsR), inhibe la phosphorylation de l’Akt, ce qui inhibe l’activité de la GSK3β, conduisant finalement à la dégradation de la β-caténine et à la perte des protéines de jonction serrée.

c) Effet de la délétion de l’ENPP1

La délétion de l’ENPP1 a significativement réduit la formation de métastases cérébrales et prolongé la survie des souris. De plus, elle a empêché la perturbation de la BBB, indiquant que l’ENPP1 joue un rôle clé dans les étapes précoces de la formation des métastases cérébrales.

3. Conclusion et signification

Les résultats de l’étude montrent que l’ENPP1 est un facteur clé permettant aux cellules du cancer du sein HER2+ de traverser la BBB et de former des métastases cérébrales. L’ENPP1 perturbe l’intégrité de la BBB en inhibant la voie de signalisation de l’insuline, favorisant ainsi la métastase cérébrale des cellules tumorales. De plus, les niveaux de sécrétion de l’ENPP1 sont positivement corrélés à la charge métastatique cérébrale et négativement corrélés à la survie globale des patients, suggérant que l’ENPP1 pourrait servir de marqueur de diagnostic précoce des métastases cérébrales.

4. Points forts de l’étude

  • Découverte innovante : Première démonstration du rôle clé de l’ENPP1 dans la perturbation de la BBB et la formation de métastases cérébrales.
  • Élucidation des mécanismes : Explication détaillée du mécanisme moléculaire par lequel l’ENPP1 inhibe la voie de signalisation de l’insuline, entraînant une dysfonction de la BBB.
  • Potentiel clinique : Les inhibiteurs de l’ENPP1 pourraient devenir une nouvelle stratégie pour prévenir ou traiter les métastases cérébrales du cancer du sein HER2+.

5. Autres informations pertinentes

L’équipe de recherche a également constaté que les niveaux de sécrétion de l’ENPP1 étaient étroitement liés à la charge métastatique cérébrale, suggérant que l’ENPP1 pourrait servir de marqueur pronostique des métastases cérébrales. De plus, les inhibiteurs de l’ENPP1 ont montré des effets anti-métastatiques significatifs dans les modèles murins, ouvrant la voie à des études cliniques futures.

Conclusion

Cette étude révèle non seulement le rôle clé de l’ENPP1 dans les métastases cérébrales du cancer du sein HER2+, mais fournit également une base théorique importante pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. En ciblant l’ENPP1, il pourrait être possible de prévenir ou de retarder efficacement les métastases cérébrales chez les patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+, améliorant ainsi leur taux de survie et leur qualité de vie.