Analyse par IRM de contraste de phase des interactions dynamiques entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien
Étude sur les interactions dynamiques entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien mesurées aux niveaux intracrânien et extracrânien
Contexte
L’interaction entre le flux sanguin cérébral (Cerebral Blood Flow, CBF) et le liquide céphalo-rachidien (Cerebrospinal Fluid, CSF) est un facteur clé dans le maintien de la pression intracrânienne (Intracranial Pressure, ICP). Selon la doctrine de Monro-Kellie, le volume intracrânien (comprenant le parenchyme cérébral, le liquide céphalo-rachidien et le sang) est constant, et tout changement de volume dans l’un des compartiments doit être compensé par les autres. Cependant, des études récentes ont montré que les variations dynamiques du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien ne suivent pas entièrement cette doctrine, en particulier pendant le cycle cardiaque, où les petits changements du flux sanguin cérébral peuvent ne pas être entièrement équilibrés par le liquide céphalo-rachidien. Ce phénomène revêt une importance particulière dans diverses maladies neurologiques, telles que l’hydrocéphalie et la maladie d’Alzheimer.
Bien que de nombreuses études aient mesuré les variations dynamiques du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique à contraste de phase (Phase-Contrast MRI, PC-MRI), la plupart se sont concentrées sur des mesures au niveau extracrânien (comme les artères carotides et les veines jugulaires internes). Cependant, l’anatomie et l’hémodynamique des veines extracrâniennes présentent des variations individuelles importantes, ce qui peut affecter la précision des résultats. Par conséquent, cette étude vise à comparer les différences entre les mesures intracrâniennes et extracrâniennes des interactions dynamiques entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien, afin de déterminer quel niveau est le plus adapté pour étudier ces interactions.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Kimi Piedad Owashi, Pan Liu, Serge Metanbou, Cyrille Capel et Olivier Balédent, affiliés au département de traitement d’images médicales, au service de radiologie et au service de neurochirurgie du CHU d’Amiens-Picardie, en France. L’article a été publié en 2024 dans la revue Fluids and Barriers of the CNS sous le titre “Phase-contrast MRI analysis of cerebral blood and CSF flow dynamic interactions”.
Méthodologie et résultats
1. Population étudiée et conception expérimentale
L’étude a inclus 38 jeunes volontaires en bonne santé (18 femmes et 20 hommes), âgés de 19 à 35 ans. Aucun des participants ne présentait d’antécédents de maladies neurologiques, psychiatriques ou d’autres affections graves. Les données ont été recueillies à l’aide d’un système IRM 3T, mesurant principalement le flux sanguin cérébral aux niveaux intracrânien et extracrânien, ainsi que le flux du liquide céphalo-rachidien au niveau C2-C3.
2. Acquisition et traitement des données
La technique PC-MRI a été utilisée pour mesurer les variations dynamiques du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien. Au niveau intracrânien, les mesures ont porté sur les artères carotides internes gauche et droite, l’artère basilaire, le sinus droit et le sinus sagittal supérieur. Au niveau extracrânien, les mesures ont inclus les artères carotides internes gauche et droite, les artères vertébrales gauche et droite, ainsi que les veines jugulaires internes gauche et droite. Le flux du liquide céphalo-rachidien a été mesuré au niveau C2-C3.
Les données ont été traitées à l’aide d’un logiciel développé en interne, “Flow”, qui utilise un algorithme de segmentation semi-automatique pour corriger les effets de courant de Foucault et calculer les vitesses dynamiques du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien. En intégrant les courbes de vitesse du flux sanguin et du liquide céphalo-rachidien, l’étude a calculé les variations de volume du flux sanguin cérébral (Cerebral Blood Volume Change, CB_VC) et du liquide céphalo-rachidien (CSF Volume Change, CSF_VC).
3. Résultats principaux
L’étude a révélé que l’amplitude des variations de volume du flux sanguin cérébral était significativement plus élevée au niveau extracrânien qu’au niveau intracrânien (extracrânien : 0,89 ± 0,28 ml/cc ; intracrânien : 0,73 ± 0,19 ml/cc ; p < 0,001). De plus, la relation linéaire entre les variations de volume du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien était plus forte au niveau intracrânien (R² : 0,82 ± 0,16 ; pente : -0,74 ± 0,19), tandis qu’elle était plus faible au niveau extracrânien (R² : 0,47 ± 0,37 ; pente : -0,36 ± 0,33 ; p < 0,001). Cela suggère que les mesures au niveau intracrânien reflètent mieux les interactions entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien.
4. Conclusion et implications
Les résultats de l’étude montrent que le liquide céphalo-rachidien ne parvient pas à équilibrer complètement les variations du flux sanguin cérébral pendant le cycle cardiaque, ce qui diffère des attentes de la doctrine de Monro-Kellie. En outre, les mesures du flux sanguin cérébral au niveau intracrânien présentent une corrélation plus forte avec la dynamique du liquide céphalo-rachidien, indiquant que le niveau intracrânien est plus adapté pour étudier les interactions entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien. Cette découverte offre de nouvelles perspectives pour les futures recherches sur les variations de la pression intracrânienne et les mécanismes des maladies neurologiques associées.
Points forts de l’étude
- Première mesure du flux sanguin cérébral au niveau intracrânien : Cette étude est la première à mesurer le flux sanguin cérébral sous le cercle de Willis, validant la relation dynamique entre le liquide céphalo-rachidien et le flux sanguin cérébral.
- Comparaison entre les niveaux intracrânien et extracrânien : L’étude a comparé les résultats des mesures intracrâniennes et extracrâniennes, révélant l’impact des variations anatomiques et hémodynamiques des veines extracrâniennes sur les résultats.
- Utilisation d’un logiciel développé en interne : L’étude a utilisé le logiciel “Flow” pour le traitement des données, améliorant la précision des mesures du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien.
Autres informations pertinentes
L’étude a également révélé que l’hémodynamique des veines extracrâniennes présente des variations individuelles significatives, probablement liées aux variations anatomiques des veines jugulaires internes. En outre, l’étude souligne que les recherches futures devraient prendre en compte l’impact de la durée du cycle cardiaque sur la dynamique du flux sanguin cérébral et du liquide céphalo-rachidien.
Conclusion
Cette étude, utilisant la technique PC-MRI, est la première à mesurer le flux sanguin cérébral au niveau intracrânien, révélant la relation dynamique entre le liquide céphalo-rachidien et le flux sanguin cérébral. Les résultats montrent que le niveau intracrânien est plus adapté pour étudier les interactions entre le flux sanguin cérébral et le liquide céphalo-rachidien, offrant ainsi de nouvelles pistes pour les recherches futures sur les variations de la pression intracrânienne et les mécanismes des maladies neurologiques associées.