L'effet cognitif de la perception kinesthésique induite passivement associée à l'augmentation virtuelle du corps module le réflexe spinal

Effet de l’illusion kinesthésique induite par la vision sur la modulation des réflexes spinaux : une étude en neurosciences

Contexte académique

Dans le domaine des neurosciences et de la médecine de réadaptation, l’illusion kinesthésique (kinesthetic illusion) est un phénomène de perception de mouvement virtuel induit par une stimulation visuelle. Ce phénomène a été cliniquement prouvé pour supprimer efficacement la spasticité, en particulier dans le traitement de réadaptation des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Cependant, bien que les effets cliniques de l’illusion kinesthésique aient été initialement validés, les mécanismes neuronaux sous-jacents restent mal compris. En particulier, la question de savoir si l’illusion kinesthésique peut influencer les circuits neuronaux au niveau de la moelle épinière via l’activation des réseaux neuronaux centraux demeure une énigme.

Cette étude vise à explorer si l’illusion kinesthésique induite par la stimulation visuelle (KinVIS) peut influencer les circuits réflexes spinaux via l’activation des réseaux neuronaux centraux, en particulier en modulant l’inhibition réciproque (reciprocal inhibition) et l’inhibition présynaptique (presynaptic inhibition) au niveau de la moelle épinière pour supprimer la spasticité. Cette recherche contribue non seulement à élucider les mécanismes neuronaux de l’illusion kinesthésique, mais pourrait également fournir de nouvelles bases théoriques pour la réadaptation des patients victimes d’un AVC.

Source de l’article

Cet article a été co-écrit par Kohsuke Okada, Megumi Okawada, Masaki Yoneta, Wataru Kuwahara, Kei Unai, Michiyuki Kawakami, Tetsuya Tsuji et Fuminari Kaneko. Ces auteurs sont affiliés à plusieurs institutions de recherche, notamment le Département de médecine de réadaptation de la faculté de médecine de l’Université Keio et le Département de physiothérapie de l’École supérieure des sciences de la santé humaine de l’Université métropolitaine de Tokyo. L’article a été publié pour la première fois le 12 novembre 2024 dans le Journal of Neurophysiology, avec le DOI 10.1152/jn.00042.2024.

Déroulement de l’étude

1. Sujets de l’étude et conception expérimentale

L’étude a recruté 17 participants en bonne santé (13 hommes, 4 femmes, âge moyen de 27,9 ans), tous sans antécédents de troubles neurologiques ou musculaires. L’expérience a induit une illusion kinesthésique par stimulation visuelle et enregistré les changements du réflexe de Hoffmann (H-reflex) du muscle soléaire (soleus). Deux conditions de contrôle ont été établies : une condition de stimulation visuelle sans illusion kinesthésique et une condition de repos avec une image statique du pied.

2. Appareillage expérimental et stimulation visuelle

L’expérience a utilisé un système pour diffuser une vidéo préenregistrée de mouvement du pied et appliquer une stimulation électrique aux nerfs périphériques. La vidéo montrait un mouvement de dorsiflexion et de flexion plantaire de la cheville, d’une durée de 3 secondes. La vidéo était diffusée sur un écran LCD, positionné de manière à coïncider avec la position réelle du pied du participant pour induire l’illusion kinesthésique.

3. Enregistrement électrophysiologique et stimulation

Lors de l’expérience, le réflexe H a été induit par une stimulation électrique du nerf tibial (tibial nerve), et l’électromyographie de surface (sEMG) du muscle soléaire a été enregistrée. Pour évaluer l’inhibition réciproque et l’inhibition présynaptique, une stimulation conditionnelle du nerf fibulaire commun (common peroneal nerve, CPN) a également été utilisée. L’expérience a été contrôlée par le logiciel LabVIEW pour la diffusion de la vidéo et le déclenchement de la stimulation nerveuse.

4. Analyse des données

L’amplitude du réflexe H a été calculée par la méthode de mesure pic à pic et normalisée par l’amplitude maximale du réflexe H (H-max). Les données expérimentales ont été comparées par une analyse de variance à mesures répétées (ANOVA), suivie d’une analyse post hoc avec le test de Bonferroni.

Résultats principaux

1. Réflexe H non conditionné

Dans la mesure du réflexe H non conditionné, aucune différence significative n’a été observée entre les conditions de stimulation visuelle (illusion kinesthésique, absence d’illusion kinesthésique et condition de repos) (p = 0,402). Cela indique que l’illusion kinesthésique elle-même n’a pas directement modifié le réflexe monosynaptique du muscle soléaire.

2. Inhibition réciproque (inhibition IA)

Dans la mesure de l’inhibition réciproque, l’amplitude du réflexe H sous condition d’illusion kinesthésique était significativement plus faible que dans les conditions sans illusion kinesthésique et de repos (p = 0,002). Cela suggère que l’illusion kinesthésique renforce l’inhibition réciproque, supprimant ainsi le réflexe monosynaptique du muscle soléaire.

3. Inhibition présynaptique (inhibition D1)

Dans la mesure de l’inhibition présynaptique, l’amplitude du réflexe H sous condition d’illusion kinesthésique était également significativement plus faible que dans les conditions sans illusion kinesthésique et de repos (p = 0,001). Cela indique que l’illusion kinesthésique renforce l’inhibition présynaptique, supprimant davantage le réflexe monosynaptique du muscle soléaire.

Conclusion et implications

Cette étude montre que l’illusion kinesthésique induite par la vision peut supprimer le réflexe monosynaptique du muscle soléaire en renforçant l’inhibition réciproque et l’inhibition présynaptique au niveau de la moelle épinière. Cette découverte révèle les mécanismes neuronaux de l’illusion kinesthésique au niveau spinal et fournit un soutien théorique pour son application clinique en réadaptation. En particulier, l’illusion kinesthésique pourrait moduler les circuits d’inhibition spinaux pour supprimer la spasticité, offrant ainsi une nouvelle approche pour la réadaptation des patients victimes d’un AVC.

Points forts de l’étude

  1. Élucidation des mécanismes neuronaux : Cette étude est la première à révéler que l’illusion kinesthésique induite par la vision module le réflexe monosynaptique via les circuits d’inhibition spinaux.
  2. Potentiel d’application clinique : Les résultats fournissent une base théorique pour l’utilisation de l’illusion kinesthésique dans le traitement de la spasticité chez les patients victimes d’un AVC, avec des implications cliniques significatives.
  3. Conception expérimentale innovante : L’étude a conçu un système expérimental novateur combinant stimulation visuelle et enregistrement électrophysiologique, offrant une référence pour les recherches futures.

Autres informations pertinentes

Le système de stimulation visuelle et les méthodes d’enregistrement électrophysiologique utilisés dans cette étude ont été développés de manière autonome, démontrant une forte innovation. De plus, l’étude a validé l’effet de l’illusion kinesthésique sur les circuits d’inhibition spinaux grâce à une analyse statistique détaillée, fournissant des données importantes pour les futures recherches en neurosciences.

Cette étude approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes neuronaux de l’illusion kinesthésique, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour les traitements de réadaptation clinique.