Une seule exposition à une vibration prolongée du muscle fléchisseur radial du carpe augmente l'activité des zones corticales sensorimotrices

Effets des vibrations locales sur l’activité du cortex sensorimoteur

Contexte

La vibration locale (Local Vibration, LV) est une technique qui consiste à stimuler un muscle ou un tendon par des vibrations à haute fréquence (≥100 Hz) et de faible amplitude ( mm). Des études ont montré que la LV peut favoriser la plasticité cérébrale en activant de manière répétée les fibres afférentes de type Ia (Ia afferents), mais les mécanismes précis restent mal compris. La LV est largement utilisée en médecine de rééducation et en entraînement sportif, montrant des effets significatifs notamment dans la récupération motrice et la réduction de la spasticité chez les patients victimes d’AVC. Cependant, les effets aigus de la LV sur l’activité corticale et ses mécanismes neurophysiologiques sous-jacents nécessitent des recherches supplémentaires.

L’objectif de cette étude était d’explorer les effets aigus de 30 minutes de vibration locale sur l’activité du cortex sensorimoteur (incluant le cortex moteur primaire M1, le cortex somatosensoriel primaire S1 et le cortex pariétal postérieur PPC) du muscle fléchisseur radial du carpe (Flexor Carpi Radialis, FCR). En utilisant l’électroencéphalographie (EEG), l’équipe de recherche a cherché à comprendre comment la LV influence l’activité corticale via les voies afférentes sensorielles et à explorer les mécanismes potentiels de plasticité neuronale.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Clara Pfenninger, Marie Fabre, Narimane Zeghoudi, Ahmed Adham, Charles-Etienne Benoit et Thomas Lapole. L’équipe de recherche est issue du Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité de l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, ainsi que des Universités de Lyon et de Savoie Mont Blanc. L’article a été publié en 2025 dans le Journal of Neurophysiology.

Déroulement de l’étude et conception expérimentale

Participants et conception expérimentale

L’étude a recruté 16 participants en bonne santé (10 hommes et 6 femmes), âgés de 27 ± 6 ans. Aucun participant ne présentait de maladie neurologique ou de lésion musculosquelettique. L’expérience a été divisée en trois phases : mesures de base (Con-1), mesures de contrôle après 10 minutes de repos (Con-2) et mesures après 30 minutes de vibration locale (Post-Vib).

Procédure expérimentale

  1. Mesures de base : Les participants ont d’abord effectué un échauffement consistant en 10 contractions isométriques sous-maximales, suivies de 3 contractions volontaires maximales (Maximal Voluntary Contractions, MVCs) pour déterminer la force cible (10 % MVC) utilisée dans les étapes suivantes.
  2. Intervention par vibration locale : Un dispositif de LV a été appliqué sur le muscle fléchisseur radial du carpe droit à une fréquence de 100 Hz et une amplitude de 1 mm. La vibration a été appliquée pendant 10 minutes, répétée 3 fois avec 1 minute de repos entre chaque session.
  3. Enregistrement EEG : Avant, pendant et après la vibration, les participants ont effectué 30 contractions isométriques du poignet, tandis que les signaux EEG étaient enregistrés à l’aide d’un casque à 64 électrodes, avec une fréquence d’échantillonnage de 2048 Hz.

Analyse des données

Les signaux EEG ont été prétraités (filtrage, suppression du bruit et segmentation) puis analysés à l’aide du logiciel Brainstorm pour la localisation des sources et l’analyse temps-fréquence. L’étude s’est concentrée sur la désynchronisation (Event-Related Desynchronization, ERD) et la synchronisation (Event-Related Synchronization, ERS) dans les bandes de fréquence α (8-12 Hz) et β (15-35 Hz). La localisation des sources a été utilisée pour réduire les effets de la conduction volumique (volume conduction) et améliorer la résolution spatiale.

Résultats principaux

1. Phase de préparation à la contraction

Pendant la phase de préparation à la contraction, une augmentation significative de la désynchronisation dans la bande α a été observée dans les régions M1, S1 et PPC après la vibration (Post-Vib) (p < 0,05), indiquant une activité corticale accrue dans ces zones. La désynchronisation dans la bande β a également augmenté de manière significative dans les régions M1 et S1 (p < 0,05), mais pas dans la région PPC (p = 0,07).

2. Phase d’initiation de la contraction

Pendant la phase d’initiation de la contraction, une augmentation significative de la désynchronisation dans la bande α a été observée dans les régions M1, S1 et PPC (p < 0,05). La désynchronisation dans la bande β a augmenté de manière significative dans les régions M1 et S1 (p < 0,05), mais pas dans la région PPC (p = 0,07).

3. Phase de plateau de force

Pendant la phase de plateau de force, une augmentation significative de la désynchronisation dans la bande α a été observée dans les régions M1, S1 et PPC (p < 0,05), tandis que la désynchronisation dans la bande β n’a pas changé de manière significative (p > 0,05). Cela suggère que l’augmentation de l’activité corticale après la vibration se manifeste principalement dans la bande α.

4. Phase de relaxation

Pendant la phase de relaxation, aucune modification significative de la désynchronisation dans les bandes α et β n’a été observée (p > 0,05), indiquant que la vibration a peu d’effet sur l’activité corticale pendant cette phase.

Conclusion et implications

Cette étude montre que 30 minutes de vibration locale peuvent augmenter de manière significative l’activité du cortex sensorimoteur (M1, S1) et du cortex pariétal postérieur (PPC), en particulier pendant les phases de préparation et d’initiation de la contraction. Cette augmentation de l’activité corticale pourrait être due à la projection des décharges des fibres afférentes de type Ia induites par la LV vers les zones corticales via les voies sensorielles, déclenchant ainsi des changements de plasticité cérébrale. Les résultats fournissent une base neurophysiologique pour l’utilisation de la LV en médecine de rééducation et ouvrent la voie à des recherches futures sur les effets à long terme des interventions répétées par LV.

Points forts de l’étude

  1. Première analyse des signaux EEG au niveau des sources : Grâce à la localisation des sources, l’équipe de recherche a pu inférer plus précisément l’activité des régions M1, S1 et PPC, réduisant les effets de la conduction volumique.
  2. Révélation des effets aigus de la LV sur le cortex sensorimoteur : L’étude a systématiquement démontré comment la LV influence l’activité corticale via les voies sensorielles afférentes.
  3. Support théorique pour les applications cliniques de la LV : Les résultats fournissent de nouvelles preuves neurophysiologiques pour l’utilisation de la LV dans la rééducation post-AVC et l’entraînement sportif.

Autres informations utiles

L’équipe de recherche souligne que des études futures devraient explorer les effets à long terme des interventions répétées par LV sur la plasticité cérébrale et envisager leur application dans différentes populations de patients. De plus, les données de l’étude sont publiquement accessibles pour permettre à d’autres chercheurs de les analyser et de les valider.