Nouvelles perspectives sur la dynamique des flux gravitaires lors des événements de vidange des canyons sous-marins
Nouvelles perspectives sur la dynamique des écoulements gravitaires lors des événements de vidange des canyons sous-marins
Contexte académique
Les canyons sous-marins sont des passages essentiels reliant la terre aux profondeurs océaniques, et leur formation et évolution constituent un domaine de recherche majeur en géologie marine. Cependant, en raison de la nature destructrice et de la rareté des événements de vidange des canyons sous-marins, les données d’observation associées sont extrêmement limitées. Ces événements, souvent déclenchés par des catastrophes naturelles telles que des tremblements de terre ou des glissements de terrain, peuvent transporter d’énormes quantités de sédiments des zones côtières vers les profondeurs océaniques, ayant un impact significatif sur la morphologie des fonds marins et les écosystèmes. Bien que des modèles théoriques et des expériences en laboratoire aient tenté d’expliquer ces processus, le manque de données d’observation à haute résolution sur le terrain a limité la compréhension des mécanismes dynamiques des écoulements gravitaires, tels que les coulées de débris et les courants de turbidité.
Cet article vise à révéler les caractéristiques dynamiques des écoulements gravitaires lors de l’événement de vidange du canyon de Kaikōura, déclenché par le tremblement de terre de 2016 en Nouvelle-Zélande, grâce à des données bathymétriques multifaisceaux à haute résolution, des sonars latéraux et des images vidéo sous-marines. L’étude se concentre sur le processus de transformation des coulées de débris en courants de turbidité, ainsi que sur les variations dynamiques des courants de turbidité dans le canyon, offrant de nouvelles perspectives sur la formation et l’évolution des canyons sous-marins.
Source de l’article
Cet article est le fruit d’une collaboration entre Marta Ribó (Université de technologie d’Auckland), Joshua J. Mountjoy (Institut national de recherche sur l’eau et l’atmosphère de Nouvelle-Zélande), Neil Mitchell (Université de Manchester) et plusieurs autres chercheurs. Il a été publié dans la revue Geology (en ligne le 21 octobre 2024). Les données de l’étude proviennent de la campagne TAN2011 menée en octobre 2020 dans le canyon de Kaikōura, en Nouvelle-Zélande, utilisant un véhicule sous-marin autonome (AUV) et un système d’imagerie remorqué en profondeur (DTIS) pour acquérir des données topographiques et sédimentaires à haute résolution.
Méthodologie et résultats
1. Acquisition et traitement des données
L’équipe de recherche a utilisé l’AUV Hugin 3000 équipé du système bathymétrique multifaisceaux Kongsberg EM2040 et du sonar latéral Edgetech 2205 pour acquérir des données topographiques à haute résolution ( mètre) du canyon de Kaikōura. Parallèlement, le système d’imagerie remorqué en profondeur (DTIS) a fourni des images et des vidéos haute définition du substrat marin. Ces données ont été utilisées pour générer un modèle numérique d’élévation (MNE) du fond marin et analyser les caractéristiques d’érosion et de dépôt dans le canyon.
2. Analyse des caractéristiques d’érosion et de dépôt
Dans la partie supérieure du canyon (à des profondeurs d’environ 1245 à 1400 mètres), l’équipe a identifié des caractéristiques d’érosion marquées, notamment des rainures linéaires (longueur de 30 à 130 mètres, largeur moyenne de 3 mètres, relief >10 mètres) et des dépressions d’érosion. Ces caractéristiques indiquent que la coulée de débris déclenchée par le tremblement de terre de 2016 a fortement érodé le substrat rocheux dans la partie supérieure du canyon, transportant une grande quantité de sédiments grossiers (comme des blocs de plus de 5 mètres de diamètre).
Dans la partie médiane du canyon (à une profondeur d’environ 1450 mètres), la largeur du canyon double soudainement, et les caractéristiques de dépôt deviennent dominantes. L’équipe a observé la coexistence de grandes vagues de gravier (longueur d’onde de 75 à 100 mètres, hauteur de vague d’environ 6 mètres) et de marches cycliques (longueur d’onde d’environ 210 mètres, hauteur de vague d’environ 12 mètres). Ces caractéristiques de dépôt suggèrent que la coulée de débris se transforme en courant de turbidité à cet endroit, commençant à déposer des matériaux grossiers.
Dans la partie inférieure du canyon (à des profondeurs supérieures à 1700 mètres), la longueur d’onde et la hauteur des vagues de gravier augmentent encore (longueur d’onde d’environ 250 mètres, hauteur de vague d’environ 20 mètres), et les sédiments contiennent de nombreux blocs rocheux (jusqu’à 5 mètres de diamètre). De plus, l’équipe a observé de petites dunes (longueur d’onde de 15 à 30 mètres, hauteur de vague de 1,5 à 5 mètres) superposées aux grandes vagues de gravier, indiquant une stratification interne du courant de turbidité.
3. Analyse de la dynamique des écoulements gravitaires
L’équipe de recherche propose que l’écoulement gravitaire lors de l’événement de vidange du canyon de Kaikōura en 2016 a subi une transformation d’une coulée de débris en courant de turbidité. Dans la partie supérieure du canyon, la coulée de débris à haute densité a fortement érodé le substrat rocheux ; dans la partie médiane du canyon, en raison de l’élargissement du canyon et de l’effet de saut hydraulique (hydraulic jump), la coulée de débris s’est progressivement diluée et transformée en courant de turbidité ; dans la partie inférieure du canyon, les variations dynamiques du courant de turbidité (telles que la vitesse et la concentration des sédiments) ont influencé les caractéristiques de dépôt.
Conclusions et implications
Cette étude, grâce à des données d’observation à haute résolution, décrit pour la première fois en détail les processus dynamiques des écoulements gravitaires lors d’un événement de vidange de canyon sous-marin. Les résultats montrent que : 1. La coulée de débris a fortement érodé le substrat rocheux dans la partie supérieure du canyon et transporté une grande quantité de sédiments grossiers. 2. Dans la partie médiane du canyon, la coulée de débris s’est transformée en courant de turbidité, commençant à déposer des matériaux grossiers. 3. Les variations dynamiques du courant de turbidité dans le canyon (telles que la vitesse et la concentration des sédiments) ont eu un impact significatif sur les caractéristiques de dépôt.
Ces découvertes approfondissent la compréhension des mécanismes de formation des canyons sous-marins et fournissent une base scientifique pour prédire les impacts d’événements similaires. De plus, les méthodes d’acquisition et d’analyse de données à haute résolution utilisées dans cette étude offrent une référence importante pour les recherches futures.
Points forts de l’étude
- Données à haute résolution : L’étude a utilisé des données à haute résolution acquises par AUV et DTIS, révélant pour la première fois en détail les caractéristiques d’érosion et de dépôt lors d’un événement de vidange de canyon sous-marin.
- Mécanisme de transformation des écoulements gravitaires : L’étude a validé pour la première fois, grâce à des données d’observation sur le terrain, les modèles théoriques de transformation des coulées de débris en courants de turbidité.
- Analyse des variations dynamiques : L’étude a analysé en détail les variations dynamiques du courant de turbidité dans le canyon, révélant l’influence de la vitesse et de la concentration des sédiments sur les caractéristiques de dépôt.
Autres informations utiles
L’équipe de recherche souligne également la nécessité d’étudier davantage les mécanismes dynamiques des événements de vidange des canyons sous-marins dans différents contextes géologiques afin d’améliorer les modèles théoriques existants. De plus, les méthodes d’acquisition et d’analyse de données à haute résolution utilisées dans cette étude peuvent être appliquées à d’autres recherches sur la morphologie des fonds marins, offrant de nouveaux outils et méthodes pour le développement de la géologie marine.