CM313 en monothérapie chez les patients atteints de myélome multiple récidivant/réfractaire ou de lymphome de la zone marginale : un essai multicentrique de phase 1 d'escalade de dose et d'expansion de dose

Essai multicentrique de phase 1 d’escalade de dose et d’extension de dose du CM313 en monothérapie chez les patients atteints de myélome multiple récidivant/réfractaire ou de lymphome de la zone marginale

Contexte académique

Le myélome multiple (Multiple Myeloma, MM) est une tumeur maligne courante du système hématopoïétique, représentant environ un dixième de toutes les tumeurs malignes hématologiques. Bien que l’utilisation de médicaments immunomodulateurs (IMiDs) et d’inhibiteurs du protéasome (PIs) ait significativement prolongé la survie des patients, les rechutes sont presque inévitables. Pour les patients résistants aux IMiDs et aux PIs, le pronostic est sombre, ce qui souligne le besoin urgent de développer de nouveaux agents thérapeutiques ciblés. Le CD38 est une glycoprotéine transmembranaire de type II fortement exprimée dans les tumeurs malignes hématologiques, mais faiblement exprimée dans les tissus normaux, ce qui en fait une cible thérapeutique prometteuse pour le myélome multiple récidivant/réfractaire (RRMM). Actuellement, deux anticorps monoclonaux anti-CD38, le daratumumab et l’isatuximab, ont été approuvés pour le traitement du RRMM.

Le CM313 est un nouvel anticorps monoclonal humanisé doté d’une séquence unique de région déterminante de complémentarité, lui permettant de se lier avec une haute affinité aux cellules positives pour le CD38. Les études précliniques ont montré que le CM313 possède une activité cytotoxique et antitumorale in vitro comparable à celle du daratumumab, sans toxicité hors cible notable. De plus, le CM313 a démontré une efficacité et une sécurité encourageantes chez les patients atteints de thrombopénie immunitaire. Cet article présente les résultats du premier essai clinique de phase 1 évaluant le CM313 en monothérapie chez des patients atteints de RRMM et de lymphome de la zone marginale (MZL).

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Huixing Zhou, Zhongxia Huang, Baijun Fang et d’autres experts en hématologie issus de plusieurs hôpitaux chinois, notamment l’hôpital Chao-Yang de Pékin, l’hôpital du cancer du Henan et le troisième hôpital de l’université de Pékin. L’article a été publié en 2025 dans la revue American Journal of Hematology, avec le DOI 10.1002/ajh.27573.

Déroulement de l’étude

1. Conception de l’étude et recrutement des patients

Il s’agissait d’un essai clinique multicentrique de phase 1, ouvert et divisé en une phase d’escalade de dose et une phase d’extension de dose (NCT04818372). L’étude a inclus 41 patients atteints de RRMM et 3 patients atteints de MZL. Les critères d’inclusion pour les patients RRMM comprenaient un diagnostic de MM selon les directives du groupe de travail international sur le myélome, une maladie mesurable, un score de performance ECOG ≤ 2, et un traitement antérieur par IMiDs et PIs. Les critères d’exclusion comprenaient le MM réfractaire primaire, l’amylose, la leucémie à plasmocytes, et le syndrome POEMS.

2. Escalade et extension de dose

Dans la phase d’escalade de dose, les patients ont reçu neuf doses croissantes de CM313 par injection intraveineuse (0,006, 0,06, 0,3, 1,0, 2,0, 4,0, 8,0, 16 et 24 mg/kg), avec une observation des toxicités limitantes de dose (DLT) toutes les 21 jours, suivie de sept injections hebdomadaires (QW), puis de huit injections bihebdomadaires (Q2W), et enfin d’injections mensuelles (Q4W) jusqu’à progression de la maladie ou toxicité inacceptable. Dans la phase d’extension de dose, le CM313 a été administré à des doses de 4,0 et 16 mg/kg en injections hebdomadaires pendant huit semaines, puis bihebdomadaires pendant huit semaines, et enfin mensuelles jusqu’à progression de la maladie ou toxicité inacceptable.

3. Critères d’évaluation principaux et secondaires

Les critères d’évaluation principaux incluaient la sécurité et la tolérance dans la phase d’escalade de dose, ainsi que le taux de réponse globale (ORR) dans la phase d’extension de dose. Les critères secondaires incluaient le taux de bénéfice clinique (CBR), le temps jusqu’à la réponse (TTR), la durée de la réponse (DOR), la survie sans progression (PFS), la survie globale (OS), la pharmacocinétique, la pharmacodynamique et l’immunogénicité.

Résultats de l’étude

1. Sécurité

Aucune toxicité limitante de dose n’a été signalée dans la phase d’escalade de dose, et la dose maximale tolérée n’a pas été atteinte. Des réactions liées à l’infusion (IRRs) ont été rapportées chez 59,1 % des patients, principalement de grade 1 ou 2, avec un seul cas de grade 3 dans le groupe de 1,0 mg/kg. Les IRRs survenaient principalement lors de la première infusion, avec une durée médiane de 1,5 heure. Les événements indésirables liés au traitement (TEAEs) les plus fréquents étaient une diminution des globules blancs (47,7 %) et des lymphocytes (43,2 %). Vingt-cinq patients ont rapporté des TEAEs de grade ≥ 3, et 19 patients ont rapporté des TEAEs liés au médicament de grade ≥ 3. Dix patients ont rapporté des événements indésirables graves (SAEs), dont six liés au médicament. Aucun TEAE n’a entraîné d’arrêt permanent du traitement.

2. Efficacité

Après un suivi médian de 19,4 mois, l’ORR chez les patients RRMM était de 36,6 % (1541), et de 44,4 % (818) dans le groupe de 16 mg/kg. Le CBR était de 46,3 % (1941) chez tous les patients RRMM et de 50,0 % (918) dans le groupe de 16 mg/kg. Le TTR médian était de 0,9 mois, et la DOR médiane de 16,4 mois. La PFS médiane était de 4,3 mois chez tous les patients RRMM et de 4,6 mois dans le groupe de 16 mg/kg. La OS médiane n’a pas été atteinte, avec des taux de survie à 12 et 24 mois de 80,5 % et 60,5 %, respectivement.

3. Pharmacocinétique et pharmacodynamique

L’exposition au CM313 augmentait de manière plus que proportionnelle avec la dose, et son élimination était non linéaire et dépendante du temps. L’occupation des récepteurs (cellules T CD3+, monocytes CD14+ et cellules B CD19+) atteignait 60 %-100 % deux heures après une dose unique et restait élevée pendant le traitement. Les comptes de cellules NK (totales et CD38+) dans le sang périphérique diminuaient de 80 %-100 % par rapport aux valeurs initiales dans tous les groupes de dose.

Conclusion et signification

Le CM313 en monothérapie a démontré une tolérance favorable et une efficacité clinique significative chez les patients atteints de RRMM. Les IRRs et autres TEAEs étaient globalement gérables, et les patients RRMM ont obtenu des réponses rapides, profondes et durables. Les caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du CM313 soutiennent son développement ultérieur dans le traitement du RRMM. Actuellement, une étude multicentrique de phase I/II est en cours pour évaluer l’efficacité et la sécurité des injections sous-cutanées de CM313 chez les patients RRMM (NCT06126237).

Points forts de l’étude

  1. Innovation : Le CM313 est un nouvel anticorps monoclonal anti-CD38 avec une séquence unique de région déterminante de complémentarité, montrant une activité antitumorale comparable à celle du daratumumab.
  2. Sécurité : Le CM313 a démontré une tolérance favorable chez les patients RRMM, avec des IRRs et autres TEAEs globalement gérables.
  3. Efficacité significative : Les patients RRMM ont obtenu des réponses rapides, profondes et durables, avec des ORR et CBR comparables à ceux des anticorps monoclonaux anti-CD38 existants.
  4. Avantages pharmacocinétiques : L’exposition au CM313 augmentait de manière plus que proportionnelle avec la dose, et l’occupation des récepteurs restait élevée pendant le traitement.

Autres informations utiles

Les données détaillées de cette étude sont disponibles auprès de l’auteur correspondant. Des études supplémentaires fourniront des données plus matures sur la survie globale et exploreront le potentiel du CM313 dans d’autres tumeurs malignes hématologiques.