Activité antimicrobienne des peptides hybrides α/β incorporant tbu-β3,3ac6c contre Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
Étude sur l’activité antimicrobienne de nouveaux peptides hybrides α/β contre Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
Contexte de la recherche
Avec l’utilisation généralisée et abusive des antibiotiques, la multirésistance aux médicaments (Multi-Drug Resistance, MDR) est devenue une menace majeure pour la santé publique mondiale. En particulier, les pathogènes ESKAPE (comprenant Enterococcus faecium, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa et les espèces Enterobacter) développent une résistance croissante aux antibiotiques existants, ce qui entraîne l’échec des traitements antibiotiques traditionnels en clinique. Par conséquent, le développement de nouveaux agents antimicrobiens est devenu une priorité.
Les peptides antimicrobiens (Antimicrobial Peptides, AMPs), en tant que composants essentiels du système immunitaire inné, possèdent une activité antimicrobienne à large spectre et sont moins susceptibles de provoquer une résistance. Cependant, les peptides antimicrobiens naturels sont facilement dégradés par les protéases dans l’organisme, ce qui limite leur application clinique. Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont commencé à explorer l’introduction d’acides aminés non naturels (comme les acides aminés β) dans les chaînes peptidiques afin d’améliorer leur stabilité aux protéases et leur activité antimicrobienne. Cette étude s’inscrit dans ce contexte et vise à évaluer l’activité antimicrobienne de peptides hybrides α/β contenant du tbu-β3,3ac6c contre des bactéries résistantes, notamment Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (Methicillin-Resistant Staphylococcus aureus, MRSA).
Origine de la recherche
Cette étude a été menée par Aminur Rahman Sarkar, Jyoti Kumari, Arti Rathore, Rubina Chowdhary, Rakshit Manhas, Shifa Firdous, Avisek Mahapa et Rajkishor Rai. L’équipe de recherche est issue de l’Institut indien de médecine intégrative (Indian Institute of Integrative Medicine, IIIM) du Conseil indien de la recherche scientifique et industrielle (CSIR), ainsi que de l’Académie de la recherche scientifique et innovante (Academy of Scientific & Innovative Research, AcSIR). Les résultats de l’étude ont été publiés en ligne le 29 octobre 2024 dans la revue The Journal of Antibiotics.
Processus et résultats de la recherche
1. Synthèse et caractérisation des peptides
L’équipe de recherche a synthétisé neuf peptides hybrides α/β contenant du tbu-β3,3ac6c (P1-P9). Ces peptides ont été modifiés à leur extrémité C-terminale par de la phényléthylamine, tandis que leur extrémité N-terminale a été liée à une chaîne alkyle C12 via une liaison amide (P4-P6) ou urée (P7-P9). La synthèse des peptides a été réalisée par synthèse en phase liquide, et leur pureté a été évaluée par chromatographie liquide à haute performance (HPLC), avec une pureté supérieure à 95 % pour tous les peptides. De plus, l’équipe a caractérisé les peptides par spectrométrie de masse à haute résolution (HRMS) et résonance magnétique nucléaire (RMN).
2. Évaluation de l’activité antimicrobienne
En utilisant des tests de concentration minimale inhibitrice (Minimum Inhibitory Concentration, MIC) basés sur la résazurine, l’équipe a évalué l’activité antimicrobienne de P1-P9 contre plusieurs pathogènes. Les résultats ont montré que P4, P6 et P7 présentaient une activité antimicrobienne significative contre Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus et MRSA, avec des valeurs de MIC comprises entre 6,25 et 12,5 μM. Des études supplémentaires ont révélé que P4, P6 et P7 étaient également efficaces contre des souches cliniques de Staphylococcus aureus multirésistantes (MDR), avec des valeurs de MIC comprises entre 6,25 et 50 μM.
3. Concentration minimale bactéricide (MBC) et cinétique de temps-mort
L’équipe a également évalué l’effet bactéricide de P4, P6 et P7 contre MRSA. Les tests MBC ont montré que les valeurs de MBC pour P4 et P6 étaient de 12,5 μM, tandis que celle de P7 était de 25 μM. Les expériences de cinétique de temps-mort ont révélé que P4 réduisait la croissance de MRSA de 99,99 % en 3 heures, tandis que P7 éliminait complètement MRSA en 1 heure. Ces résultats indiquent que P4, P6 et P7 possèdent une capacité de destruction rapide des bactéries, surpassant même l’antibiotique standard, la vancomycine.
4. Inhibition et perturbation des biofilms
P4, P6 et P7 ont également démontré une capacité significative à inhiber la formation de biofilms. À une concentration de 4×MIC, P6 et P7 ont inhibé respectivement 70 % et 77 % de la formation de biofilms de MRSA. Cependant, ces peptides étaient moins efficaces pour perturber les biofilms déjà formés, suggérant que leur action principale est de prévenir la formation de biofilms.
5. Tests d’activité hémolytique
Pour évaluer la sécurité de P4, P6 et P7, l’équipe a réalisé des tests d’hémolyse. Les résultats ont montré qu’à la concentration MIC, P4, P6 et P7 provoquaient environ 19 % d’hémolyse, tandis qu’à une concentration de 50 μM, P6 présentait le taux d’hémolyse le plus élevé, atteignant 36 %. Bien que ces peptides montrent une certaine activité hémolytique à des concentrations élevées, leur équilibre entre activité antimicrobienne et activité hémolytique reste prometteur pour des applications potentielles.
6. Analyse par microscopie électronique à balayage (MEB)
Grâce à l’observation par MEB, l’équipe a constaté que les cellules de MRSA traitées par P4 et P6 présentaient une surface rugueuse et des signes de lyse, indiquant que ces peptides agissent en perturbant la membrane bactérienne. En revanche, P7 avait un effet plus faible sur la membrane à la concentration MIC, mais montrait un effet bactéricide similaire à 2×MIC.
7. Synergie avec la vancomycine
En utilisant la méthode du damier (checkerboard assay), l’équipe a évalué la synergie entre P4, P6, P7 et la vancomycine. Les résultats ont montré que P4, P6 et P7 présentaient une synergie avec la vancomycine dans plusieurs combinaisons, sans effet antagoniste observé. Cela suggère que ces peptides pourraient être utilisés en combinaison avec la vancomycine pour renforcer l’effet antimicrobien contre MRSA.
Conclusion et signification de la recherche
Cette étude a permis de synthétiser avec succès neuf peptides hybrides α/β contenant du tbu-β3,3ac6c et d’évaluer leur activité antimicrobienne contre des bactéries résistantes, notamment MRSA. Parmi eux, P4, P6 et P7 ont montré une efficacité antimicrobienne significative, capable de tuer rapidement MRSA et d’inhiber la formation de biofilms. De plus, leur synergie avec la vancomycine ouvre des perspectives pour une utilisation en thérapie combinée en clinique.
Le point fort de cette recherche réside dans l’introduction du tbu-β3,3ac6c et de la chaîne alkyle C12, qui améliorent considérablement l’activité antimicrobienne et la stabilité aux protéases des peptides. Par ailleurs, l’équipe a révélé le mécanisme d’action de ces peptides grâce à la MEB, montrant qu’ils agissent en perturbant la membrane bactérienne. Ces découvertes fournissent une base théorique et expérimentale importante pour le développement de nouveaux agents antimicrobiens.
Valeur de la recherche
La valeur scientifique de cette étude réside dans la démonstration du potentiel des peptides hybrides α/β à lutter contre les bactéries multirésistantes, en particulier leur capacité à tuer rapidement MRSA et à inhiber la formation de biofilms. De plus, les méthodes de synthèse et les modèles expérimentaux développés par l’équipe offrent des références précieuses pour les recherches futures. D’un point de vue applicatif, P4, P6 et P7, en tant que candidats potentiels pour de nouveaux agents antimicrobiens, pourraient jouer un rôle important dans les traitements cliniques futurs, notamment pour lutter contre les infections causées par des bactéries multirésistantes.
Cette étude propose de nouvelles approches et méthodes pour résoudre le problème mondial de la résistance aux antibiotiques, avec une signification scientifique et des perspectives applicatives importantes.