Nouveaux designs de feuillets de valve cardiaque avec des matériaux polymères rigides et une cinématique biomimétique

Conception de nouvelles valves cardiaques : étude basée sur des matériaux polymères à haute rigidité et une cinématique biomimétique

Contexte académique

Les maladies des valves cardiaques constituent un problème de santé majeur à l’échelle mondiale, avec plus de 850 000 patients nécessitant une intervention de remplacement valvulaire chaque année. Actuellement, les valves cardiaques utilisées en clinique se divisent en deux catégories principales : les valves mécaniques et les valves biologiques. Les valves mécaniques, fabriquées en carbone ou en titane, offrent une durabilité accrue, mais leurs performances hémodynamiques sont médiocres, ce qui peut entraîner des phénomènes de cavitation. De plus, les patients doivent suivre un traitement anticoagulant à vie. Les valves biologiques, quant à elles, sont fabriquées à partir de tissus péricardiques de bovins ou de porcs. Bien qu’elles ne nécessitent pas d’anticoagulation à long terme, leur durabilité est limitée, avec un risque de dégénérescence et de défaillance structurelle après une utilisation prolongée. Ainsi, le développement de nouvelles valves cardiaques combinant une durabilité accrue et de bonnes performances hémodynamiques est devenu une priorité de recherche.

Ces dernières années, les valves cardiaques entièrement polymères (PHV) ont suscité un intérêt croissant en raison de la flexibilité de leur conception et de la simplicité de leur fabrication. Cependant, les valves polymères actuelles présentent encore des lacunes en termes de stabilité biologique et de durabilité. Cette étude vise à explorer une nouvelle conception de feuillets valvulaires utilisant des matériaux polymères à haute rigidité, tels que le polyéther éther cétone (PEEK), pour améliorer les performances hémodynamiques et la durabilité des valves.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Caroline C. Smid, Georgios A. Pappas, Nikola Cesarovic, Volkmar Falk et Paolo Ermanni, affiliés respectivement à l’ETH Zürich (Institut fédéral suisse de technologie de Zurich) et au Deutsches Herzzentrum der Charité (Hôpital universitaire de la Charité à Berlin, Allemagne). L’article a été publié en ligne le 26 novembre 2024 dans la revue Bio-design and Manufacturing, avec le DOI 10.1007/s42242-024-00309-y.

Méthodologie et résultats

1. Conception et conceptualisation des feuillets

L’étude a d’abord évalué les conceptions existantes de feuillets à courbure unique, puis a proposé un nouveau concept de feuillets à double courbure. La conception à double courbure réduit la rigidité de flexion effective en augmentant le rayon de courbure des feuillets, améliorant ainsi les performances d’ouverture de la valve. L’équipe de recherche a conçu cinq variantes de feuillets à double courbure (V1-V5) et les a évaluées par analyse par éléments finis (FEA) et expériences in vitro.

2. Sélection des matériaux

Deux matériaux ont été comparés : un polyuréthane (PU) traditionnellement utilisé pour sa souplesse, et le PEEK, un matériau à haute rigidité. Le module d’Young du PEEK est d’environ 2400 MPa, bien supérieur à celui des tissus valvulaires naturels (4-15 MPa). L’équipe a fabriqué des feuillets en PEEK par thermoformage sous vide et a optimisé leur épaisseur.

3. Analyse par éléments finis

L’étude a utilisé le logiciel Abaqus pour réaliser une analyse quasi-statique implicite des six conceptions de valves. Les feuillets ont été maillés à l’aide d’éléments de coque (S4R), simulant le comportement d’ouverture et de fermeture des valves dans des conditions hémodynamiques physiologiques. Le rapport entre l’énergie de déformation en flexion et en membrane a également été calculé pour évaluer l’impact des différents matériaux sur les performances de la valve.

4. Expériences in vitro

L’équipe a développé un duplicateur de pouls (PD) sur mesure pour simuler les conditions hémodynamiques physiologiques in vitro. À l’aide d’une caméra haute résolution et de capteurs de pression, l’équipe a enregistré en temps réel la pression d’ouverture (OP), la surface effective d’orifice (OA) et le gradient de pression transvalvulaire (ΔP). Les résultats expérimentaux ont montré que les conceptions à double courbure améliorent significativement les performances d’ouverture des valves, en particulier pour les matériaux à haute rigidité comme le PEEK.

5. Résultats et discussion

Les résultats montrent que les conceptions à double courbure offrent un avantage significatif en termes de pression d’ouverture. La variante la plus performante (V2) a réduit la pression d’ouverture de 47 % (basé sur l’analyse numérique) et de 44 % (basé sur les données expérimentales) par rapport aux conceptions à courbure unique traditionnelles. De plus, le gradient de pression transvalvulaire des valves en PEEK était comparable à celui des valves biologiques existantes, démontrant leur compétitivité en termes de performances hémodynamiques.

Conclusion et implications

Cette étude propose pour la première fois une conception de feuillets à double courbure basée sur des matériaux polymères à haute rigidité, améliorant significativement les performances d’ouverture des valves cardiaques. Cette conception est non seulement adaptée aux matériaux à haute rigidité comme le PEEK, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour l’optimisation future des valves cardiaques. Les résultats montrent que la conception à double courbure réduit efficacement la pression d’ouverture tout en maintenant de bonnes performances hémodynamiques, offrant un potentiel clinique important.

Points forts de l’étude

  1. Conception innovante : Introduction d’une conception à double courbure, améliorant significativement les performances d’ouverture des valves en matériaux à haute rigidité.
  2. Choix des matériaux : Utilisation de matériaux polymères à haute rigidité comme le PEEK, combinée à une conception biomimétique, pour améliorer la durabilité et les performances hémodynamiques.
  3. Validation expérimentale : Validation de l’efficacité de la conception par simulation numérique et expériences in vitro, fournissant des données fiables pour l’optimisation future des valves cardiaques.

Autres informations pertinentes

L’équipe de recherche a également développé un outil de traitement d’images automatisé pour suivre en temps réel la surface effective d’orifice (OA) des valves. Cet outil améliore non seulement la précision des données expérimentales, mais offre également une nouvelle approche technologique pour les recherches futures sur les valves cardiaques.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour la conception et le choix des matériaux des valves cardiaques, avec une valeur scientifique et un potentiel clinique significatifs.