Une plateforme d'édition primaire à haute efficacité et de référence pour le criblage de perte de fonction multiplexé

Plateforme d’édition génomique efficace et complète : Une optimisation de haute efficacité pour le criblage multiple via l’édition Prime

Dans le domaine de l’édition génomique, la technologie d’édition Prime (Prime Editing) suscite une grande attention pour sa précision et sa flexibilité. Cette méthode, qui n’exige pas de cassures double-brin (DSBs), permet des modifications précises telles que des substitutions de bases simples ou des insertions et délétions de petite taille directement dans le génome. Cependant, son application à grande échelle dans des études fonctionnelles de génomique est entravée par une efficacité faible et variable. Pour relever ce défi, une équipe collaborative issue de plusieurs instituts prestigieux, dont l’Université de Princeton et l’Université de Californie à San Diego, a développé une plateforme d’édition Prime efficiente visant à résoudre les problèmes critiques du criblage multi-cibles (multiplex) via une avancée majeure. Cet article intitulé “A benchmarked, high-efficiency prime editing platform for multiplexed dropout screening”, publié dans le numéro de janvier 2025 de Nature Methods, présente des avancées remarquables.

Contexte et motivation de l’étude

Avec les progrès de la technologie de séquençage du génome humain, l’établissement de bases de données sur les variations génétiques à grande échelle a ouvert la voie à des recherches sur les relations entre gènes, maladies et phénotypes. Cependant, les technologies actuelles d’édition génomique font face à de nombreux obstacles pour valider ces connexions. Par exemple, la méthode d’édition via réparation homologue (homology-directed repair, HDR), utilisant Cas9, souffre d’une efficacité faible et d’une précision limitée, ce qui limite son utilisation dans le criblage à haut débit. Par ailleurs, l’édition de bases (Base Editing), bien qu’efficace pour certaines cibles, est limitée par les types de mutations accessibles (par exemple les transitions C>T ou G>A) et introduit fréquemment des mutations indésirées appelées mutations de contexte (bystander mutations).

La technologie Prime Editing, grâce à sa flexibilité et sa précision théorique, pourrait résoudre ces problèmes. Cependant, son application reste limitée par des inefficacités intrinsèques. Le présent travail visait à explorer le potentiel du Prime Editing pour les criblages fonctionnels à haute échelle et à fournir une plateforme optimisée permettant une démarche plus universelle, depuis l’édition jusqu’à l’analyse. Cette plateforme améliorée, qui démontre une capacité accrue pour les perturbations multiples, pourrait révolutionner la compréhension fonctionnelle des mutations génétiques humaines.

Équipe de recherche et contexte de publication

Cet article est le fruit du travail collaboratif dirigé par l’équipe de la Professeure Britt Adamson, affiliée aux départements de génomique intégrative et de biologie moléculaire de l’Université de Princeton. Parmi les coauteurs figurent des chercheurs de l’Université de Californie à San Diego et d’autres institutions. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans le journal Nature Methods en janvier 2025.

Approche et conception de l’étude

Cette recherche s’est concentrée sur l’amélioration de la plateforme Prime Editing à travers une série de méthodologies afin de valider sa capacité à effectuer un criblage multiplex efficace à grande échelle. Voici les étapes clés et les méthodes du processus expérimental :

1. Construction d’un système Prime Editing amélioré

L’équipe a développé deux lignées cellulaires K562 exprimant de manière stable des protéines d’édition Prime améliorées : PE2 et PEmax. La lignée PEmax intègre une transcriptase inverse optimisée (Reverse Transcriptase, RT) ainsi qu’une version mutée de la Cas9, augmentant ainsi l’efficacité de l’édition. En outre, afin d’optimiser la précision de l’édition, une lignée dérivée de PEmax déficiente en réparation des mésappariements (Mismatch Repair, MMR), appelée PEmaxKO, a également été créée.

En observant les cellules sur un mois, l’équipe a constaté qu’avec PEmax, les résultats d’édition étaient significativement plus efficaces que ceux obtenus avec PE2. Les produits d’édition précis ont fortement augmenté tout en minimisant les erreurs.

2. Développement d’une bibliothèque guide RNA et optimisation des epegRNA

Les chercheurs ont conçu un guide RNA d’édition Prime (epegRNA) amélioré en intégrant une structure TEVopreq1 pour renforcer sa stabilité. Deux bibliothèques autotracées (“self-targeting sensor libraries”) ont été créées pour pousser l’analyse : - Bibliothèque +5 G>H : 640 cibles ont été identifiées pour explorer trois mutations (+5 G>A, G>T, G>C) au même site et évaluer leurs effets sur l’efficacité d’édition. - Bibliothèque pour modifications étendues : une série de substitutions de bases simples ont été conçues dans des régions critiques de l’enhancer ZRS de la souris.

Grâce à des séquençages profonds et des analyses prédictives, les chercheurs ont identifié des facteurs-clés influençant l’efficacité, tels que la longueur du RTT (RNA Template), du PBS (Primer Binding Site) et la position des mutations dans les gènes.

3. Criblage à grande échelle par la bibliothèque « stoppr »

Appliquant la plateforme optimisée, une bibliothèque ultracomplexe de 240 000 epegRNA nommée “stoppr” a été conçue pour des tests massifs. Elle inclut : - 129 696 epegRNA encodant des mutations non-sens (nonsense mutations). - 94 245 epegRNA pour des mutations synonymes comme contrôle. - Des contrôles supplémentaires (“no edit” et “non-targeting”) pour calibrer les mesures de fond.

Transferée dans les lignées K562, la bibliothèque stoppr a démontré que les conditions optimales (PEmaxKO) permettaient une perturbation précise d’un grand nombre de mutations importantes. Cela a conduit à des phénotypes mesurables avec des effets clairs, tels qu’une inhibition marquée de la croissance cellulaire due à l’inactivation de gènes essentiels.

4. Validation et applicabilité à haute échelle

Pour valider leurs observations, les chercheurs ont testé individuellement 10 epegRNA induisant des mutations stop et 10 contrôles correspondants synonymes. Tous les phénotypes observés dans la bibliothèque ont été reproduits. Ces tests ont confirmé que les effets provenaient des éditions désirées, avec des taux d’erreurs minimes.

Résultats principaux et observations

Cette étude a permis de conclure à plusieurs découvertes importantes : 1. Efficacité et précision élevées : Certaines cibles ont atteint une efficacité d’édition précise de 81%, avec un taux maximal de 95% de produits édités sans erreurs. 2. Validation phénotypique spécifique : Les mutations non-sens ont entraîné des phénotypes négatifs (par exemple, une diminution de la croissance) dans près de 89,3% des gènes ciblés. 3. Principes de conception optimaux : L’utilisation de RTT longues, de cibles proches de l’extrémité N-terminale des gènes et de séquences guides antisens a montré une efficacité accrue.

Signification et implications

Cette recherche illustre parfaitement le potentiel amélioré du Prime Editing pour les applications fonctionnelles en génomique. En surmontant les limitations existantes d’efficacité, elle ouvre la voie à des investigations détaillées des mutations génétiques humaines et de leurs rôles dans les maladies. De plus, elle propose des directives pratiques pour concevoir futuriblement des bibliothèques epegRNA plus performantes et ciblées.

Points saillants

  1. Innovation technologique : Premier cadre optimisé pour le criblage génétique multiplexé simplifié avec Prime Editing, éliminant le besoin de séquençage complémentaire.
  2. Large applicabilité : Soutient l’évaluation rapide de milliers de variants génétiques, favorisant ainsi l’ère du traitement médical personnalisé.
  3. Méthodologie avancée : Exploite un système déficient en MMR pour maximiser l’efficacité, intégrant des techniques de rationalisation des coûts.

Grâce à ces contributions, la technologie Prime Editing est amenée à jouer un rôle central dans la recherche génétique et biomédicale de demain. À l’avenir, combiner cette technologie à des outils d’intelligence artificielle pourrait encore raffiner sa puissance, facilitant ainsi le développement de diagnostics et de thérapies génétiques de précision.