La proprotéine convertase Furine comme nouveau gène de prédisposition aux anévrismes altérant la signalisation TGF-β

Contexte académique

L’anévrisme de l’aorte (Aortic Aneurysm, AA) est une maladie caractérisée par une dilatation anormale de l’aorte, fréquemment observée dans l’aorte abdominale et thoracique. L’anévrisme aortique est plus courant chez les personnes de plus de 65 ans et, s’il n’est pas diagnostiqué et traité à temps, peut entraîner une rupture fatale. Bien que l’âge, le tabagisme, l’hypertension et le sexe masculin soient considérés comme des facteurs de risque importants, ces facteurs ne sont ni nécessaires ni suffisants, indiquant que la susceptibilité génétique joue un rôle clé dans l’apparition de la maladie. Actuellement, dans la plupart des cas d’anévrisme aortique, même familiaux, aucune variante génétique pathogène connue n’a été identifiée. Seulement environ 2 % des patients atteints d’anévrisme de l’aorte abdominale non sélectionnés et 5 % des patients atteints d’anévrisme de l’aorte thoracique non sélectionnés portent des variantes (potentiellement) pathogènes dans les gènes connus de l’anévrisme aortique. Cela suggère que la plupart des anévrismes aortiques ont un fond génétique complexe, impliquant probablement des interactions entre plusieurs gènes.

La voie de signalisation du facteur de croissance transformant β (Transforming Growth Factor-β, TGF-β) joue un rôle important dans la pathogenèse de l’anévrisme aortique. Furin est une protéase de type proprotéine convertase impliquée dans la maturation du précurseur de TGF-β. Par conséquent, Furin est considéré comme un gène de susceptibilité potentiel pour l’anévrisme aortique. Cette étude vise à explorer, par séquençage de l’exome entier et expériences fonctionnelles, la susceptibilité génétique des variants du gène Furin dans l’anévrisme aortique et leur impact sur la voie de signalisation TGF-β.

Source de l’article

Cette étude a été réalisée par plusieurs chercheurs de l’Université de Louvain (KU Leuven) en Belgique et du Centre médical Erasmus (Erasmus MC) aux Pays-Bas. Les principaux auteurs incluent Zongsheng He, Arne S. Ijpma, Danielle Majoor-Krakauer, entre autres. L’article a été publié en ligne le 18 avril 2024 dans la revue Cardiovascular Research, sous le titre “The proprotein convertase furin is a novel aneurysm predisposition gene impairing TGF-β signalling”.

Processus de recherche

1. Cohorte de patients et séquençage de l’exome entier

L’étude a inclus 781 patients atteints d’anévrisme aortique diagnostiqués consécutivement entre janvier 2009 et juillet 2019 au Centre médical Erasmus, ainsi que leurs parents atteints. Les variants rares du gène Furin ont été détectés par séquençage de l’exome entier (Whole-Exome Sequencing, WES). Les données de séquençage ont été alignées sur le génome de référence (hg19) à l’aide du logiciel BWA, l’appel des variants a été effectué avec le logiciel GATK, et l’annotation des variants a été réalisée avec l’outil ANNOVAR.

2. Validation fonctionnelle des variants du gène Furin

Dans des expériences in vitro, les chercheurs ont construit des vecteurs d’expression pour 13 variants du gène Furin (tels que R81C, P169T, V210A, etc.) et ont effectué des transfections transitoires dans des cellules HEK-293T. L’impact de ces variants sur la maturation, la sécrétion et l’activité enzymatique de la protéine Furin a été analysé par immunoblot. De plus, l’activité protéasique de ces variants a été mesurée à l’aide d’un substrat fluorescent (Pyr-RTKR-AMC).

3. Expériences sur les fibroblastes dérivés des patients

Les chercheurs ont obtenu des fibroblastes cutanés de 7 patients porteurs de variants du gène Furin et ont analysé le traitement du précurseur de TGF-β, les niveaux de phosphorylation des effecteurs en aval SMAD2 et ERK1/2, ainsi que l’expression de l’ARNm du gène ACTA2, régulé par TGF-β. De plus, en réduisant l’expression du gène Furin, l’impact de Furin sur la voie de signalisation TGF-β a été validé.

4. Analyse histologique et immunohistochimique des tissus aortiques

Les chercheurs ont effectué des analyses histologiques et immunohistochimiques sur le tissu d’anévrisme de l’aorte ascendante d’un patient porteur du variant P169T, en examinant l’expression de Furin, du collagène, de la fibrilline, de TGF-β et d’ACTA2, et en comparant avec des tissus sains témoins.

Résultats principaux

1. Découverte des variants du gène Furin

Parmi les 781 patients atteints d’anévrisme aortique, 13 variants rares du gène Furin ont été identifiés chez 3,7 % (29) des patients non apparentés, dont 72 % présentaient des anévrismes multiples ou une dissection. Ces variants ont montré une réduction de la maturation et de l’activité enzymatique de la protéine Furin in vitro.

2. Impact des variants de Furin sur la voie de signalisation TGF-β

Les fibroblastes dérivés des patients ont montré une réduction significative du traitement du précurseur de TGF-β, des niveaux de phosphorylation de SMAD2 et d’ERK1/2, ainsi que de l’expression de l’ARNm du gène ACTA2. La réduction de l’expression de Furin a confirmé son rôle dans la régulation de la voie de signalisation TGF-β.

3. Changements pathologiques dans les tissus aortiques

Le tissu aortique du patient porteur du variant P169T a montré des caractéristiques d’anévrisme modérées à sévères, incluant une fragmentation des fibres élastiques, une désorganisation des cellules musculaires lisses et une réduction des fibres de collagène et de fibrilline. L’analyse immunohistochimique a révélé une diminution significative de l’expression de Furin, TGF-β et ACTA2.

4. Caractéristiques cliniques

Parmi les 29 patients porteurs de variants du gène Furin, 72 % avaient des anévrismes multiples, 41 % avaient un anévrisme ou une dissection de l’aorte thoracique, et 58 % avaient des anévrismes des artères de moyen calibre. De plus, 41 % des patients présentaient des caractéristiques de maladies du tissu conjonctif, telles qu’une morphologie de type Marfan, une scoliose et une hypermobilité articulaire.

Conclusion

Cette étude confirme pour la première fois que le gène Furin est un gène de susceptibilité génétique pour l’anévrisme aortique, ses variants affectant la voie de signalisation TGF-β et conduisant à la formation d’anévrismes. Les variants du gène Furin sont fréquents chez les patients atteints d’anévrisme de l’aorte abdominale, thoracique et des artères de moyen calibre, et leurs effets sont modulés par le fond génétique individuel. L’étude recommande d’inclure le gène Furin dans le panel de diagnostic génétique de l’anévrisme aortique afin de mieux identifier les patients et les familles à haut risque.

Points forts de l’étude

  1. Nouveau gène de susceptibilité génétique : Le gène Furin est le premier gène de susceptibilité génétique identifié pour l’anévrisme aortique.
  2. Mécanisme de régulation de la voie de signalisation TGF-β : L’étude révèle le rôle de Furin dans la régulation de la voie de signalisation TGF-β dans la pathogenèse de l’anévrisme aortique.
  3. Approche multidisciplinaire : L’étude combine le séquençage de l’exome entier, des expériences fonctionnelles in vitro, des expériences sur des cellules dérivées de patients et des analyses histologiques pour valider de manière exhaustive la fonction du gène Furin.
  4. Signification clinique : Les résultats de l’étude fournissent de nouvelles bases pour le diagnostic génétique et le dépistage familial de l’anévrisme aortique, aidant à identifier précocement les individus à haut risque et à intervenir.

Valeur de l’étude

Cette étude non seulement révèle la susceptibilité génétique du gène Furin dans l’anévrisme aortique, mais offre également une nouvelle perspective sur le rôle de la voie de signalisation TGF-β dans la pathogenèse de l’anévrisme. Les résultats ont une importante valeur clinique, contribuant à améliorer les stratégies de diagnostic et de traitement de l’anévrisme aortique, en particulier pour le dépistage précoce et la prévention des anévrismes aortiques familiaux.