L'infection à Pseudomonas aeruginosa induit un rejet médié par les anticorps après une transplantation pulmonaire

L’infection à Pseudomonas aeruginosa induit le rejet médié par les anticorps après une transplantation pulmonaire

Contexte académique

La transplantation pulmonaire est un traitement clé pour les maladies pulmonaires en phase terminale, mais le rejet post-transplantation reste l’un des principaux problèmes affectant la survie à long terme des patients. Le rejet médié par les anticorps (antibody-mediated rejection, AMR) est une forme de rejet de transplantation pulmonaire de plus en plus reconnue, pouvant entraîner la perte de fonction du greffon et même la mort du patient. Bien que les mécanismes de l’AMR ne soient pas entièrement élucidés, des études suggèrent que la production d’anticorps spécifiques du donneur (donor-specific antibodies, DSAs) est étroitement liée à l’AMR. Cependant, la manière dont les agents pathogènes influencent la tolérance à la transplantation (transplant tolerance) reste floue.

Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa), ou bacille pyocyanique, est un agent pathogène bactérien courant chez les patients ayant subi une transplantation pulmonaire, et il est particulièrement susceptible de provoquer une pneumonie. Des études antérieures suggèrent que l’infection à P. aeruginosa pourrait être associée à l’occurrence de l’AMR, mais ses mécanismes spécifiques n’ont pas été systématiquement étudiés. Par conséquent, cet article vise à explorer si et comment l’infection à P. aeruginosa augmente le risque d’AMR chez les patients transplantés pulmonaires, et à fournir de nouvelles stratégies pour prévenir et traiter l’AMR.

Source de l’article et informations sur les auteurs

Cet article a été co-écrit par Fuyi Liao, Dequan Zhou, Marlene Cano et d’autres chercheurs, principalement issus de la Washington University School of Medicine, de l’University of Maryland School of Medicine et du Medical College of Wisconsin. L’article a été publié le 5 février 2025 dans la revue Science Translational Medicine, sous le titre “Pseudomonas aeruginosa infection induces intragraft lymphocytotoxicity that triggers lung transplant antibody-mediated rejection”.

Processus de recherche et résultats principaux

1. Processus de recherche

a) Étude de cohorte rétrospective humaine

L’équipe de recherche a d’abord mené une étude de cohorte rétrospective monocentrique, analysant les données de patients ayant subi une transplantation pulmonaire entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2016. Les patients inclus ont été suivis jusqu’au 31 décembre 2019, totalisant 2816 années-patients de suivi. Au cours de l’étude, 66 patients ont été diagnostiqués avec une AMR, dont 23 cas définitifs et 43 cas probables. Les résultats ont montré que l’infection à P. aeruginosa était un facteur de risque indépendant de l’AMR, en particulier chez les patients atteints de fibrose kystique (cystic fibrosis, CF).

b) Modèle de transplantation pulmonaire murine

Pour approfondir la relation entre l’infection à P. aeruginosa et l’AMR, l’équipe a établi un modèle de transplantation pulmonaire allogénique chez la souris. Des souris C57BL/6 ont reçu des greffes pulmonaires de souris BALB/c, et la tolérance au greffon a été induite par un traitement anti-CD40L et CTLA4Ig. Trente jours après la transplantation, les souris ont été infectées par instillation intratrachéale de la souche clinique PA103 de P. aeruginosa. L’étude a révélé que, bien que PA103 ait été rapidement éliminé des greffons et des tissus périphériques, les souris infectées ont rapidement produit des niveaux élevés d’IgM DSAs, qui se sont progressivement transformés en IgG DSAs un mois après l’infection.

c) Étude des facteurs de virulence bactérienne

L’équipe a étudié le rôle des facteurs de virulence de P. aeruginosa dans l’AMR. En utilisant différentes souches mutantes de PA103, les chercheurs ont découvert que le système de sécrétion de type III (type III secretion system, T3SS) était essentiel pour induire l’AMR. En particulier, l’exotoxine ExoT du T3SS, grâce à son activité ADP ribosyltransférase (ADPRT), a induit l’apoptose des cellules T Foxp3+CD4+ dans le greffon, favorisant ainsi l’occurrence de l’AMR.

d) Étude des cellules B et de la voie de signalisation CXCR3

L’étude a montré que l’infection à P. aeruginosa induisait la différenciation des cellules B dans le greffon, en particulier l’accumulation de cellules B CXCR3+. À l’aide de modèles murins à gènes knock-out, les chercheurs ont découvert que la voie de signalisation MyD88 endogène des cellules B jouait un rôle crucial dans la génération de cellules B CXCR3+ et la production d’IgG2c DSAs. De plus, une déficience en CXCR3 ou son blocage par des anticorps a significativement inhibé l’occurrence de l’AMR.

2. Résultats principaux

a) L’infection à P. aeruginosa augmente le risque d’AMR

L’étude de cohorte rétrospective a montré que l’infection à P. aeruginosa était un facteur de risque indépendant d’AMR chez les patients transplantés pulmonaires, en particulier chez ceux atteints de fibrose kystique, où le risque d’AMR après infection était significativement accru.

b) L’exotoxine ExoT du T3SS induit l’apoptose des cellules T Foxp3+CD4+

À l’aide d’un modèle murin, l’étude a révélé que les cellules T Foxp3+CD4+ dans le greffon étaient considérablement réduites dans les 18 heures suivant l’infection à P. aeruginosa, et que l’activité ADPRT de l’exotoxine ExoT du T3SS était le mécanisme clé induisant l’apoptose de ces cellules.

c) Les cellules B CXCR3+ favorisent l’occurrence de l’AMR

L’infection à P. aeruginosa a favorisé la génération de cellules B CXCR3+ dans le greffon, qui présentaient une forte affinité pour les antigènes du donneur et médiatisaient la production d’IgG DSAs. Des expériences de knock-out génétique et de blocage par anticorps ont prouvé que la voie de signalisation CXCR3 jouait un rôle clé dans l’occurrence de l’AMR.

d) La voie de signalisation MyD88 régule la différenciation des cellules B

L’étude a également révélé que la voie de signalisation MyD88 endogène des cellules B favorisait la différenciation des cellules B CXCR3+ et la production d’IgG2c DSAs, entraînant ainsi l’occurrence de l’AMR.

Conclusion et signification

Cette étude révèle pour la première fois que l’infection à P. aeruginosa induit l’apoptose des cellules T Foxp3+CD4+ dans le greffon via l’exotoxine ExoT du T3SS, déclenchant ainsi l’AMR. En outre, l’étude éclaire le rôle clé des cellules B CXCR3+ dans l’AMR, fournissant des indices importants pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Le ciblage du T3SS ou de la voie de signalisation CXCR3 pourrait offrir de nouvelles approches pour prévenir et traiter l’AMR après une transplantation pulmonaire.

Points forts de la recherche

  1. Première révélation du lien entre l’infection à P. aeruginosa et l’AMR : Cette étude révèle pour la première fois le mécanisme moléculaire par lequel l’infection à P. aeruginosa induit l’AMR via l’exotoxine ExoT du T3SS.
  2. Rôle clé de l’exotoxine ExoT du T3SS : L’étude montre que l’activité ADPRT d’ExoT est essentielle pour induire l’apoptose des cellules T Foxp3+CD4+ et l’occurrence de l’AMR.
  3. Rôle des cellules B CXCR3+ : L’étude met en lumière le rôle central des cellules B CXCR3+ dans l’AMR, fournissant une base pour le développement de nouvelles thérapies ciblées.
  4. Découverte de la voie de signalisation MyD88 dans les cellules B : L’étude identifie pour la première fois le rôle de la voie de signalisation MyD88 endogène des cellules B dans la différenciation des cellules B CXCR3+ et l’AMR.

Autres informations précieuses

Cette étude offre non seulement de nouvelles perspectives pour comprendre les mécanismes de l’AMR après une transplantation pulmonaire, mais elle fournit également un soutien théorique pour développer des stratégies thérapeutiques ciblant le T3SS ou CXCR3. À l’avenir, des recherches supplémentaires sur le rôle d’autres facteurs de virulence de P. aeruginosa et leur interaction avec le système immunitaire pourraient apporter davantage d’espoir pour la survie à long terme des patients transplantés pulmonaires.