La vaccination prévient la suractivation des réponses immunitaires innées lors des infections percées du COVID-19
Comment les vaccins COVID-19 influencent la réponse immunitaire durant les infections perthantes
Contexte
Alors que la pandémie de COVID-19 se poursuit, de plus en plus de cas d’infection sont des infections dites « perthantes » (breakthrough infections), c’est-à-dire des infections survenant chez des individus déjà vaccinés ou ayant déjà été infectés par le virus SARS-CoV-2. Bien que la vaccination ait considérablement réduit le risque d’infection et la gravité de la maladie, les infections perthantes continuent de se propager parmi les populations à haut risque et peuvent entraîner un COVID long (Long COVID). Il est donc essentiel de comprendre la réponse immunitaire durant ces infections perthantes afin d’optimiser les stratégies vaccinales et les traitements.
Les études précédentes se sont principalement concentrées sur la manière dont les vaccins renforcent la réponse immunitaire adaptative (adaptive immunity). Cependant, le rôle de l’immunité innée (innate immunity) dans le contrôle des infections virales et la coordination de la réponse immunitaire est tout aussi important. Les cellules de l’immunité innée, comme les monocytes et les cellules tueuses naturelles (cellules NK), participent directement à la réponse antivirale et régulent également l’activité des cellules immunitaires adaptatives, influençant ainsi la réponse immunitaire globale. Néanmoins, la manière dont une vaccination ou une infection antérieure modifie la réponse immunitaire innée, en particulier l’activité et la fonction des cellules immunitaires innées durant les infections perthantes, reste mal comprise.
Pour combler cette lacune, une équipe de recherche de Stanford University a publié dans Science Translational Medicine une étude intitulée « Prior vaccination prevents overactivation of innate immune responses during COVID-19 breakthrough infection », qui explore en détail comment la vaccination influence les réponses immunitaires innées et adaptatives durant les infections perthantes.
L’équipe de recherche et les informations sur la publication
Cette étude a été réalisée par Leslie Chan, Kassandra Pinedo, Mikayla A. Stabile et plusieurs autres chercheurs, issus de plusieurs institutions renommées telles que Stanford University School of Medicine et Harvard T.H. Chan School of Public Health. L’article a été publié le 29 janvier 2025 dans la revue Science Translational Medicine.
Méthodologie et résultats
1. Sujets de l’étude et conception expérimentale
L’étude a recruté trois groupes de participants : 1. Infectés non vaccinés (UVI) : principalement infectés durant la vague du variant Delta entre avril et décembre 2021. 2. Infectés vaccinés (VI) : également infectés durant la vague du variant Delta, mais ayant reçu un cycle complet de vaccination (principalement Pfizer ou Moderna). 3. Groupe témoin sain (HC) : individus sains non infectés par le SARS-CoV-2.
Les chercheurs ont analysé les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMCs) et les échantillons plasmatiques des participants en utilisant le séquençage transcriptionnel unicellulaire (scRNA-seq), la cytométrie de masse (mass cytometry) et l’analyse protéomique plasmatique Olink. Ces techniques ont permis d’étudier les réponses immunitaires innées et adaptatives chez les infectés non vaccinés et vaccinés durant les infections perthantes.
2. Analyse transcriptionnelle unicellulaire
Grâce au scRNA-seq, les chercheurs ont découvert que l’activité transcriptionnelle des monocytes et des cellules NK était plus faible durant les infections perthantes. Par rapport aux infectés non vaccinés, les monocytes des infectés vaccinés ont montré un potentiel de migration réduit et une activité proliférative moindre des cellules NK. De plus, les femmes ont montré une activation plus marquée des cellules immunitaires innées durant les infections perthantes.
3. Analyse fonctionnelle des monocytes
L’étude a révélé que les monocytes des infectés vaccinés présentaient une réponse inflammatoire plus faible au niveau transcriptionnel. Par exemple, les monocytes classiques (CD14+ monocytes) et les monocytes non classiques (CD16+ monocytes) ont montré une régulation à la hausse moins marquée des gènes durant les infections perthantes. De plus, les monocytes des infectés vaccinés ont montré une expression plus faible des gènes liés au métabolisme des lipides et à la biosynthèse des nucléotides puriques, indiquant que la vaccination réduit la réponse inflammatoire des monocytes en modifiant les voies métaboliques.
4. Analyse transcriptionnelle et fonctionnelle des cellules NK
Les cellules NK jouent un rôle crucial dans la réponse antivirale précoce. L’étude a montré que les cellules NK des infectés non vaccinés présentaient une régulation à la hausse plus marquée des gènes liés au cycle cellulaire et à l’activation, tandis que les cellules NK des infectés vaccinés avaient une activité proliférative plus faible. Cela suggère que la vaccination limite la prolifération des cellules NK, réduisant ainsi le risque de réaction inflammatoire excessive.
5. Analyse des communications intercellulaires
Par l’analyse des réseaux de communication intercellulaire, les chercheurs ont découvert que les monocytes et les cellules NK des infectés vaccinés envoyaient des signaux immunosuppresseurs plus forts aux cellules immunitaires adaptatives (comme les cellules B et T). Ces signaux pourraient aider à contrôler l’activation excessive de la réponse immunitaire adaptative, évitant ainsi les dommages immunopathologiques.
6. Analyse des différences entre les sexes
L’étude a révélé que les femmes présentaient une activation plus marquée des cellules immunitaires innées durant les infections perthantes par rapport aux hommes, en particulier dans les monocytes et les cellules NK. L’analyse par cytométrie de masse et protéomique plasmatique a confirmé ces résultats, montrant que les femmes présentaient une réponse inflammatoire et une activation des cellules immunitaires plus fortes durant les infections perthantes.
Conclusions et implications
Cette étude a mis en lumière comment la vaccination module l’activité des cellules immunitaires innées pour supprimer les réponses inflammatoires excessives durant les infections perthantes, protégeant ainsi les individus contre les formes graves de la maladie. Elle souligne également l’importance des différences entre les sexes dans la réponse immunitaire, suggérant que les futures stratégies vaccinales devraient tenir compte de ces différences.
Points forts de l’étude
- Révélation du rôle de l’immunité innée dans les infections perthantes : L’étude explore systématiquement comment la vaccination modifie l’activité des monocytes et des cellules NK pour réguler la réponse immunitaire durant les infections perthantes.
- Importance des différences entre les sexes : L’étude montre que les femmes présentent une réponse immunitaire innée plus forte durant les infections perthantes, fournissant une base pour des conceptions vaccinales spécifiques au sexe.
- Mécanismes de régulation des communications intercellulaires : L’étude révèle comment les cellules immunitaires innées envoient des signaux immunosuppresseurs pour contrôler l’activation excessive de la réponse immunitaire adaptative.
Valeur pratique
Cette étude fournit des indications importantes pour la conception future de vaccins, en particulier sur la manière de moduler la réponse immunitaire innée pour réduire le risque et la gravité des infections perthantes. De plus, la découverte des différences entre les sexes offre une base scientifique pour le développement de stratégies vaccinales personnalisées.
Synthèse
Cette étude approfondit notre compréhension de la réponse immunitaire après la vaccination et fournit des indices essentiels pour optimiser les stratégies vaccinales contre le COVID-19. En révélant le rôle clé des cellules immunitaires innées dans les infections perthantes, elle offre de nouvelles bases scientifiques pour lutter contre le SARS-CoV-2 et ses variants.