Plasticité dendritique compartimentée dans le cortex rétrosplénial de la souris relie les souvenirs contextuels formés à proximité dans le temps
La plasticité dendritique compartimentée dans le cortex rétrosplénial de la souris relie les souvenirs contextuels formés à des moments proches
Contexte académique
La formation des souvenirs est un processus dynamique où des souvenirs individuels sont stockés, mis à jour et intégrés dans le cadre d’autres souvenirs préexistants pour guider le comportement adaptatif. Des études récentes ont montré que le chevauchement entre les ensembles neuronaux codant différents souvenirs peut relier ces souvenirs, de sorte que l’évocation d’un souvenir déclenche le rappel d’un autre. Cependant, le rôle des mécanismes de plasticité dendritique dans la connexion des souvenirs reste peu clair. Les dendrites sont des composants importants des neurones, responsables de la réception et de l’intégration des signaux provenant d’autres neurones. La plasticité dendritique compartimentée (compartmentalized dendritic plasticity) est considérée comme jouant un rôle clé dans la formation et le stockage des souvenirs, mais ses mécanismes spécifiques restent mal définis.
Cette étude vise à explorer le rôle de la plasticité dendritique compartimentée dans la connexion des souvenirs, en particulier dans le cortex rétrosplénial (retrosplenial cortex, RSC) chez la souris. Le RSC est une région cérébrale importante pour le traitement des souvenirs spatiaux et contextuels. En combinant des approches de marquage dépendant de l’activité, de l’imagerie longitudinale et des modèles de calcul, cette recherche révèle le rôle crucial de la plasticité dendritique compartimentée dans l’intégration des souvenirs.
Source de l’article
Cet article a été co-rédigé par Megha Sehgal, Daniel Almeida Filho, George Kastellakis et d’autres auteurs issus de plusieurs institutions, notamment l’Université de Californie à Los Angeles, l’Institut de Biologie Moléculaire et de Biotechnologie de la Fondation pour la Recherche et la Technologie en Grèce, et l’Institut Avancé de Science et de Technologie de Corée. L’article a été publié en 2025 dans la revue Nature Neuroscience, sous le titre « Compartmentalized dendritic plasticity in the mouse retrosplenial cortex links contextual memories formed close in time ».
Protocole de recherche
1. Chevauchement des ensembles neuronaux du RSC et connexion des souvenirs
L’étude commence par utiliser un microscope miniature portatif personnalisé (miniscope) pour effectuer une imagerie calcique sur les neurones du RSC chez des souris, tout en observant leur activité neuronale lors de l’exploration de différents contextes. Le protocole expérimental consistait à exposer les souris à différents contextes avec des intervalles de 5 heures ou 7 jours, tout en enregistrant l’activité des neurones du RSC. Les résultats montrent qu’une plus grande superposition des ensembles neuronaux du RSC est observée lorsque deux contextes sont explorés à 5 heures d’intervalle, par rapport à un intervalle de 7 jours. Cela indique que des souvenirs temporellement proches sont codés par des ensembles neuronaux qui se chevauchent dans le RSC.
2. Rôle de la plasticité dendritique compartimentée
Ensuite, l’étude utilise un microscope biphotonique (two-photon microscopy) pour effectuer une imagerie calcique longitudinale sur les dendrites apicales des neurones de la couche V du RSC, afin d’observer l’activité des segments dendritiques dans différents contextes. Les résultats montrent que les mêmes segments dendritiques sont préférentiellement activés lorsque deux contextes sont explorés à 5 heures d’intervalle, mais pas lorsque l’intervalle est de 7 jours. Cela suggère que la plasticité dendritique compartimentée joue un rôle clé dans la connexion des souvenirs.
3. Changements dynamiques des épines dendritiques
L’étude examine également les changements dynamiques des épines dendritiques (dendritic spines) des dendrites apicales du RSC chez des souris Thy1-YFP-H grâce à un microscope biphotonique in vivo. Les résultats montrent que lorsqu’on explore deux contextes à 5 heures d’intervalle, les nouvelles épines dendritiques ont tendance à se regrouper sur les mêmes segments dendritiques, tandis qu’il n’y a pas cette tendance lorsque l’intervalle est de 7 jours. Cela indique que le regroupement des épines dendritiques est un mécanisme important dans la connexion des souvenirs.
4. Manipulation optogénétique de l’activité dendritique
L’étude combine ensuite un système de marquage dépendant de l’activité avec un élément de ciblage dendritique (dendritic targeting element, DTE), permettant de manipuler l’activité dendritique du RSC par des méthodes optogénétiques. Les résultats montrent qu’une activation artificielle des segments dendritiques associés au premier contexte peut déclencher une connexion mnésique lors de l’exploration du second contexte. Cela prouve davantage le rôle causal de la plasticité dendritique compartimentée dans la connexion des souvenirs.
5. Validation par modèle de calcul
L’étude valide également son hypothèse via un modèle de calcul, qui prédit que lorsque les mécanismes dendritiques sont supprimés, la connexion entre les souvenirs diminue significativement. Cela montre que la plasticité dendritique compartimentée est un mécanisme indispensable pour la connexion des souvenirs.
Résultats principaux
- Chevauchement des ensembles neuronaux du RSC : Un chevauchement significatif des ensembles neuronaux du RSC est observé lorsque deux contextes sont explorés à 5 heures d’intervalle, comparé à un intervalle de 7 jours.
- Plasticité dendritique compartimentée : Les mêmes segments dendritiques sont préférentiellement activés à 5 heures d’intervalle, mais pas à 7 jours.
- Dynamique des épines dendritiques : Les nouvelles épines dendritiques ont tendance à se regrouper sur les mêmes segments dendritiques, surtout lors de l’exploration de contextes à 5 heures d’intervalle.
- Manipulation optogénétique de l’activité dendritique : L’activation artificielle des segments dendritiques liés au premier contexte peut déclencher une connexion mnésique lors de l’exploration du second contexte.
- Validation par modèle de calcul : Les mécanismes dendritiques sont nécessaires pour la connexion des souvenirs ; leur suppression affaiblit considérablement la connexion entre les souvenirs.
Conclusion
Cette étude révèle le rôle crucial de la plasticité dendritique compartimentée dans la connexion des souvenirs. Elle montre que des souvenirs temporellement proches sont codés par des ensembles neuronaux et des segments dendritiques qui se chevauchent dans le RSC, et que le regroupement des épines dendritiques favorise davantage la connexion des souvenirs. Les manipulations optogénétiques et les modèles de calcul valident le rôle causal des mécanismes dendritiques dans la connexion des souvenirs. Ces découvertes offrent de nouvelles perspectives pour comprendre l’intégration des souvenirs et la plasticité compartimentée, et fournissent une base théorique importante pour de futures recherches sur les mécanismes neuronaux des troubles de la mémoire.
Points forts de l’étude
- Découverte scientifique importante : Cette étude révèle pour la première fois le rôle crucial de la plasticité dendritique compartimentée dans la connexion des souvenirs.
- Méthodologie innovante : L’utilisation combinée de marquage dépendant de l’activité, d’imagerie longitudinale, de manipulation optogénétique et de modèles de calcul fournit des preuves à plusieurs niveaux.
- Valeur applicative : Elle ouvre de nouvelles directions de recherche pour comprendre les mécanismes neuronaux des troubles de la mémoire, tels que la maladie d’Alzheimer.
Autres informations précieuses
L’étude explore également l’universalité des mécanismes dendritiques dans l’organisation des souvenirs dans différentes régions cérébrales, proposant que la plasticité dendritique compartimentée pourrait être un mécanisme conservé dans l’organisation des souvenirs. Des recherches futures pourraient approfondir le rôle de la plasticité dendritique dans l’intégration des souvenirs dans d’autres régions du cerveau.