La Stimulation Transcutanée de la Moelle Épinière Restaure la Fonction des Mains et des Bras Après une Lésion de la Moelle Épinière

Les lésions de la moelle épinière (Spinal Cord Injury, SCI) entraînant une paralysie des membres supérieurs affectent considérablement l’indépendance et la qualité de vie des patients. Chez les patients atteints de SCI, la restauration du contrôle des mouvements des mains et des bras est considérée comme l’objectif thérapeutique de la plus haute priorité, bien avant la capacité de marche. Cependant, les méthodes cliniques actuelles visant à améliorer la fonction des membres supérieurs n’ont pas atteint l’effet souhaité de restauration d’une vie indépendante. Les méthodes traditionnelles telles que la thérapie par le mouvement, la stimulation électrique fonctionnelle (Functional Electrical Stimulation, FES), la stimulation somatosensorielle (Somatosensory Stimulation), et la stimulation magnétique transcrânienne (Transcranial Magnetic Stimulation, TMS) montrent des résultats assez limités dans l’amélioration de la fonction motrice.

Des recherches récentes indiquent que la technologie de stimulation électrique peut activer les circuits médullaires en aval de la zone endommagée, restaurer ainsi la fonction motrice active. La technologie de stimulation électrique de la moelle épinière utilisant des électrodes implantées a notamment montré des améliorations significatives dans le contrôle volontaire de la station debout et de la marche. Toutefois, la complexité et les risques de cette méthode invasive limitent son application chez les patients avec paralysie des membres supérieurs. En conséquence, les scientifiques explorent désormais une méthode non invasive — la stimulation transcutanée de la moelle épinière (Transcutaneous Spinal Cord Stimulation, tSCS), dans le but d’améliorer la fonction des membres supérieurs.

Diagramme du déroulement de l’étude

Contexte de la recherche et de la publication

Cet article est coécrit par Fatma Inanici, Lorie N. Brighton, Soshi Samejima, Christoph P. Hofstetter et Chet T. Moritz. Les institutions de recherche incluent le département de génie électrique et informatique, le département de médecine de réadaptation et le département de neurochirurgie de l’Université de Washington. L’article a été publié en 2021 dans le journal IEEE Transactions on Neural Systems and Rehabilitation Engineering. Cette recherche a été partiellement financée par le Centre de technologie nerveuse et l’Alliance Spinal Cord Injury de l’État de Washington, et est enregistrée sur ClinicalTrials.gov (numéro : NCT03184792).

Conception de la recherche et méthode

1. Conception de l’étude

L’étude est un essai prospectif, en étiquette ouverte, croisé. Les mesures de base sont effectuées une fois par semaine pendant quatre semaines avant le début de l’intervention. Au cours du premier mois de l’intervention, tous les participants ont seulement suivi un entraînement intensif par tâches fonctionnelles. Le deuxième mois, la stimulation transcutanée a été combinée avec l’entraînement.

Deux patients avec une lésion motrice complète (American Spinal Injury Impairment Scale, AIS B) et un patient avec le syndrome central de la moelle épinière AIS D ont poursuivi le traitement par stimulation durant le deuxième mois, tandis que les trois autres patients avec des lésions incomplètes (AIS C-D) ont seulement suivi l’entraînement. Durant l’ensemble de l’étude, le plan croisé bilatéral a été répété pour vérifier si la stimulation électrique contribuait véritablement à l’amélioration fonctionnelle, permettant à chaque participant de servir de témoin pour lui-même.

2. Participants

Les six participants étaient des volontaires atteints de lésions cervicales chroniques de la moelle épinière, avec un âge moyen de 42 ans et une période moyenne de blessure de 4,6 ans. Après avoir consenti à toutes les procédures de l’étude, ils ont subi des tests incluant des enregistrements vidéo et des prises d’images.

3. Entraînement intensif par tâches fonctionnelles

L’entraînement des membres supérieurs a été mené trois fois par semaine, chaque session durant deux heures, impliquant des tâches unilatérales et bilatérales, des mouvements des doigts, ainsi que des activités de préhension et de serrage, ajustées progressivement selon l’état des participants.

4. Stimulation transcutanée de la moelle épinière (tSCS)

Le dispositif de stimulation transcutanée utilisé a été développé par NeuroRecovery Technologies Inc. (maintenant Onward Medical BV). La stimulation impliquait deux canaux indépendants, visant deux positions de la région cervicale et de la région pelvienne. La fréquence de stimulation était de 30 Hz superposée d’un courant de 10 kHz pour garantir une stimulation de haute intensité pénétrant la peau sans causer d’inconfort.

5. Mesure des résultats

Les principaux indicateurs de mesure des résultats étaient la force des mains, la perception et les capacités de préhension, réévaluées par le Graded Redefined Assessment of Strength Sensibility and Prehension (GRASSP). Les indicateurs secondaires incluaient l’examen selon les International Standards for Neurological Classification of Spinal Cord Injury (ISNCSCI), la mesure de la pression latérale de la pince et l’évaluation clinique des spasmes.

6. Analyse des données

Les données expérimentales ont été analysées à l’aide de l’analyse de variance (ANOVA) à mesure répétée et du test Turkey LSD. Les données de changements fonctionnels ont été vérifiées par des tests t sur échantillons appariés.

Résultats de la recherche

L’étude a montré que la stimulation transcutanée de la moelle cervicale combinée avec un entraînement intensif peut restaurer de façon significative la fonction des membres supérieurs chez les patients avec des lésions cervicales complètes et incomplètes de la moelle épinière, avec des effets durant plusieurs mois. Les résultats indiquent que tous les participants ont connu des améliorations fonctionnelles bien au-delà de celles obtenues uniquement par entraînement, après l’utilisation de la stimulation électrique.

1. Amélioration chez les patients totalement paralysés

Le premier patient totalement paralysé était sans aucun mouvement des doigts et des pouces au moment de rejoindre l’étude et n’a pas récupéré même après les quatre semaines d’entraînement intensif seul. Cependant, après quatre semaines de stimulation combinée à l’entraînement, il a commencé à avoir des mouvements et à générer une force de préhension mesurable. Cette amélioration fonctionnelle s’est maintenue six mois après l’arrêt du traitement.

Le deuxième patient totalement paralysé a également montré des améliorations similaires, avec une force de préhension de la main augmentée de manière significative grâce à la stimulation et à l’entraînement, se maintenant pendant trois mois après l’intervention.

2. Amélioration chez les patients partiellement paralysés

Les quatre autres participants avaient une certaine capacité de mouvement des doigts et des pouces au début de l’étude. Un patient blessé depuis plus de 12 ans a récupéré sa capacité de préhension dès le premier jour de stimulation, et cette amélioration s’est maintenue pendant les six mois suivants. La force et les capacités de préhension de tous les participants se sont nettement améliorées durant la période de traitement de stimulation associée à l’entraînement, avec une signification statistique notable (p < 0,025).

3. Autres améliorations fonctionnelles

Outre la récupération fonctionnelle motrice, la stimulation transcutanée de la moelle épinière a montré des améliorations notables sur les fonctions autonomes. Par exemple, un patient ayant une fréquence cardiaque faible (40-45 battements/minute) depuis 12 ans a retrouvé un rythme normal (60-65 battements/minute) pendant la période de stimulation, se maintenant au suivi. D’autres participants ont rapporté des améliorations dans la régulation de la température corporelle et la fonction vésicale.

4. Mise en évidence du maintien à long terme des améliorations fonctionnelles

Dans cette étude, toutes les améliorations fonctionnelles se sont maintenues entre trois et six mois après la dernière intervention, suggérant que cette méthode de traitement promeut la plasticité neuronale (neuroplasticity) du système nerveux central endommagé. La combinaison de la technique de stimulation avec un entraînement intensif pourrait restaurer la capacité de contrôle volontaire du mouvement par les mécanismes suivants : la stimulation transcutanée active les réseaux médullaires via les voies des récepteurs de la racine dorsale, ce qui promeut l’excitation subsynaptique des neurones sous la moelle endommagée, rendant ainsi les voies descendantes résiduelles mais dormantes plus facilement activables.

Discussion et perspectives

Les résultats de cette étude démontrent l’efficacité significative de la stimulation transcutanée de la moelle épinière combinée à un entraînement intensif dans la restauration des fonctions chez les patients avec des paralysies des membres supérieurs. Cette méthode non invasive présente un fort potentiel de translation clinique. Cependant, l’étude présente certaines limites, notamment la difficulté de mettre en place des méthodes d’aveuglement et de contrôle par stimulation factice, et la variabilité des résultats due à la diversité des fonctions de base des participants. Il est nécessaire de réaliser des études à plus grande échelle et des tests d’évaluateurs aveugles afin d’évaluer plus rigoureusement l’efficacité de la stimulation transcutanée de la moelle épinière.

Cette recherche apporte des fondements importants pour explorer de nouvelles méthodes de traitement des lésions de la moelle épinière et oriente la future application clinique de la méthode de stimulation transcutanée de la moelle épinière.