Les cellules T mémoires effectrices longue durée KLRG1+ en circulation conservent la flexibilité de devenir résidentes tissulaires

Capacité de résidence tissulaire des cellules T mémoires effectrices KLRG1+ à long terme

Introduction

Les cellules T CD8 mémoires jouent un rôle crucial dans la lutte contre la réinfection par les agents pathogènes. Les cellules T mémoires sont une population hétérogène présente dans divers tissus du corps, capable de fournir une surveillance et une réponse rapide essentielles. Les cellules T mémoires proviennent des cellules T effectrices et peuvent être subdivisées en fonction de leurs marqueurs de surface : par exemple, les cellules effectrices à courte durée de vie (short-lived effector cells, SLEC) expriment des niveaux élevés de KLRG1 et des niveaux bas de CD127, tandis que les cellules précurseurs de mémoire (memory precursor cells, MPEC) présentent le schéma inverse, exprimant des niveaux bas de KLRG1 et des niveaux élevés de CD127. Les MPEC se différencient principalement en cellules T mémoires centrales (central memory T cells, TCM), cellules T mémoires effectrices (effector memory T cells, TEM), et cellules T mémoires résidant dans le tissu (tissue-resident memory T cells, TRM). En comparaison, les SLEC ont un potentiel limité et subissent généralement l’apoptose lors de la phase de contraction de la réponse immunitaire. Cependant, certaines SLEC peuvent se transformer en cellules effectrices à longue durée de vie (long-lived effector cells, LLEC), qui constituent une sous-population de cellules mémoires unique par ses capacités de migration, caractéristiques fonctionnelles et potentiel de prolifération.

Origine de l’étude

Cet article a été rédigé par Erin D. Lucas, Matthew A. Huggins, Changwei Peng, Christine O’Connor, Abigail R. Gress, Claire E. Thefaine, Emma M. Dehm, Yoshiaki Kubota, ainsi que Stephen C. Jameson et Sara E. Hamilton. Les auteurs sont affiliés à l’Université du Minnesota aux États-Unis et leurs résultats de recherche ont été publiés dans le journal « Science Immunology » le 28 juin 2024, sous le numéro d’article eadj8356.

Méthodologie de recherche

Processus expérimental et sujets

Les auteurs ont utilisé une série de procédures et de modèles détaillés comme suit : 1. Expérimentations d’infection virale : Après avoir infecté des souris avec des agents pathogènes aigus comme l’adénovirus et le virus de la grippe, les auteurs ont étudié la distribution et les caractéristiques des KLRG1+ LLEC. Ils ont utilisé des souris transgéniques P14, dont les cellules T reconnaissent spécifiquement l’épitope gp33 du virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV). 2. Isolation et transfert de cellules : Les cellules T mémoires de différentes sous-populations (KLRG1+ LLEC, TCM, TEM) ont été isolées des souris infectées et transférées dans des souris nouvelles pour étudier leur performance et fonction lors de réinfections. 3. Séquençage de l’ARN unicellulaire (scRNA-seq) : Un séquençage de l’ARN unicellulaire a été réalisé pour analyser les profils transcriptionnels des cellules T dans différents tissus après réinfection. 4. Microscopie à immunofluorescence : Les cellules transférées ont été observées par microscopie à immunofluorescence pour déterminer leur distribution dans les tissus. 5. Modèle d’infection par le virus de la grippe : La distribution et la fonction des KLRG1+ LLEC ont été évaluées après une infection locale (grippe) et la charge virale des tissus ciblés a été mesurée. 6. Utilisation d’un système de rapport à fluorescence inductible : Des souris rapporteurs CX3CR1cre-ER ont été utilisées pour marquer les cellules mémoires KLRG1+ CX3CR1+ et suivre leur migration post-infection.

Résultats expérimentaux

Distribution et caractéristiques des cellules T mémoires KLRG1+

  1. Exclusion et limitation de la distribution : Suite à une infection systémique par le LCMV, les KLRG1+ LLEC se sont principalement retrouvées dans la rate et le sang, elles ont été exclues des ganglions lymphatiques et des tissus non lymphoïdes, comme l’intestin grêle et les reins.
  2. Performance lors de réinfections : Lors de réinfections, les KLRG1+ LLEC ont montré une capacité de prolifération limitée, mais elles ont pu pénétrer rapidement dans les tissus non lymphoïdes et réduire la charge pathogène. Après une infection par le virus de la grippe, les KLRG1+ LLEC ont pu entrer dans les tissus pulmonaires et se concentrer dans les poumons au début de la réinfection.
  3. Modification des caractéristiques transcriptomiales : Le séquençage de l’ARN unicellulaire a révélé que, qu’elles proviennent des KLRG1+ LLEC ou des cellules précurseurs de mémoire KLRG1-, ces cellules formaient une signature transcriptomiale de mémoire résidente similaire après pénétration dans les tissus non lymphoïdes.
  4. Migration dépendante de l’antigène : La migration des KLRG1+ LLEC dans les tissus dépendait des signaux antigéniques des cellules endothéliales vasculaires, même en présence de cellules T mémoires existantes, ces LLEC parvenaient à entrer dans les tissus infectés.

Conclusions et pertinence de la recherche

  1. Flexibilité et capacité de résidence tissulaire : Bien que les KLRG1+ LLEC ne puissent pas se différencier en autres sous-populations mémoires circulantes (comme les TCM et TEM), elles conservent néanmoins la capacité d’entrer dans les tissus et de s’y établir. Cela signifie que ces cellules possèdent des fonctions immunitaires potentielles étendues et peuvent répondre avec flexibilité aux réinfections.
  2. Distinction et similitude : Dans les tissus non lymphoïdes, les KLRG1+ LLEC et leurs cellules dérivées montrent des caractéristiques transcriptomiales similaires à celles des cellules TRM issues des TCM ou TEM, même si elles perdent l’expression de KLRG1 et CX3CR1 durant la transformation. Cela souligne le rôle crucial de l’environnement tissulaire dans la transformation des cellules T mémoires en cellules TRM.
  3. Valeur scientifique et application : Cette étude révèle le potentiel des LLEC dans la formation et le maintien de la protection immunitaire tissulaire, offrant ainsi des perspectives importantes pour l’optimisation des stratégies de vaccination et d’immunothérapie. Ces découvertes remettent également en question la conception antérieure des LLEC en tant que cellules différenciées terminales, démontrant ainsi la plasticité dynamique des cellules T mémoires.

Points forts de l’étude

  1. Découverte de la capacité de migration et de résidence des KLRG1+ LLEC : La recherche révèle pour la première fois que les KLRG1+ LLEC peuvent survivre longtemps dans les tissus et former des cellules TRM, et non seulement répondre aux infections initiales.
  2. Mécanisme de réponse rapide dépendant de l’antigène : La confirmation du mécanisme de réponse rapide des LLEC aux signaux antigéniques offre de nouvelles perspectives sur la réponse rapide des cellules T au site d’infection initial.
  3. Caractéristiques transcriptomiales et destinée cellulaire : Grâce au séquençage de l’ARN unicellulaire, la recherche offre une compréhension approfondie des modifications transcriptomiques des KLRG1+ LLEC dans les tissus non lymphoïdes, révélant les modèles comportementaux des cellules T mémoires dans divers tissus.

Cette recherche fournit une base théorique importante pour les futures stratégies vaccinales et d’immunothérapie, démontrant la flexibilité et le potentiel des cellules T mémoires dans l’adaptation et la réponse à diverses infections, fournissant ainsi de nouvelles directions pour améliorer l’efficacité du contrôle des maladies.