Une mutation PRM qui atténue la réplication du virus de la dengue dans les cellules humaines améliore l'infection du tube digestif chez les moustiques

Étude sur le virus de la dengue : impact et découverte des mutations génétiques sur la transmission du virus

Introduction

Cette étude, réalisée par Allyson N. X. Choi et al., a été publiée le 31 juillet 2024 dans “Science Translational Medicine”. Elle vise à révéler l’impact des changements génétiques du virus de la dengue sur sa capacité de transmission et l’apparition d’épidémies lors de l’épidémie de dengue dans le Pacifique Sud dans les années 1970. Il est actuellement connu que différents génotypes du virus de la dengue (Dengue virus, DENV) affectent son potentiel de transmission dans la population, mais les mécanismes spécifiques restent flous.

Contexte et objectifs de l’étude

Le virus de la dengue se divise en quatre sérotypes (DENV-1 à DENV-4), provoquant des épidémies fréquentes et explosives dans les régions tropicales et certaines régions subtropicales. Ces épidémies sont généralement attribuées à un faible niveau d’immunité de la population, mais les différences génétiques du virus jouent également un rôle important. Comme d’autres virus, le virus de la dengue évolue au cours de sa transmission pour s’adapter à l’hôte, augmentant ainsi son potentiel de transmission. Cependant, comme le SARS-CoV-2 et ses variants, le virus de la dengue continue d’évoluer, s’adaptant à l’épidémiologie et formant progressivement des variants plus adaptés.

L’épidémie de dengue de type 2 (DENV-2) dans le Pacifique Sud dans les années 1970 offre une opportunité unique de comprendre l’impact des gènes viraux sur les résultats épidémiologiques. À l’exception des Tonga, le virus a provoqué de graves épidémies sur d’autres îles du Pacifique Sud. L’étude a révélé que les changements génétiques de la souche DENV-2 dans la région des Tonga, en particulier une mutation d’acide aminé à la position 86 de la protéine prémembranaire (premembrane, prM), pourraient expliquer l’atténuation de cette souche virale et les cas légers.

Méthodes et processus de recherche

Cette étude a été menée conjointement par plusieurs équipes de scientifiques de la Duke-NUS Medical School et publiée dans “Science Translational Medicine”.

1. Génomique et biologie moléculaire

L’équipe de recherche a d’abord effectué une analyse phylogénétique du génome complet des souches DENV-2 isolées de différentes îles du Pacifique Sud, découvrant que la souche des Tonga était séparée des souches d’autres îles sur l’arbre phylogénétique. Des clones infectieux de DENV-2 ont été construits par génétique inverse pour explorer davantage les effets des mutations génétiques spécifiques sur le phénotype viral.

2. Culture cellulaire et analyse du phénotype viral

Des clones infectieux de DENV-2 de type sauvage du Pacifique Sud ont été construits en utilisant la méthode d’assemblage de Gibson. La taille des plages, le taux de réplication et l’effet du virus sur la réponse à l’interféron (IFN) ont été déterminés par des expériences de plages et la culture de cellules de carcinome hépatocellulaire humain (cellules Huh-7) et de cellules épithéliales rénales de singe vert africain (cellules Vero).

3. Expériences in vivo et in vitro

Pour vérifier l’impact des mutations génétiques sur le phénotype viral, l’équipe de recherche a injecté des souches virales portant différentes mutations génétiques dans des souris AG129 (souris dépourvues de récepteurs d’interféron de type I et II) et des moustiques Aedes aegypti, mesurant l’efficacité de réplication et la capacité de transmission du virus chez différents hôtes.

4. Modélisation moléculaire et analyse bio-informatique

L’impact des mutations sur l’expression des protéines virales a été analysé par Western blot et immunofluorescence. De plus, l’équipe a effectué une modélisation moléculaire des protéines et une analyse de la distribution des charges pour explorer les effets potentiels des mutations sur la structure et la fonction des protéines virales.

Résultats de la recherche

1. Génétique virale et phylogénie

Grâce à l’analyse phylogénétique du génome complet, l’équipe de recherche a identifié trois mutations spécifiques : I78M homotypique à la position 78 de la protéine non structurale 4a (NS4a), H86R histidine-arginine à la position 86 de la protéine prémembranaire (prM) et S115G sérine-glycine à la position 115 de la protéine non structurale 2a (NS2a). Parmi celles-ci, seule la mutation prM H86R était associée à l’atténuation du virus.

2. Réplication virale et traduction des protéines

Dans les cellules Huh-7, la souche DENV-2 des Tonga a montré un taux de réplication plus faible et une expression plus faible des protéines liées à l’infection (telles que NS3, E et prM), phénotypes également significatifs dans les souches virales portant des mutations spécifiques. Lorsque la mutation prM H86R a été restaurée par génétique inverse, la taille des plages virales a augmenté et le taux de réplication s’est amélioré. Cela indique que cette mutation a réduit l’efficacité de traduction du virus dans les cellules de mammifères.

3. Avantage d’infection virale

Chez Aedes aegypti, la mutation prM H86R a significativement augmenté l’efficacité d’infection du virus dans l’intestin du moustique. Cette mutation pourrait favoriser la transmission du virus dans l’environnement alcalin de l’intestin du moustique (pH 8,5 à 9,5), potentiellement en augmentant l’efficacité de liaison du virus aux glycanes de la membrane cellulaire du moustique.

4. Recombinaison et détection

Le séquençage du génome complet des virus mutants après transfection cellulaire a révélé que le remplacement de gènes utilisant le gène DENV-4 n’était pas stable. Cela suggère que l’impact de cette mutation peut varier selon le contexte génétique, validant davantage la complexité des interactions génétiques (répulsion/synergie) entre différentes souches virales.

Conclusions et implications de l’étude

Grâce à cette étude, les scientifiques ont découvert la mutation H86R au site 86 de la protéine prM, qui entraîne une diminution de l’efficacité de traduction du virus dans les cellules de mammifères, mais améliore sa capacité de transmission chez Aedes aegypti. Cette découverte suggère que le virus de la dengue peut présenter différents mécanismes d’adaptation et stratégies moléculaires chez différents hôtes, maximisant ainsi son efficacité de transmission tout en réduisant l’impact pathologique sur l’hôte.

L’étude fournit non seulement de nouvelles perspectives pour comprendre l’épidémiologie et l’évolution du virus de la dengue, mais a également des implications importantes pour la conception de vaccins et le contrôle des maladies infectieuses. À l’avenir, une étude approfondie de la façon dont les gènes viraux affectent la transmission entre hôtes et les manifestations cliniques aidera les scientifiques à mieux concevoir des stratégies de prévention et de contrôle efficaces.

Points forts de la recherche

  1. Identification d’une mutation génétique unique : Grâce au séquençage du génome et aux méthodes de génétique inverse, l’équipe de recherche a réussi à établir la correspondance entre la mutation prM H86R et le phénotype viral.
  2. Étude inter-hôtes : L’étude a révélé différents phénotypes du virus chez différents hôtes, ouvrant de nouvelles perspectives pour comprendre l’évolution adaptative du virus.
  3. Analyse des mécanismes moléculaires : Par Western blot et modélisation moléculaire, l’impact de la mutation prM H86R sur l’expression et la structure des protéines virales a été révélé, jetant les bases de la compréhension des mécanismes d’interaction virus-hôte.

Cette étude fournit de nouvelles perspectives sur les mécanismes d’évolution et de transmission du virus de la dengue, et offre une base scientifique pour la prévention et le contrôle futurs des épidémies de dengue. La recherche démontre une combinaison organique de la biologie moléculaire, de la phylogénétique et de l’étude de la transmission inter-hôtes, illustrant les vastes perspectives de la recherche virologique moderne.