La méthylation de l'ARNm m6A dans la graisse brune régule la sensibilité systémique à l'insuline via un axe de signalisation de prostaglandine inter-organes indépendant de l'UCP1

Rôle de la méthylation m6A de l’ARNm dans le tissu adipeux : Découverte révolutionnaire de l’axe de signalisation des prostaglandines interorganes dans la régulation de la sensibilité à l’insuline

Contexte et motivation de l’étude

Ces dernières années, le rôle potentiel du tissu adipeux brun (Brown Adipose Tissue, BAT) dans la régulation métabolique de l’organisme a attiré une large attention. Le BAT est largement reconnu pour sa thermogenèse médiée par la protéine découplante 1 (UCP1), caractérisé par sa consommation d’énergie et sa réduction de la graisse corporelle lors de l’exposition au froid, ce qui en fait une cible importante pour le traitement de l’obésité et du syndrome métabolique. Cependant, en dehors de sa fonction thermogénique, le BAT influence également le métabolisme global via la sécrétion de facteurs, notamment la régulation de l’utilisation du glucose, des acides gras et des acides aminés à chaîne ramifiée. Bien que l’activation du BAT soit généralement accompagnée d’une forte expression de l’UCP1, des preuves croissantes suggèrent que des mécanismes indépendants de l’UCP1 peuvent également jouer un rôle dans la régulation métabolique du tissu adipeux.

Les auteurs de cette étude proposent que l’épissage épigénétique de l’adénosine méthylée en position N6 (m6A), communément présent dans l’ARNm, pourrait jouer un rôle clé dans la fonction sécrétoire du BAT et la régulation de la sensibilité globale à l’insuline. Plus précisément, l’étude se concentre sur une enzyme d’écriture de m6A, à savoir la protéine méthyltransférase 14 (METTL14), pour explorer son influence sur la sensibilité à l’insuline dans le BAT, et révéler ainsi comment le m6A pourrait affecter le métabolisme global en régulant les sécrétions du BAT.

Origine de l’étude

Cette étude a été menée par Ling Xiao et son équipe, composée de membres du Joslin Diabetes Center, de la Harvard Medical School, de l’Université de Chicago, de l’Université de Finlande orientale et de l’Université de Leipzig en Allemagne. Les résultats de la recherche ont été publiés dans le numéro d’octobre 2024 de la revue « Cell Metabolism ». Grâce à une collaboration multi-institutionnelle et à une conception expérimentale interdisciplinaire, l’équipe a apporté un éclairage approfondi sur la biologie moléculaire et le métabolisme.

Processus de l’étude

L’équipe de recherche a généré des souris knock-out spécifiques au BAT, où le gène METTL14 était supprimé (M14KO), afin d’analyser leur sensibilité à l’insuline, leur tolérance au glucose et leur réponse métabolique sous différents régimes alimentaires (régime riche en graisses et régime pauvre en graisses). Les expériences incluaient :

  1. Analyse de l’expression génique : Tout d’abord, les auteurs ont détecté l’expression de METTL14 dans des échantillons humains et murins en état d’obésité, découvrant que le METTL14 était significativement augmenté dans le BAT des populations obèses et des souris soumises à un régime riche en graisses.

  2. Création et test du modèle murin : En croisant des souris floxées METTL14 avec des souris UCP1-Cre, ils ont obtenu un modèle murin où le METTL14 était spécifiquement supprimé dans le BAT (M14KO). L’étude a confirmé que le METTL14 était absent dans le BAT des souris M14KO, et que cette suppression n’affectait pas les autres tissus métaboliques.

  3. Test de tolérance à l’insuline : Sous régimes contrôlés et riches en graisses, les M14KO ont montré une sensibilité à l’insuline et une tolérance au glucose grandement améliorées, phénomène constant indépendamment du sexe des souris ou des variations de poids.

  4. Expériences d’exposition au froid : Pour explorer le rôle potentiel de l’UCP1 dans ce processus, les chercheurs ont testé les M14KO à des températures basses (5℃) et neutres (30℃). Les résultats ont montré que, quelle que soit l’activité de l’UCP1, les M14KO maintenaient une sensibilité améliorée à l’insuline, suggérant que la suppression de METTL14 améliore la sensibilité à l’insuline indépendamment de l’UCP1.

  5. Analyse lipidomique : À l’aide de la chromatographie liquide-spectrométrie de masse, l’étude a identifié que la prostaglandine E2 (PGE2) et la prostaglandine F2α (PGF2α) étaient significativement augmentées dans le BAT des M14KO et dans les cellules de graisse brune humaines (HBAT), validant ainsi leur libération par le BAT et explorant leur rôle dans la régulation de la sensibilité à l’insuline.

  6. Expériences cellulaires et de co-culture : Grâce à des expériences in vitro, les chercheurs ont évalué l’effet de la PGE2 et de la PGF2α sur les hépatocytes, les cellules musculaires squelettiques et les adipocytes blancs, découvrant qu’elles pouvaient renforcer significativement la phosphorylation de l’Akt dans la voie de signalisation de l’insuline au niveau cellulaire.

  7. Expériences de neutralisation : Pour confirmer l’action de la PGE2, les chercheurs ont utilisé des anticorps neutralisants pour bloquer la PGE2 chez les M14KO, ce qui a montré une inhibition partielle de la sensibilité à l’insuline, confirmant davantage la contribution de la PGE2 à la sensibilité à l’insuline chez les M14KO.

Résultats de l’étude

  1. Amélioration de la sensibilité à l’insuline : Les souris M14KO ont montré une amélioration significative de la sensibilité à l’insuline et, que ce soit lors d’une exposition au froid ou en condition neutre, cette amélioration n’a pas été affectée, prouvant que la suppression de METTL14 affecte le métabolisme par des mécanismes indépendants de l’UCP1.

  2. Changements dans les sécrétions du BAT : À travers l’analyse lipidomique et la spectrométrie de masse, l’étude a identifié une augmentation du contenu en PGE2 et PGF2α dans le BAT des M14KO. Des expériences supplémentaires ont montré que ces deux prostaglandines pouvaient renforcer le signal de l’insuline dans le foie, les muscles squelettiques et le tissu adipeux blanc, favorisant ainsi l’absorption du glucose.

  3. Mécanisme d’action des prostaglandines : Les résultats des expériences in vivo et in vitro ont montré que la PGE2 et la PGF2α favorisaient la sensibilité à l’insuline via l’activation de la voie de signalisation de l’Akt, et que le blocage de leurs récepteurs affaiblissait considérablement leur effet. L’étude a révélé que la PGE2 contribue à renforcer le signal de l’Akt en inhibant l’activité des phosphatases protéiques telles que PHLPP et SHIP1/2.

  4. Rôle de la modification m6A dans la régulation de l’expression génique : L’analyse par séquençage ARN et précipitation immunitaire m6A a montré que la suppression de METTL14 entraînait une hypométhylation des ARNm codant pour les enzymes de synthèse de la PGE2 et de la PGF2α (tel que PTGES2 et CBR1), retardant ainsi leur dégradation et augmentant les niveaux protéiques. METTL14 régule la stabilité de ces ARNm via les protéines YTHDF2/3, promouvant finalement la sécrétion de prostaglandines.

  5. Analyse de corrélation chez l’homme : Dans plusieurs cohortes humaines, l’étude a trouvé une corrélation négative entre les niveaux de PGE2 et de PGF2α avec l’IMC et la sensibilité à l’insuline, soutenant davantage le rôle de ces prostaglandines dans la régulation métabolique humaine.

Conclusion et implications de l’étude

Cette étude révèle pour la première fois le mécanisme par lequel METTL14 régule la fonction sécrétoire du BAT via la modification m6A, découvrant qu’il peut améliorer significativement la sensibilité globale à l’insuline en régulant la synthèse de prostaglandines. Ce processus opère indépendamment du mécanisme de thermogenèse médié par l’UCP1, offrant de nouvelles perspectives et cibles potentielles pour la régulation métabolique. En particulier, l’étude confirme le rôle de la PGE2 et de la PGF2α sécrétées par le BAT en tant que régulateurs de la sensibilité à l’insuline, une découverte qui élargit notre compréhension de comment le BAT impacte le métabolisme en dehors des conditions thermogéniques.

L’étude souligne par ailleurs que la PGE2 et la PGF2α, efficaces dans le modèle murin, montrent également des propriétés similaires de régulation métabolique dans les cohortes humaines. Cela fournit une base théorique pour des interventions futures sur les maladies métaboliques en ciblant les facteurs sécrétoires du BAT. Globalement, cette recherche offre un nouveau mécanisme biologique, dans lequel le signal des prostaglandines dans les sécrétions du BAT améliore la sensibilité globale à l’insuline, ouvrant ainsi une nouvelle direction potentielle pour le traitement de l’obésité et des maladies métaboliques associées.