Dépistage par tomodensitométrie à faible dose chez les femmes est-asiatiques n'ayant jamais fumé : association entre les antécédents familiaux de cancer du poumon et la prévalence et la croissance des nodules en verre dépoli
Dépistage par tomodensitométrie à faible dose chez les femmes asiatiques non-fumeuses : association entre les antécédents familiaux de cancer du poumon et la prévalence et la croissance des nodules en verre dépoli
Contexte académique
Le cancer du poumon est la principale cause de mortalité liée au cancer dans le monde, et le tabagisme est un facteur de risque bien établi. La tomodensitométrie à faible dose (low-dose CT, LDCT) est un outil efficace pour le dépistage précoce du cancer du poumon chez les fumeurs. Cependant, les statistiques mondiales estiment qu’environ 25 % des cas de cancer du poumon surviennent chez des individus n’ayant jamais fumé, en particulier chez les patients asiatiques, où plus d’un tiers des cas de cancer du poumon non à petites cellules (non–small cell lung cancer, NSCLC) surviennent chez des non-fumeurs. De plus, les individus n’ayant jamais fumé représentent un tiers des décès par cancer du poumon. Cela met en évidence un manque dans le dépistage du cancer du poumon pour les non-fumeurs, contrairement au programme de dépistage par LDCT établi pour les fumeurs.
En Asie, la fraction attribuable au tabac dans le cancer du poumon est plus faible chez les femmes (58 %) que chez les hommes (81 %), et plus de 50 % des cancers du poumon chez les femmes asiatiques surviennent chez des individus n’ayant jamais fumé. Une méta-analyse récente a montré que le risque relatif de cancer du poumon détecté par dépistage LDCT était significativement plus élevé chez les femmes asiatiques n’ayant jamais fumé que chez les hommes avec ou sans antécédents de tabagisme. L’essai de dépistage du cancer du poumon chez les non-fumeurs à Taïwan (TALENT) a démontré de manière prospective un taux élevé de détection du cancer chez les participantes, en particulier celles ayant des antécédents familiaux de cancer du poumon (family history of lung cancer, FHLC). Ces résultats soulignent la nécessité de modèles de risque de cancer du poumon spécifiques à l’Asie et de programmes de dépistage adaptés aux caractéristiques épidémiologiques uniques de cette population.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Ji Young Lee, Seung Ho Choi, Hyungjin Kim, Jin Mo Goo et Soon Ho Yoon du département de radiologie de l’hôpital universitaire national de Séoul, et publié dans le volume 313, numéro 3 de la revue Radiology en 2024. L’étude a été financée par un programme de recherche de l’hôpital universitaire national de Séoul (numéro de subvention : 05-2023-0010).
Objectif de l’étude
Cette étude visait à explorer les différences dans la progression des nodules en verre dépoli (ground-glass nodules, GGNs) vers le cancer du poumon lors du dépistage par LDCT chez les femmes asiatiques n’ayant jamais fumé, avec et sans FHLC, et à examiner les associations entre les FHLC et la prévalence et la croissance des GGNs.
Méthodes de recherche
Population étudiée
Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique incluant des femmes asiatiques ayant subi une LDCT de base dans le cadre d’un bilan de santé entre janvier 2011 et décembre 2015 au centre de santé Gangnam de l’hôpital universitaire national de Séoul. Les critères d’exclusion étaient des antécédents personnels de cancer du poumon ou un historique actuel ou passé de tabagisme. L’étude a inclus 10 151 patientes, dont 694 (6,8 %) ont déclaré des FHLC et 9 457 (93,2 %) n’en avaient pas.
Identification et évaluation des GGNs
Pendant la période d’étude, des radiologues certifiés ont interprété les scanners thoraciques et rédigé des rapports CT formels. Les GGNs comprenaient à la fois des GGNs partiellement solides (composants en verre dépoli et solides) et des GGNs purs (sans composants solides). Le coordinateur de l’étude a recherché la présence de GGNs en utilisant des mots-clés dans les rapports CT. La persistance des lésions a été confirmée par des scanners CT multiples chez le même individu. Selon les directives de la Fleischner Society, un suivi CT était recommandé entre 3 mois et 1 an après la détection initiale d’un GGN. Si la lésion persistait lors du premier suivi, un suivi annuel était recommandé.
Analyse des données
Les patientes ont été classées en fonction de la présence ou de l’absence de FHLC. Les tests du χ² ou de Fisher exact et les tests t à deux échantillons ou de Mann-Whitney U ont été utilisés pour comparer les différences entre les groupes pour les données catégorielles et continues, respectivement. Les tests du χ² ont été utilisés pour comparer la persistance, la multiplicité et la croissance des GGNs ainsi que l’incidence du cancer du poumon. Des analyses de régression logistique univariée et multivariée ont été réalisées pour explorer les associations potentielles entre les caractéristiques de base et la prévalence des GGNs persistants et multiples. Pour la croissance des GGNs, une courbe de Kaplan-Meier a été construite, et le test du log-rank a été utilisé pour comparer l’incidence cumulative de la croissance des GGNs en fonction de la présence de FHLC. Des analyses de régression de Cox univariée et multivariée ont été réalisées pour évaluer l’utilité pronostique de FHLC pour la croissance des GGNs.
Résultats de l’étude
Caractéristiques de base et résultats des GGNs et du cancer du poumon
Sur les 10 151 patientes, 515 (5,1 %) avaient des GGNs persistants, 199 (2,0 %) avaient des GGNs multiples, 49 (0,5 %) ont connu une croissance des GGNs et 31 (0,3 %) ont reçu un diagnostic de cancer du poumon. Les patientes avec FHLC avaient une prévalence plus élevée de GGNs persistants (8,2 % contre 4,8 %), de GGNs multiples (3,7 % contre 1,8 %), de croissance des GGNs (1,3 % contre 0,4 %) et une incidence plus élevée de cancer du poumon (0,9 % contre 0,3 %) que celles sans FHLC.
Association entre la croissance des GGNs et le cancer du poumon
Dans l’analyse multivariée, FHLC était associé à une prévalence accrue de GGNs persistants (OR, 1,69 ; p < 0,001) et de GGNs multiples (OR, 2,02 ; p = 0,001), et était un facteur de risque indépendant pour la croissance des GGNs sur une période de 10 ans (HR, 2,14 ; p = 0,04).
Conclusion
Chez les femmes asiatiques n’ayant jamais fumé, les antécédents familiaux de cancer du poumon (FHLC) étaient associés à une prévalence accrue de GGNs persistants et multiples, et constituaient un facteur de risque indépendant pour la croissance des GGNs sur une période de 10 ans. Cela suggère la nécessité de stratégies de dépistage et de gestion par CT spécifiquement conçues pour cette population à haut risque, afin d’améliorer la détection précoce et le traitement du cancer du poumon, et finalement de prolonger la survie.
Points forts de l’étude
- Découverte importante : FHLC augmente significativement la persistance et la multiplicité des GGNs chez les femmes asiatiques n’ayant jamais fumé, et constitue un facteur de risque indépendant pour la croissance des GGNs.
- Innovation méthodologique : Cette étude est la première à explorer systématiquement l’impact de FHLC sur la croissance des GGNs et le développement du cancer du poumon, comblant une lacune dans ce domaine.
- Valeur appliquée : Les résultats fournissent une base importante pour élaborer des stratégies de dépistage du cancer du poumon spécifiquement adaptées aux femmes asiatiques n’ayant jamais fumé, améliorant ainsi les taux de diagnostic précoce et de traitement efficace.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que les antécédents personnels ou familiaux d’autres cancers étaient associés à la persistance des GGNs, mais pas à leur croissance. Cela suggère que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer le rôle potentiel de ces facteurs dans le dépistage du cancer du poumon. En outre, l’étude souligne l’importance d’éviter le surdiagnostic dans le dépistage du cancer du poumon, en particulier dans la gestion des GGNs.