Dysfonction cardiaque chez les survivantes du cancer du sein : rôle de la thérapie cardiotoxique et des facteurs de risque cardiovasculaire
Dysfonction cardiaque chez les survivantes du cancer du sein : rôle des thérapies cardiotoxiques et des facteurs de risque cardiovasculaire
Contexte académique
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes. Grâce aux avancées dans le dépistage précoce et les nouvelles thérapies, le taux de survie à 5 ans dépasse désormais 90 %. Cependant, avec l’augmentation du nombre de survivantes du cancer du sein, la qualité de vie après le traitement devient de plus en plus importante. Les maladies cardiovasculaires sont l’une des principales causes de mortalité chez les survivantes du cancer du sein après 10 ans. En particulier, les patientes ayant reçu des traitements cardiotoxiques (comme les anthracyclines, le trastuzumab/pertuzumab, ou la radiothérapie) présentent un risque significativement plus élevé de dysfonction cardiaque par rapport à celles qui n’ont pas reçu ces traitements.
Bien que des études antérieures aient montré un lien entre les traitements cardiotoxiques et la dysfonction cardiaque, les informations sur les risques à long terme restent limitées, ce qui a entravé l’élaboration de lignes directrices pour la surveillance des survivantes du cancer du sein. Par conséquent, cette étude vise à combler cette lacune en explorant l’impact à long terme des thérapies cardiotoxiques et des facteurs de risque cardiovasculaires sur la dysfonction cardiaque chez les survivantes du cancer du sein.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Geoffrey Bostany, Yanjun Chen, Liton Francisco, Chen Dai, Qingrui Meng, Jessica Sparks, Min Sessions, Lisle Nabell, Erica Stringer-Reasor, Katia Khoury, Carrie Lenneman, Kimberly Keene, Saro Armenian, Wendy Landier et Smita Bhatia. Ces auteurs sont affiliés à l’Institut des résultats et de la survie au cancer de l’Université d’Alabama à Birmingham (UAB), au département d’hématologie/oncologie, au département de cardiologie, au département de radiothérapie, ainsi qu’au département d’oncologie pédiatrique de la Ville de l’Espoir (City of Hope). L’article a été publié le 4 juin 2024 dans le Journal of Clinical Oncology.
Méthodologie de l’étude
Population étudiée et sélection
L’étude a inclus 829 survivantes du cancer du sein qui ont subi un dépistage par échocardiographie tous les deux ans après avoir terminé un traitement cardiotoxique. L’âge médian des participantes était de 54,2 ans, et la durée médiane de suivi était de 8,6 ans. Parmi elles, 39,7 % avaient reçu des anthracyclines, 16 % avaient reçu du trastuzumab/pertuzumab, 6,2 % avaient reçu à la fois des anthracyclines et du trastuzumab/pertuzumab, et 38,1 % avaient reçu uniquement une radiothérapie.
Définition de la dysfonction cardiaque
La dysfonction cardiaque a été définie comme une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) inférieure à 50 % après le début du traitement cardiotoxique. L’étude a distingué la dysfonction cardiaque précoce (survenant dans les 2 ans suivant le début du traitement) et tardive (survenant après 2 ans).
Analyse des données
L’étude a utilisé la technique de Kaplan-Meier pour calculer l’incidence cumulative de la dysfonction cardiaque et a évalué l’association entre l’exposition aux traitements et la dysfonction cardiaque à l’aide de modèles de risques proportionnels de Cox. De plus, une analyse longitudinale a été menée pour explorer les tendances des paramètres échocardiographiques avant l’apparition de la dysfonction cardiaque.
Résultats principaux
Incidence cumulative de la dysfonction cardiaque
L’étude a évalué 2808 échocardiographies et a constaté que l’incidence cumulative de la dysfonction cardiaque est passée de 1,8 % à 2 ans après le début du traitement à 15,3 % à 15 ans. L’analyse multivariée de Cox a révélé que la race noire non hispanique, l’exposition aux anthracyclines, l’utilisation de modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERMs) et l’hypertension préexistante au cancer étaient des facteurs de risque significatifs de dysfonction cardiaque.
Risque de dysfonction cardiaque selon les expositions thérapeutiques
L’étude a montré que les patientes ayant reçu une combinaison d’anthracyclines et de trastuzumab/pertuzumab présentaient le risque le plus élevé de dysfonction cardiaque (HR=3,92). La dysfonction cardiaque tardive était plus fréquente chez les patientes exposées aux anthracyclines et à la radiothérapie, tandis que la dysfonction cardiaque précoce était plus courante chez celles ayant reçu une combinaison d’anthracyclines et de trastuzumab/pertuzumab.
Impact des facteurs de risque cardiovasculaires
L’étude a également révélé que les facteurs de risque cardiovasculaires (comme l’hypertension, l’hyperlipidémie et l’obésité) augmentaient significativement le risque de dysfonction cardiaque. En particulier, l’hypertension préexistante au cancer multipliait par trois le risque de dysfonction cardiaque.
Évolution longitudinale des paramètres échocardiographiques
L’analyse longitudinale a montré que la FEVG des survivantes du cancer du sein diminuait de 0,29 % par an, et que cette tendance à la baisse était déjà observable avant l’apparition de la dysfonction cardiaque.
Conclusion
Cette étude fournit des preuves soutenant la surveillance échocardiographique pendant plusieurs années après un traitement cardiotoxique et souligne l’importance de la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires pour réduire le risque de dysfonction cardiaque. Les résultats montrent également que le risque de dysfonction cardiaque augmente avec le temps chez les survivantes du cancer du sein après un traitement cardiotoxique, et que les facteurs de risque cardiovasculaires exacerbent ce risque.
Points forts de l’étude
- Évaluation des risques à long terme : Cette étude est la première à évaluer les risques à long terme de dysfonction cardiaque chez les survivantes du cancer du sein dans un contexte réel, comblant ainsi une lacune importante dans ce domaine.
- Identification des facteurs de risque : L’étude a identifié des facteurs de risque significatifs tels que la race noire non hispanique, l’exposition aux anthracyclines, l’utilisation de SERMs et l’hypertension préexistante au cancer.
- Importance de la surveillance précoce : Les résultats suggèrent que la surveillance échocardiographique précoce peut identifier les patientes à haut risque de dysfonction cardiaque, permettant ainsi une intervention précoce.
Signification de l’étude
Les résultats de cette étude ont des implications importantes pour la gestion à long terme des survivantes du cancer du sein. Ils soutiennent la surveillance échocardiographique pendant plusieurs années après un traitement cardiotoxique et soulignent l’importance de la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires. De plus, l’étude fournit une base scientifique pour l’élaboration de lignes directrices sur la surveillance de la santé cardiaque chez les survivantes du cancer du sein.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que l’exposition à de faibles doses d’anthracyclines (≤250 mg/m²) seule peut augmenter le risque de dysfonction cardiaque, même en l’absence d’autres expositions thérapeutiques. Cette découverte suggère que même de faibles doses d’anthracyclines nécessitent une surveillance cardiaque à long terme.
Cette étude fournit des bases scientifiques importantes pour la gestion de la santé cardiaque des survivantes du cancer du sein, soulignant l’importance de la surveillance à long terme et de la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires.