Amélioration de la localisation et des mesures des ondes M grâce à l'électromyographie de surface à haute densité
Amélioration de la localisation et de la mesure des ondes M grâce à l’électromyographie de surface à haute densité
Contexte académique
L’électromyographie de surface (surface electromyography, sEMG) est un outil essentiel pour étudier la fonction musculaire et contrôler les prothèses. Cependant, l’efficacité de la sEMG est souvent limitée par les interférences provenant des muscles voisins (cross talk). Ce problème est particulièrement prononcé dans des zones densément peuplées de muscles, comme l’avant-bras. Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont introduit la technique d’électromyographie de surface à haute densité (high-density sEMG, HD-sEMG), qui améliore la résolution spatiale et permet de mieux isoler les ondes M (potentiels d’action musculaire) des muscles cibles. Cette étude vise à évaluer les performances de la HD-sEMG dans la localisation des ondes M et à explorer le rôle des filtres spatiaux dans la réduction des interférences.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Ernesto H. Bedoy, Efrain A. Guirola Diaz et plusieurs autres chercheurs, affiliés à diverses institutions telles que l’Université de Pittsburgh et l’Université Carnegie Mellon aux États-Unis. L’article a été publié pour la première fois le 20 décembre 2024 dans le Journal of Neurophysiology, avec le DOI 10.1152/jn.00354.2024.
Déroulement de l’étude
1. Sujets de l’étude et conception expérimentale
L’étude a recruté cinq volontaires droitiers en bonne santé (trois hommes, âgés de 24 à 40 ans). Tous les participants ont signé un consentement éclairé et remplissaient les critères d’inclusion de l’étude. L’objectif principal était de mesurer avec précision les ondes M des muscles de l’avant-bras en utilisant la technologie HD-sEMG, combinée à l’imagerie ultrasonore, et d’évaluer l’efficacité de différents filtres spatiaux (monopolaire, bipolaire et tripolaire) pour réduire les interférences.
2. Placement des électrodes HD-sEMG et enregistrement
Les chercheurs ont placé une grille HD-sEMG de 64 électrodes (SAGA 64+, TMSi) sur l’avant-bras droit des participants, avec un espacement de 8,75 mm entre les électrodes. La grille couvrait plusieurs muscles de l’avant-bras, et la position et les limites des muscles ont été confirmées par imagerie ultrasonore. Au cours de l’expérience, les nerfs médian, ulnaire et radial des participants ont été stimulés électriquement pour activer sélectivement les muscles cibles.
3. Traitement et analyse des signaux
Les chercheurs ont utilisé un script MATLAB personnalisé pour traiter les données HD-sEMG. Tout d’abord, les artefacts causés par la stimulation électrique ont été supprimés, puis un filtre passe-haut de 10 Hz a été appliqué. L’amplitude des ondes M a été quantifiée par des mesures de pic à pic, et des courbes de recrutement ont été générées à différentes intensités de stimulation. Pour détecter les interférences, les coefficients de corrélation linéaire entre les paires d’électrodes ont été calculés, et les zones d’activation musculaire ont été confirmées par imagerie ultrasonore.
4. Application des filtres spatiaux
L’étude a comparé l’efficacité des filtres spatiaux monopolaire, bipolaire et tripolaire pour réduire les interférences. Les résultats ont montré que le filtre tripolaire était le plus efficace pour réduire les interférences, en particulier à des intensités de stimulation élevées.
Résultats principaux
1. Localisation des ondes M et interférences
L’étude a montré que la HD-sEMG permettait d’isoler avec succès les ondes M dans les muscles de l’avant-bras, en particulier à faible intensité de stimulation, où les interférences étaient minimales. Cependant, à mesure que l’intensité de stimulation augmentait, les interférences devenaient significatives. L’application de filtres spatiaux bipolaire et tripolaire a permis de réduire efficacement ces interférences. Le filtre tripolaire s’est particulièrement distingué, réduisant les interférences à des niveaux négligeables.
2. Rôle de l’imagerie ultrasonore
L’imagerie ultrasonore a joué un rôle clé dans la confirmation des limites et de la position des muscles. Grâce à cette technique, les chercheurs ont pu identifier avec précision les muscles sous la grille HD-sEMG et distinguer l’activation musculaire réelle des interférences.
3. Efficacité des filtres spatiaux
Les résultats ont montré que la HD-sEMG monopolaire présentait une corrélation élevée entre les paires d’électrodes (transverse r=0,97, longitudinal r=0,95), tandis que les filtres bipolaire et tripolaire présentaient des corrélations plus faibles (bipolaire : transverse r=0,41, longitudinal r=0,19 ; tripolaire : transverse r=0,17, longitudinal r=0,01). Le filtre tripolaire a permis de réduire significativement les interférences, avec une atténuation de l’amplitude du signal de 51,10 % à une distance d’une électrode, contre seulement 10,32 % pour le filtre monopolaire.
Conclusion et signification
Cette étude a permis d’améliorer la précision de la localisation des ondes M grâce à la combinaison de la technologie HD-sEMG et de l’imagerie ultrasonore, tout en réduisant efficacement les interférences. Le filtre spatial tripolaire s’est avéré le plus efficace pour réduire les interférences, améliorant ainsi la précision des mesures d’activation musculaire. Ces résultats offrent de nouveaux outils pour la recherche en neurophysiologie, en particulier pour l’évaluation de l’intégrité des voies motrices et le développement d’outils de rééducation neurologique.
Points forts de l’étude
- Méthode innovante : Cette étude est la première à combiner la HD-sEMG avec l’imagerie ultrasonore, offrant une nouvelle approche pour mesurer et localiser avec précision les ondes M.
- Réduction efficace des interférences : L’application du filtre tripolaire a permis de réduire les interférences à des niveaux négligeables, améliorant ainsi la précision des mesures.
- Potentiel clinique : Cette technique peut être utilisée pour développer des systèmes de contrôle de prothèses plus précis et offrir de nouveaux outils d’évaluation pour la rééducation des patients atteints de lésions neurologiques.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que les interférences étaient particulièrement prononcées aux limites des muscles de l’avant-bras, et que l’imagerie ultrasonore jouait un rôle crucial pour distinguer les zones d’activation musculaire des interférences. De plus, les données de l’étude et les codes d’analyse ont été rendus publics, permettant à d’autres chercheurs de les valider et de les appliquer.
Grâce à cette étude, les chercheurs ont non seulement résolu le problème des interférences dans la technologie HD-sEMG, mais ont également ouvert de nouvelles perspectives pour la recherche en neurophysiologie et les applications cliniques futures.