Démêler le métabolisme des glycosphingolipides dans les tumeurs neuroblastiques à l'aide d'une analyse de réseau pondérée par transcriptome

Analyse du métabolisme des glycosphingolipides dans le neuroblastome par une approche de réseau pondéré par transcriptome

Contexte

Les glycosphingolipides (GSLs) sont des lipides membranaires composés d’un squelette de céramide lié à une chaîne glucidique (glycan). Ils jouent un rôle crucial dans la signalisation cellulaire, les interactions intercellulaires et la tumorigenèse. Le neuroblastome (NB) est la tumeur solide extracrânienne la plus fréquente chez les enfants, caractérisée par une hétérogénéité biologique et clinique importante. Les anomalies du métabolisme des GSLs dans le neuroblastome sont étroitement liées à la progression tumorale, au pronostic et à la réponse thérapeutique, en particulier le GD2, un GSL spécifique, qui est devenu une cible pour l’immunothérapie du neuroblastome. Cependant, la complexité du métabolisme des GSLs rend son analyse particulièrement difficile, notamment en ce qui concerne l’inférence de l’activité métabolique à partir des données de transcriptome.

Pour relever ce défi, une équipe de recherche du Centre médical universitaire de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne) a publié en 2024 une étude intitulée Unraveling the glycosphingolipid metabolism by leveraging transcriptome-weighted network analysis on neuroblastic tumors. Cette étude propose une nouvelle méthode basée sur les données de transcriptome et les informations topologiques du réseau métabolique pour distinguer les différentes séries du métabolisme des GSLs dans le neuroblastome. Cette recherche fournit non seulement un nouvel outil d’analyse pour le métabolisme des GSLs dans le neuroblastome, mais offre également des perspectives d’application pour l’étude du métabolisme dans d’autres types de tumeurs.

Source de l’article

L’article a été rédigé par Arsenij Ustjanzew, AnneKathrin Silvia Nedwed, Roger Sandhoff, Jörg Faber, Federico Marini et Claudia Paret, et publié dans la revue Cancer & Metabolism. L’équipe de recherche est issue du Centre médical universitaire de Mayence, du Centre allemand de recherche sur le cancer (German Cancer Research Center) et du Centre d’hématologie/oncologie pédiatrique de l’Université de Mayence. L’article a été publié en ligne le 11 octobre 2024 en accès libre, sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

Méthodologie de l’étude

1. Acquisition et prétraitement des données

L’équipe a utilisé deux ensembles de données publics de séquençage d’ARN (RNA-seq) : l’un provenant de la base de données GEO (GSE147635), contenant 6 échantillons de ganglioneurome (GN) et 15 échantillons de neuroblastome (NB) ; l’autre provenant de la base de données UCSC Xena, contenant 154 échantillons, dont 25 ganglioneuroblastomes (GNB) et 129 neuroblastomes (NB). Le prétraitement des données comprenait la normalisation, la transformation logarithmique et l’ajout d’un pseudo-compte pour assurer la comparabilité des données.

2. Construction du réseau métabolique

L’équipe a construit un réseau métabolique basé sur quatre voies de métabolisme des GSLs issues de la Kyoto Encyclopedia of Genes and Genomes (KEGG) (hsa00600, hsa00601, hsa00603, hsa00604). Ce réseau utilise les métabolites comme nœuds et les réactions comme arêtes, en combinant les données de transcriptome avec les scores d’activité des réactions (Reaction Activity Score, RAS) via les règles d’association gène-protéine-réaction (Gene-Protein-Reaction, GPR).

3. Calcul des scores d’activité des réactions (RAS)

Le RAS est utilisé pour quantifier l’activité de chaque réaction métabolique dans différents échantillons. L’équipe a calculé les valeurs RAS pour chaque réaction en utilisant les données d’expression génique des échantillons, en suivant les règles GPR. Pour les réactions impliquant plusieurs gènes, les valeurs RAS ont été calculées à l’aide d’opérateurs logiques (AND ou OR). Chaque échantillon a ainsi été associé à une matrice d’adjacence pondérée représentant l’activité de chaque réaction.

4. Ajustement par matrice de probabilité de transition (Transition Probability Matrix, TP)

Pour distinguer les quatre séries du métabolisme des GSLs (0-, A-, B- et C-séries), l’équipe a proposé trois méthodes d’ajustement des RAS basées sur la probabilité de transition (Transition Probability, TP) : - Ajustement TP simple : Basé sur les informations topologiques locales du réseau, ajuste les valeurs RAS de chaque réaction. - Ajustement TP récursif : Ajuste les valeurs RAS en calculant de manière récursive les valeurs TP des nœuds prédécesseurs. - Ajustement TP par chemin : Calcule les valeurs TP le long des chemins partant d’un nœud spécifique (comme le lactosylcéramide) et ajuste les valeurs RAS en conséquence.

5. Apprentissage non supervisé et analyse de clustering

L’équipe a utilisé l’algorithme UMAP (Uniform Manifold Approximation and Projection) pour réduire la dimensionnalité des valeurs RAS ajustées, puis a appliqué l’algorithme HDBSCAN (Hierarchical Density-Based Spatial Clustering of Applications with Noise) pour regrouper les échantillons. En effectuant 1000 itérations de UMAP, l’équipe a évalué la stabilité des clusters et identifié les réactions caractéristiques de chaque cluster.

6. Analyse des différences d’activité des réactions

L’équipe a comparé les différences d’activité des réactions entre différents types de tumeurs (par exemple, NB vs GNB, NB avec amplification MYCN vs sans amplification MYCN). Le test de Kolmogorov-Smirnov (KS) a été utilisé pour calculer la significativité de chaque réaction, avec une correction pour les tests multiples via la méthode de Benjamini-Hochberg (BH).

Résultats principaux

1. Distinction des séries du métabolisme des GSLs

En ajustant les valeurs RAS, l’équipe a réussi à distinguer les quatre séries du métabolisme des GSLs. Les résultats montrent que les GNB ont tendance à exprimer des GSLs complexes de la série A, tandis que les NB (en particulier ceux avec amplification MYCN) expriment davantage des GSLs simples de la série B (comme le GD2). Ces résultats sont cohérents avec les études précédentes, indiquant que l’amplification MYCN est associée à une simplification du métabolisme des GSLs.

2. Corrélation entre l’expression de MYCN et le métabolisme des GSLs

L’étude a révélé une corrélation significative entre l’expression du gène MYCN et les gènes liés au métabolisme des GSLs (comme B3GALT4 et ST8SIA1). Dans les échantillons de NB avec amplification MYCN, l’expression de ST8SIA1 est élevée, tandis que celle de B3GALT4 est faible, suggérant que MYCN pourrait réguler ces gènes pour influencer le métabolisme des GSLs.

3. Identification de sous-groupes de NB par apprentissage non supervisé

Grâce à l’apprentissage non supervisé, l’équipe a identifié deux sous-groupes parmi les échantillons de NB : un sous-groupe caractérisé par une expression élevée des gènes de fucosyltransférases (FUT), et un autre par une expression élevée des gènes liés au métabolisme des sulfatides. Ces sous-groupes mettent en évidence l’hétérogénéité du métabolisme des GSLs dans le NB.

4. Analyse des différences d’activité des réactions

L’analyse des différences d’activité des réactions a montré que les échantillons de NB avec amplification MYCN présentaient une activité significativement plus élevée des réactions impliquées dans la synthèse du GD2 (comme R05940) par rapport aux GNB. De plus, les GNB montraient une activité plus élevée des réactions liées à la synthèse des GSLs de la série A, confirmant leur phénotype plus mature.

Conclusion et implications

Cette étude propose une nouvelle méthode basée sur les données de transcriptome et les informations topologiques du réseau métabolique pour distinguer les différentes séries du métabolisme des GSLs dans le neuroblastome. Les résultats révèlent une relation entre l’amplification MYCN et la simplification du métabolisme des GSLs, tout en identifiant des sous-groupes de NB grâce à l’apprentissage non supervisé. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement personnalisé du neuroblastome. De plus, cette méthode est applicable à d’autres voies métaboliques impliquant des enzymes à faible spécificité, offrant un potentiel d’application étendu.

Points forts de l’étude

  1. Méthode innovante : L’équipe a combiné pour la première fois les données de transcriptome avec les informations topologiques du réseau métabolique, proposant trois méthodes d’ajustement des RAS pour résoudre le problème de la distinction des séries du métabolisme des GSLs.
  2. Implications cliniques : L’étude révèle une relation entre l’amplification MYCN et la simplification du métabolisme des GSLs, fournissant de nouveaux biomarqueurs pour l’évaluation du pronostic et le traitement ciblé du neuroblastome.
  3. Applicabilité étendue : Cette méthode peut être appliquée à d’autres types de tumeurs, offrant un large potentiel pour la recherche sur le métabolisme.