Résultats rapportés par les patients 3 et 18 mois après une mastectomie et une reconstruction mammaire immédiate par implant prépectoral dans l'étude de cohorte multicentrique prospective PRE-BRA au Royaume-Uni

La mastectomie est une intervention chirurgicale courante dans le traitement du cancer du sein. Chaque année, environ 55 000 femmes sont diagnostiquées avec un cancer du sein au Royaume-Uni, et jusqu’à 40 % d’entre elles subiront une mastectomie. Cette procédure a un impact profond sur la santé physique et mentale des femmes. Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) recommande que la reconstruction mammaire soit systématiquement proposée pour améliorer la qualité de vie. La reconstruction mammaire par implants est la technique de reconstruction la plus utilisée dans le monde, mais elle a évolué rapidement au cours de la dernière décennie, avec un manque de preuves de haute qualité pour soutenir les meilleures pratiques.

Traditionnellement, la reconstruction mammaire par implants se déroulait en deux étapes : d’abord, un expanseur tissulaire était placé sous le muscle pectoral, suivi d’une deuxième intervention pour implanter une prothèse de volume fixe. Ces dernières années, l’utilisation de matrices biologiques et synthétiques a permis de créer une poche plus large sous le muscle pectoral lors de la première intervention, permettant ainsi l’insertion d’un implant de volume fixe en une seule étape. Cependant, bien que la reconstruction assistée par matrice sous le muscle pectoral soit rapidement devenue la norme, les avantages de cette technique manquent de preuves de haute qualité.

La dernière évolution technologique consiste à placer l’implant en position prépectorale (prepectoral) plutôt que sous le muscle pectoral. Cette technique évite “l’animation de l’implant” (implant animation), c’est-à-dire le mouvement ascendant de l’implant lors de la contraction des muscles de la paroi thoracique. En théorie, la reconstruction prépectorale a un impact moindre sur la fonction de la paroi thoracique et pourrait offrir de meilleurs résultats esthétiques que les techniques sous-pectorales. Cependant, la reconstruction par implants sous-cutanés a été abandonnée par le passé en raison de taux de complications élevés, d’où la nécessité de preuves de haute qualité pour démontrer la sécurité de la reconstruction prépectorale et son impact sur les résultats rapportés par les patients (Patient-Reported Outcomes, PROs).

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Kate L. Harvey, Leigh Johnson, Parisa Sinai, Nicola Mills, Paul White, Christopher Holcombe et Shelley Potter, affiliés respectivement aux University Hospitals Bristol and Weston NHS Foundation Trust, à la Bristol Medical School, au groupe de statistiques appliquées de l’Université de l’Ouest de l’Angleterre, au Royal Liverpool University Hospital et au Bristol Breast Care Centre du North Bristol NHS Trust. L’article a été publié en 2025 dans le British Journal of Surgery (BJS), avec le DOI 10.1093/bjs/znaf032.

Processus de l’étude

Conception de l’étude et participants

Cette étude est une cohorte observationnelle prospective monocentrique et multicentrique visant à évaluer l’impact de la reconstruction mammaire prépectorale (Prepectoral Breast Reconstruction, PPBR) sur les résultats rapportés par les patients. L’étude a reçu l’approbation du comité d’éthique (NRES Oxford-B South Central Committee ref:19/SC/0129, IRAS ID: 255421) et a été enregistrée de manière prospective avant le début du recrutement des participants (ISRCTN11898000).

L’étude a recruté des femmes ayant subi une mastectomie et opté pour une reconstruction mammaire immédiate par implants prépectoraux entre juillet 2019 et décembre 2020 dans 40 centres au Royaume-Uni. Les participantes devaient remplir le questionnaire Breast-Q avant l’intervention, puis à 3 et 18 mois après la chirurgie, et évaluer leur satisfaction globale à 18 mois. Sur les 343 femmes prévues pour une reconstruction prépectorale, 338 ont été incluses dans l’analyse, tandis que 4 ont été converties en reconstruction sous-pectorale en raison de problèmes de viabilité des lambeaux cutanés pendant l’intervention.

Collecte et analyse des données

Les participantes ont rempli le questionnaire Breast-Q sous forme électronique ou papier. Le questionnaire comprenait quatre dimensions principales : “Satisfaction avec les seins”, “Bien-être physique : poitrine”, “Bien-être sexuel” et “Bien-être psychosocial”. En outre, deux dimensions spécifiques à la reconstruction prépectorale ont été évaluées : “Satisfaction avec les implants” et “Déformation par animation”. Les scores du questionnaire ont été calculés selon les instructions des développeurs, et les scores non ajustés à 3 et 18 mois ont été comparés aux valeurs de base. Une analyse de régression linéaire a été utilisée pour explorer les facteurs influençant les résultats rapportés par les patients.

Résultats de l’étude

  1. Évolution des résultats rapportés par les patients : Par rapport aux scores de base, les femmes ont rapporté une diminution significative et cliniquement pertinente des scores de “Bien-être physique : poitrine” et de “Bien-être sexuel” à 3 et 18 mois après la chirurgie. Après ajustement pour les scores de base, à 18 mois, les femmes ayant subi une perte d’implant ou une chirurgie pour malignité ont obtenu des scores plus bas dans toutes les dimensions du Breast-Q.

  2. Satisfaction avec les implants : À 3 mois, environ 34,8 % des femmes étaient insatisfaites des rides/ondulations de leur sein reconstruit, une proportion qui a augmenté de manière significative à 45,6 % à 18 mois.

  3. Satisfaction globale : À 18 mois, deux tiers des femmes (66,5 %) ont évalué le résultat de leur reconstruction comme “excellent” ou “très bon”. Les femmes ayant subi des complications majeures, une perte d’implant ou étant insatisfaites des rides/ondulations de leur sein reconstruit ont rapporté une satisfaction globale plus faible.

Conclusion et implications

Cette étude montre que, bien que la reconstruction prépectorale évite la perturbation du muscle pectoral, les scores de “Bien-être physique : poitrine” des femmes diminuent de manière significative à 3 et 18 mois après la chirurgie. Les femmes ayant subi une perte d’implant ont obtenu des scores significativement plus bas dans toutes les dimensions du Breast-Q, et le taux de perte d’implant pourrait être plus élevé que précédemment rapporté. En outre, l’insatisfaction des femmes concernant les rides/ondulations de leur sein reconstruit a augmenté de manière significative à 18 mois, affectant leur satisfaction globale.

Points forts de l’étude

  1. Première étude multicentrique prospective : Cette étude est la première à évaluer l’impact longitudinal de la reconstruction prépectorale sur les résultats rapportés par les patients à l’aide d’un questionnaire validé.

  2. Taux de perte d’implant : L’étude suggère que le taux de perte d’implant pourrait être plus élevé que précédemment rapporté, et que les femmes ayant subi une perte d’implant étaient moins susceptibles de remplir les questionnaires de suivi, soulevant des inquiétudes supplémentaires concernant la sécurité de cette technique.

  3. Évolution des résultats rapportés par les patients : L’étude révèle que la reconstruction prépectorale n’améliore pas de manière significative les résultats rapportés par les patients, qui sont similaires à ceux de la reconstruction sous-pectorale.

Valeur pratique

Cette étude fournit des informations importantes aux femmes envisageant une reconstruction mammaire, les aidant à prendre des décisions éclairées basées sur des attentes réalistes concernant les résultats de la chirurgie. Les résultats soulignent la nécessité d’études supplémentaires à grande échelle pour explorer les résultats cliniques et rapportés par les patients à long terme de la reconstruction prépectorale, en particulier en ce qui concerne les pertes d’implant tardives (>3 mois) et l’impact de la radiothérapie sur la paroi thoracique sur ces résultats.

Autres informations utiles

L’étude a également révélé que, bien que la reconstruction prépectorale évite la perturbation du muscle pectoral, les femmes peuvent toujours ressentir une gêne et une tension dues aux cicatrices chirurgicales, affectant leur bien-être physique. En outre, l’étude suggère que les recherches futures devraient explorer davantage de facteurs influençant les résultats rapportés par les patients et fournir des données de suivi à plus long terme pour évaluer pleinement l’efficacité de la reconstruction prépectorale.


Grâce à cette étude, les auteurs ont apporté des perspectives précieuses dans le domaine de la reconstruction mammaire, soulignant l’importance de preuves de haute qualité dans un contexte d’évolution rapide des techniques. Les résultats ont des implications pratiques pour la clinique et ouvrent la voie à de futures recherches.