Vias et interconnexions électroniques souples par assemblage tridimensionnel rapide de microgouttelettes de métal liquide

Rapport sur la recherche de l’assemblage rapide en trois dimensions des microgouttelettes de métal liquide pour des circuits flexibles

Introduction : Contexte et importance de l’étude
Avec l’émergence des technologies électroniques flexibles dans divers domaines tels que la robotique douce, les dispositifs électroniques portables et les écrans flexibles, la problématique de connecter électriquement des couches de circuits flexibles et élastiques est devenue un défi central. Dans les dispositifs électroniques rigides traditionnels, des vias (trous traversants) sont fabriqués à l’aide de techniques bien établies telles que la gravure chimique ou plasma à l’échelle microscopique, puis utilisés pour connecter des couches. Toutefois, pour les dispositifs flexibles, ces techniques présentent des difficultés, notamment en raison de la viscosité des matériaux fluides, de la disparité des propriétés mécaniques et de process complexes et inefficaces pour remplir ces vias. De plus, dans les dispositifs flexibles, en raison de leur nature dynamique, les vias métalliques rigides introduisent des contraintes mécaniques, pouvant entraîner des défauts structurels et des échecs du dispositif.

Pour relever ces défis, cette étude propose une méthode innovante, basée sur la stratification des gouttelettes de métal liquide (LMMD – Liquid Metal Microdroplets) dans une résine photopolymérisée. Cette méthode exploite des caractéristiques de sédimentation et de polymérisation programmées pour réaliser rapidement des interconnexions électriques tridimensionnelles pour la fabrication de dispositifs électroniques flexibles. Les résultats de cette recherche pionnière, qui utilise le métal liquide en tant que matériau conducteur idéal, ont été publiés dans la revue Nature Electronics (vol. 7, novembre 2024).

Origine et informations sur les auteurs
Cet article a été réalisé par Dong Hae Ho, Chenhao Hu, Ling Li et Michael D. Bartlett, au département de génie mécanique de Virginia Tech. Certains auteurs appartiennent désormais à l’Université de Pennsylvanie et à l’Institut Daegu Gyeongbuk de Science et Technologie (DGIST). L’article est paru en novembre 2024.


Méthodologie de recherche

1. Synthèse de la méthode LM-Stair (Stratification de métal liquide)

La méthode développée, appelée LM-Stair (Liquid Metal Stratification), propose un processus rapide et automatisable pour la création d’interconnexions 3D dans des dispositifs électroniques flexibles à base de métal liquide. Les étapes principales incluent :

  1. Préparation des microgouttelettes de métal liquide (LMMD) :
    Les microgouttelettes sont dispersées dans une solution de résine photopolymérisable via un processus de cisaillement contrôlé. Ce processus permet d’obtenir des microgouttelettes de tailles standardisées (≈100 µm de diamètre) en ajustant la vitesse de mélange (2 000 tr/min, 2 minutes).

  2. Polymérisation UV sélective :
    Les LMMD sont fixées dans une région précise de la résine grâce à un masque et une exposition prolongée aux rayons UV. Les régions non exposées restent liquides, ce qui permet aux gouttelettes de sédimenter sous l’effet de la gravité.

  3. Assemblage stratifié 3D :
    En exploitant l’anomalie de polymérisation incomplète aux bords des masques UV, une structure en escalier est créée dans la résine photopolymère. Les LMMD s’alignent naturellement en couches continues sous l’effet de la gravité. Cela permet de générer des vias en moins d’une minute, reliant simultanément plusieurs couches de circuit.

Cette méthode simple et scalable contourne le besoin des techniques traditionnelles de perçage ou de métallisation, rendant l’ensemble du processus rapide et compatible avec la fabrication à grande échelle.

2. Caractérisations électriques et mécaniques

Des tests rigoureux ont été menés pour évaluer les performances électriques et mécaniques des dispositifs :

  • Propriétés mécaniques : Grâce à des tests de traction, des composites polymères contenant entre 10 % et 50 % de métal liquide ont été évalués. Le module de Young de la résine (sans LMMD) diminue de 1 100 MPa (résine pure) à 35 MPa via l’ajout d’agents diluants. Les formulations contenant 50 % ou moins de résine ont été retenues pour leurs propriétés flexibles et extensibles.
  • Conductivité électrique : Les vias réalisés présentent une faible résistance (inférieure à 0,3 Ω/sq). Cela garantit une conduction stable lors de tests de flexion (50 % de compression) et de traction (10 % d’élongation). Les circuits résistent également à 100 cycles de traction sans perte significative de performance.

Principaux résultats expérimentaux

1. Réalisation d’interconnexions électriques 3D multilayers

Grâce à l’exactitude du contrôle de la polymérisation UV, des circuits à couches multiples ont été fabriqués, avec des interconnexions électriques traversant ces différentes couches. Une série de tests démontrent la robustesse de cette méthode pour des configurations complexes, notamment des circuits où plusieurs vias sont connectés de manière simultanée.

2. Observation des microstructures des LMMD

À partir des scans micro-CT, des observations spécifiques suggèrent que les microgouttelettes « activées » s’assemblent pour former des réseaux conducteurs continus, contrairement à leur structure sphérique originale. Les réseaux de LMMD sont ainsi homogènes sur toute la couche connectée.

3. Robustesse mécanique et électrique

Les tests confirment que les câblages réalisés via LM-Stair maintiennent un comportement électrique stable vis-à-vis de la flexion, de l’étirement et de la compression. Par ailleurs, durant des expositions prolongées à des conditions extrêmes (eau, 45 °C ; ou air sec, 80 °C), seule une légère dégradation des performances électriques a été observée.

4. Adaptabilité et potentiel d’amélioration

Cette méthode LM-Stair a été validée avec différents types de polymères (résines photopolymérisable acrylique et silicone). De futures améliorations pourraient diminuer la taille des vias (actuellement d’environ 126 µm d’écart entre interconnexions et 208 µm de largeur minimale des traces) grâce à des gouttelettes métal liquides plus fines ou à des masques optiques avancés.


Applications possibles et projets démontrés

1. Prototype : Circuit flexible de détection de champ magnétique

Dans une démonstration fonctionnelle, un circuit flexible en deux couches a été fabriqué :

  • Couche inférieure : Elle intègre des capteurs à effet Hall pour détecter les champs magnétiques.
  • Couche supérieure : Les signaux sont transmis via des vias LM-Stair à des LED affichant la magnitude du champ détecté.

En manipulant un aimant à proximité, seules les LED correspondant à l’emplacement du champ lumineux s’allument. Ce prototype montre clairement comment stratification verticale et circuits multicouches interagissent efficacement.

2. Circuits hybrides rigides-flexibles

Dans des expériences avancées, des particules métalliques fixes (Cu-LM) ont été combinées au processus LM-Stair pour intégrer des composants rigides dans des systèmes électriques flexibles. Cela ouvre des perspectives pour des designs complexes tels que des capteurs portables ou des dispositifs médicaux.


Conclusion et perspectives futures

Contributions scientifiques et techniques

  1. Nouvelle méthode expérimentale : L’équipe a introduit un concept inédit de stratification programmable, permettant un assemblage très rapide ( minute) et contrôlé de vias sans l’utilisation de perçage mécanique.
  2. Avancées industrielles potentielles : En simplifiant drastiquement la fabrication de circuits multicouches, cette méthode favorise l’élaboration de technologies électroniques flexibles plus complexes et intégrées.

Applications potentielles

Les uses-cases incluent :
- Dispositifs médicaux et biocompatibles : Circuits dermiques portés sur la peau humaine.
- Robotique avancée et souple : Capteurs intégrés dans des systèmes robotiques dynamiques.
- Textiles électroniques : Matériaux conducteurs intégrés dans des vêtements.

Prochaines étapes de recherche

  • Réduction de l’échelle : L’amélioration des techniques de lithographie pourrait réduire drastiquement les tailles minimales observées.
  • Nouvelle chimie fonctionnelle : Métaux dopés (e.g. intégration d’éléments ferromagnétiques) pour applications orientées détection ou stimuli.
  • Production à grande échelle : Auto-automatisation des étapes de stratification LM pourrait débloquer des applications dans l’IoT et l’informatique grand public.

En conclusion, le développement de la méthode LM-Stair représente un jalon majeur dans l’intégration d’électronique douce multicouche, ouvrant un large éventail de nouvelles possibilités scientifiques et technologiques.