Signification clinique de la stratification des patients atteints de cancer de la prostate par des gènes circulants spécifiques

Signification clinique de la stratification des patients atteints de cancer de la prostate grâce à des gènes circulants spécifiques

Contexte académique

Le cancer de la prostate (Prostate Cancer, PCA) est le cancer le plus fréquent chez les hommes en Amérique du Nord et l’une des principales causes de décès par cancer. Bien que de nombreux patients soient diagnostiqués avec une maladie considérée comme localisée, 25 à 35 % d’entre eux subissent une récidive après un traitement curatif. Cette hétérogénéité clinique montre qu’il est actuellement impossible de prédire avec certitude l’agressivité du cancer au moment du diagnostic, et que l’antigène spécifique de la prostate (PSA) sérique et les examens d’imagerie ne peuvent détecter la propagation du cancer avant un stade avancé de la maladie. De plus, l’hétérogénéité intra-tumorale (comme la présence de différents sous-types de cellules épithéliales prostatiques) rend les traitements actuels incapables de cibler tous les sous-types cellulaires, ce qui aggrave les défis thérapeutiques.

Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont exploré la possibilité de stratifier les patients atteints de cancer de la prostate grâce à des gènes circulants dans les biopsies liquides (liquid biopsy). La biopsie liquide est une méthode non invasive qui permet de refléter les changements moléculaires de la tumeur grâce à des marqueurs moléculaires tels que les cellules tumorales circulantes (CTCs), les vésicules extracellulaires (EVs) et l’ADN circulant libre (cfDNA) présents dans le sang ou d’autres fluides corporels. Cette étude vise à révéler l’hétérogénéité tumorale des patients atteints de cancer de la prostate en détectant l’expression de gènes spécifiques dans le sang, et à fournir une base pour des traitements personnalisés.

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Seta Derderian, Edouard Jarry, Arynne Santos et d’autres chercheurs issus du Centre universitaire de santé McGill, de l’Université McGill, du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Lille, entre autres institutions. L’article a été publié en 2025 dans la revue Molecular Oncology, sous le titre Clinical significance of stratifying prostate cancer patients through specific circulating genes.

Méthodologie et résultats de la recherche

1. Conception de l’étude et sélection des gènes

L’équipe de recherche a d’abord construit un panel de 57 gènes représentant différents sous-types cellulaires du cancer de la prostate (tels que les cellules luminales, les cellules neuroendocrines et les cellules de type souche), les cibles médicamenteuses et les gènes associés à la résistance aux traitements. La sélection de ces gènes était basée sur une revue systématique de la littérature et des ensembles de données transcriptomiques existants sur le cancer de la prostate. L’expression de ces gènes a été mesurée dans des échantillons sanguins par réaction quantitative de transcription inverse suivie d’une PCR (RT-qPCR).

2. Collecte et traitement des échantillons

L’étude a inclus 89 échantillons sanguins de patients atteints de cancer de la prostate, dont 16 patients avant une prostatectomie radicale (RP), 26 patients ayant reçu un traitement curatif mais sans métastases, et 28 patients métastatiques (dont 3 avec un cancer de la prostate hormono-sensible et 25 avec un cancer de la prostate résistant à la castration). En outre, des échantillons sanguins de 26 témoins sains ont été collectés. Les échantillons sanguins ont été prélevés dans des tubes PAXgene, puis l’ARN a été extrait et sa qualité vérifiée avant d’être analysé par RT-qPCR.

3. Analyse de l’expression génique et résultats

L’équipe de recherche a découvert que 44 des 57 gènes étaient surexprimés dans au moins un échantillon sanguin de patient. Les profils d’expression de ces gènes présentaient une hétérogénéité significative selon le stade de la maladie. Par exemple, au moment du diagnostic, les patients présentant des caractéristiques pathologiques agressives (comme un carcinome intracanalaire) montraient une surexpression de plusieurs gènes. Chez les patients métastatiques, les signatures géniques associées à des sous-types cellulaires spécifiques ou à la résistance aux traitements étaient significativement corrélées au traitement, à la survie sans progression (PFS) et à la survie globale (OS).

4. Corrélation entre l’expression génique et les caractéristiques cliniques

L’étude a révélé que les profils d’expression des gènes circulants dans le sang étaient étroitement liés aux caractéristiques cliniques des patients. Par exemple, les patients avec un taux de PSA élevé au diagnostic étaient plus susceptibles de présenter une surexpression de plusieurs gènes. De plus, les patients atteints de carcinome intracanalaire (IDC) au diagnostic montraient une surexpression de gènes neuroendocrines et de type souche, ce qui était associé à un pronostic clinique plus défavorable.

5. Évolution de l’expression génique au fil du temps

L’étude a également suivi l’évolution de l’expression génique chez certains patients au cours du traitement. Les résultats ont montré que les profils d’expression génique changeaient de manière significative avec la progression de la maladie et les traitements. Par exemple, chez un patient, les gènes initialement surexprimés ont disparu 12 mois après une prostatectomie radicale, tandis que chez un autre patient, le profil d’expression génique a changé de manière significative après une radiothérapie et une thérapie de privation androgénique (ADT).

6. Surexpression des gènes cibles de médicaments

L’étude a également révélé que 23 des 57 gènes étaient des cibles de médicaments testés dans des essais cliniques. Ces gènes étaient surexprimés dans 70 % des échantillons, suggérant qu’ils pourraient devenir des cibles potentielles pour des traitements personnalisés. Par exemple, des gènes tels que AURKA et KIF2C étaient significativement surexprimés chez les patients métastatiques et étaient associés à la résistance aux traitements et à la progression de la maladie.

Conclusion et signification

Cette étude démontre que la détection de gènes circulants spécifiques dans le sang permet de stratifier efficacement les patients atteints de cancer de la prostate et de fournir une base pour des traitements personnalisés. Ces gènes reflètent non seulement l’hétérogénéité tumorale, mais sont également étroitement liés aux caractéristiques cliniques des patients, à la réponse au traitement et au pronostic. En particulier, la surexpression des gènes cibles de médicaments ouvre la voie au développement de nouvelles thérapies ciblées.

Points forts de l’étude

  1. Détection non invasive : L’analyse de l’expression des gènes circulants dans les biopsies liquides offre une méthode non invasive pour stratifier les patients atteints de cancer de la prostate.
  2. Traitement personnalisé : L’étude révèle des corrélations entre des gènes spécifiques et la réponse au traitement ainsi que le pronostic, ouvrant de nouvelles perspectives pour des traitements personnalisés.
  3. Découverte de cibles médicamenteuses : L’étude identifie plusieurs gènes cibles potentiels pour des médicaments, fournissant une base pour de futurs essais cliniques et le développement de médicaments.

Autres informations utiles

L’équipe de recherche a également validé les profils d’expression de ces gènes dans un autre groupe de 32 patients atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration, confirmant les résultats du groupe principal et renforçant la pertinence clinique de ces gènes. En outre, l’étude souligne l’importance de surveiller dynamiquement les changements d’expression génique au cours du traitement pour mieux orienter les décisions thérapeutiques.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour la médecine de précision dans le cancer de la prostate. Grâce à l’analyse des gènes circulants dans les biopsies liquides, il est possible de mieux comprendre l’hétérogénéité tumorale et d’offrir aux patients des options de traitement plus personnalisées.