Cartes complètes de recombinaison humaine

Cartes de recombinaison humaine complètes

Contexte académique

En génétique, la recombinaison est l’un des mécanismes clés qui génèrent la diversité génétique des organismes. La recombinaison influence non seulement la transmission et la combinaison des gènes, mais joue également un rôle crucial dans la sélection naturelle et l’inférence de l’histoire des populations. Cependant, les cartes de recombinaison existantes se basent principalement sur les recombinaisons de type croisement (cross-over, CO), négligeant les recombinaisons non croisées (non-cross-over, NCO), qui sont pourtant plus fréquentes. La difficulté à détecter les NCO a conduit à une sous-estimation de leur contribution dans les études sur la recombinaison. Pour comprendre pleinement les mécanismes de recombinaison et leur impact sur la diversité génétique, il est nécessaire de créer des cartes de recombinaison complètes incluant à la fois les CO et les NCO.

Cette étude vise à estimer le nombre de NCO transmis des parents à leur descendance en utilisant des données de séquençage du génome entier, et à établir des cartes de recombinaison spécifiques au sexe incluant à la fois les CO et les NCO. Cette recherche comble une lacune dans les cartes de recombinaison existantes et offre de nouvelles perspectives sur les différences de recombinaison entre les sexes, l’impact de l’âge maternel sur la recombinaison, ainsi que la contribution de la recombinaison aux mutations de novo (de novo mutations, DNMs).

Source de l’article

Cet article a été rédigé par Gunnar Palsson, Marteinn T. Hardarson, Hakon Jonsson et d’autres chercheurs de decode genetics/amgen inc. en Islande. L’équipe de recherche comprend également des scientifiques de l’Université de Reykjavik, de l’Université d’Islande et d’autres institutions. L’article a été publié en ligne le 25 novembre 2024 dans la revue Nature, sous le titre “Complete human recombination maps”.

Processus de recherche

1. Collecte et traitement des données

L’équipe de recherche a utilisé des données de séquençage du génome entier provenant de 2 132 familles islandaises, comprenant 5 420 trios (parents et au moins deux enfants). Ces données proviennent de projets de recherche sur les associations de maladies menés par decode genetics et incluent 173 025 individus génotypés par puce à SNP, dont 63 118 ont été séquencés sur l’ensemble du génome. Les chercheurs ont analysé ces données pour détecter les événements de conversion génique (gene conversion) transmis des parents à leur descendance, et ont construit des cartes de recombinaison incluant à la fois les CO et les NCO.

2. Détection des conversions géniques

Les conversions géniques ont été détectées en analysant le phasage des génotypes des parents et des enfants. Les chercheurs ont d’abord effectué le phasage des génotypes des parents et des enfants pour déterminer l’origine des haplotypes de chaque enfant. Lorsqu’un parent est hétérozygote à un locus donné et que l’autre parent est homozygote, ce locus est considéré comme un marqueur informatif. En analysant ces marqueurs informatifs, les chercheurs ont pu détecter les événements de conversion génique.

3. Distribution de la longueur et estimation du nombre de NCO

Les chercheurs ont utilisé un algorithme personnalisé appelé NCOURD pour modéliser la distribution de la longueur des NCO. Cet algorithme, basé sur un modèle de mélange de distributions binomiales négatives, permet d’estimer le nombre de NCO non observés. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont estimé le nombre moyen de NCO par descendant et ont ensuite calculé le nombre de cassures double brin (double-strand breaks, DSBs) par cellule germinale.

4. Construction des cartes de recombinaison

Les chercheurs ont construit des cartes de recombinaison spécifiques au sexe pour les NCO, qu’ils ont combinées avec les cartes de recombinaison CO existantes pour créer des cartes de recombinaison complètes incluant à la fois les CO et les NCO. Ces cartes ont été établies à l’aide de fenêtres glissantes de 3 Mb, offrant une résolution comparable à celle des premières cartes de CO. En analysant ces cartes, les chercheurs ont exploré la manière dont les DSBs sont résolues dans différentes régions du génome.

5. Analyse des mutations de novo

Les chercheurs ont également analysé les DNMs à proximité des NCO et ont constaté une corrélation significative entre les NCO et les DNMs. En comparant les spectres de DNMs près des NCO et des CO, les chercheurs ont mis en évidence la contribution des NCO aux DNMs et ont estimé la contribution globale de la recombinaison aux DNMs.

Principaux résultats

1. Nombre et distribution de la longueur des NCO

L’étude a révélé que les mères transmettent moins de NCO, mais que ces NCO sont plus longs. Le nombre moyen de NCO par descendant était de 105,0 pour les pères et de 81,6 pour les mères. La distribution de la longueur des NCO a montré que les NCO courts (<1 kb) avaient une longueur moyenne de 123 pb pour les pères et de 102 pb pour les mères, tandis que les NCO longs (>1 kb) avaient une longueur moyenne de 7,2 kb et 9,1 kb respectivement.

2. Différences entre les sexes dans les cartes de recombinaison

L’étude a révélé des différences significatives entre les cartes de recombinaison des NCO des pères et des mères. Le taux de recombinaison des NCO paternels était significativement plus élevé près des télomères, tandis que l’augmentation du taux de recombinaison des NCO maternels près des télomères était plus modérée. De plus, la résolution des NCO près des centromères présentait également des différences entre les sexes, avec une résolution plus marquée pour les NCO paternels.

3. Contribution des NCO aux DNMs

L’étude a révélé une corrélation significative entre les NCO et les DNMs. Dans une région de 1 kb autour du centre des NCO, le taux de DNMs était 142 fois plus élevé pour les pères et 125 fois plus élevé pour les mères. Les chercheurs ont estimé que la recombinaison (principalement les NCO) contribuait à 1,8 % des DNMs paternels et à 11,3 % des DNMs maternels.

4. Impact de l’âge maternel sur les NCO

L’étude a révélé que le nombre de NCO maternels augmentait avec l’âge. Chaque décennie, le nombre de NCO maternels augmentait de 20,3. Cette augmentation se produisait principalement en dehors des régions de points chauds DMC1, indiquant que la résolution des NCO maternels devenait moins régulée avec l’âge.

Conclusion et signification

Cette étude a permis de créer pour la première fois des cartes de recombinaison humaines complètes incluant à la fois les CO et les NCO, comblant ainsi une lacune dans les cartes de recombinaison existantes. La recherche a mis en évidence l’importance des NCO dans la recombinaison, en particulier leur rôle dans les différences entre les sexes et l’impact de l’âge maternel sur la recombinaison. De plus, l’étude a révélé la contribution des NCO aux DNMs, offrant une nouvelle perspective sur la relation entre recombinaison et mutations.

Valeur scientifique

  1. Combler les lacunes des cartes de recombinaison : Cette étude intègre pour la première fois les NCO dans les cartes de recombinaison, fournissant un outil essentiel pour comprendre les mécanismes complets de la recombinaison.
  2. Révéler les différences entre les sexes : L’étude a mis en évidence des différences significatives dans le nombre et la distribution de la longueur des NCO entre les pères et les mères, offrant une nouvelle perspective sur les différences de recombinaison entre les sexes.
  3. Impact de l’âge maternel : L’étude a montré que l’âge maternel influence le nombre de NCO, fournissant de nouvelles preuves sur l’impact de l’âge maternel sur la diversité génétique.
  4. Relation entre recombinaison et mutations : L’étude a révélé la contribution des NCO aux DNMs, offrant une nouvelle perspective sur la relation entre recombinaison et mutations.

Valeur pratique

  1. Recherche sur les maladies génétiques : Cette étude fournit de nouveaux outils pour comprendre les mécanismes des maladies génétiques, en particulier celles liées à la recombinaison.
  2. Santé reproductive : L’étude a mis en lumière l’impact de l’âge maternel sur la recombinaison, offrant de nouvelles pistes pour améliorer la santé reproductive des femmes âgées.
  3. Biologie de l’évolution : L’étude offre une nouvelle perspective sur les mécanismes de génération de la diversité génétique humaine, contribuant à éclairer les mystères de l’évolution humaine.

Points forts de la recherche

  1. Premières cartes de recombinaison complètes incluant les NCO : Cette étude comble une lacune dans les cartes de recombinaison existantes, fournissant un outil essentiel pour comprendre les mécanismes complets de la recombinaison.
  2. Révéler les différences entre les sexes et l’impact de l’âge maternel : L’étude a mis en évidence des différences significatives dans le nombre et la distribution de la longueur des NCO entre les pères et les mères, ainsi que l’impact de l’âge maternel sur le nombre de NCO.
  3. Contribution des NCO aux DNMs : L’étude a révélé la contribution des NCO aux DNMs, offrant une nouvelle perspective sur la relation entre recombinaison et mutations.

Autres informations utiles

Cette étude fournit également des données détaillées sur les cartes de recombinaison des NCO et l’analyse des DNMs, accessibles via la plateforme Zenodo. De plus, l’équipe de recherche a développé l’algorithme NCOURD pour modéliser la distribution de la longueur des NCO, disponible sur GitHub.