Développement d'un système d'imagerie fonctionnelle, moléculaire et structurelle sans marqueur combinant la tomographie par cohérence optique et la spectroscopie Raman pour la mesure in vivo de la rétine chez le rat

Système d’imagerie fonctionnelle, moléculaire et structurelle sans marquage combinant la tomographie par cohérence optique et la spectroscopie Raman

Révolution optique : Développement d’un système d’imagerie multimodale pour la rétine, combinant la tomographie par cohérence optique et la spectroscopie Raman

Contexte et importance de la recherche

L’accès aux informations moléculaires dans les tissus rétiniens est considéré comme essentiel pour le diagnostic précoce des maladies ophtalmiques et neurodégénératives. Cependant, la norme actuelle en matière d’imagerie rétinienne – la tomographie par cohérence optique (OCT) et son extension fonctionnelle, l’angiographie par tomographie par cohérence optique (OCTA) – ne fournit que des informations structurelles et de perfusion sanguine sur la rétine. Bien que ces technologies soient précieuses pour diagnostiquer des pathologies comme la rétinopathie diabétique ou les changements rétiniens et vasculaires associés à des maladies du système nerveux central (telles qu’Alzheimer et la sclérose en plaques), elles manquent de spécificité concernant l’origine des maladies. Cette limite résulte de la forte superposition des biomarqueurs structurels et vasculaires associés.

Pour combler cette lacune, la spectroscopie Raman (Raman Spectroscopy, RS), une technologie de détection moléculaire basée sur la lumière, a été proposée. En analysant la diffusion inélastique de la lumière, la spectroscopie Raman révèle les modes vibratoires des liaisons chimiques de l’échantillon et fournit ainsi une empreinte moléculaire unique. Cette technique a été utilisée avec succès pour distinguer des tissus tumoraux de tissus sains. Cependant, pour la rétine, son application reste limitée en raison des contraintes de puissance optique et de la fluorescence de fond élevée dans les pigments rétiniens.

Si des études antérieures ont tenté de combiner OCT et spectroscopie Raman pour l’analyse tissulaire et les recherches pathologiques, aucune n’a pu démontrer efficacement la faisabilité de cette approche pour l’imagerie in vivo de la rétine des petits animaux ou des humains. Ainsi, l’objectif principal de cette étude est de développer un système d’imagerie multimodale combinant OCT et spectroscopie Raman, conforme aux normes de sécurité oculaire, et de valider son potentiel pour mesurer, in vivo, des caractéristiques moléculaires, fonctionnelles et structurelles de la rétine du rat.


Origine et auteurs de l’étude

Cet article a été publié dans Biomedical Optics Express (volume 16, numéro 2) le 1er février 2025. L’équipe de chercheurs, dirigée par Ryan Sentosa et al., comprend des contributions internationales majeures. Parmi les institutions impliquées figurent le Centre de physique médicale et de génie biomédical de l’Université Médicale de Vienne (Autriche), Carl Zeiss AG (Allemagne), le département d’optique de TNO (Pays-Bas), et Horiba France SAS (France). Plusieurs auteurs représentent des entreprises comme Carl Zeiss Meditec Inc. et Innolume GmbH pour le soutien technique. L’étude a été financée grâce à l’accord de publication ouverte Optica.


Méthodologie et déroulement du travail

1. Conception du système et développement méthodologique

Cette étude présente un système d’imagerie multimodale intégrant l’imagerie du fond d’œil infrarouge (IR Fundus Imaging), la tomographie par cohérence optique à source balayée rapide (Swept-Source OCT) et la spectroscopie Raman non résonante (Non-Resonant Raman Spectroscopy). Le système a été calibré pour respecter les normes de sécurité laser et permettre la mesure in vivo sur les petits rongeurs.

Architecture du système :

  • Système d’imagerie rétinienne infrarouge : Utilisé pour l’alignement préliminaire de l’échantillon, basé sur une matrice de LED à large spectre à 730 nm ; puissance optique d’environ 1 mW et fréquence de rafraîchissement de 5 Hz.
  • Tomographie par cohérence optique : Source balayée avec longueur d’onde centrale de 1060 nm, fournissant des informations structurelles et de perfusion 3D. Système adapté pour un champ de vision de 59°.
  • Module de spectroscopie Raman : Laser à diode CW de 785 nm comme source d’excitation, puissance optique de 1 mW, combiné à des fibres optiques multimodes et à des agencements optiques innovants pour la collecte de signaux.

Échantillons expérimentaux :

  • Validation à l’aide d’un modèle d’œil artificiel : Inclus un modèle oculaire multimodal soigneusement conçu avec trois couches rétiniennes et des structures vasculaires simulées.
  • Rats expérimentaux : Mesure sur un rat Sprague Dawley albinos mâle de 8 semaines, sous anesthésie. Pour limiter l’interférence des pigments rétiniens, des rats albinos à faible fluorescence de fond ont été sélectionnés.

2. Acquisition et analyse des données

Protocole expérimental :

  1. Alignement initial de l’échantillon via l’imagerie rétinienne IR.
  2. Collecte des données volumétriques et vasculaires à l’aide de la tomographie OCT.
  3. Sélection des emplacements spécifiques pour les mesures Raman guidées par l’analyse OCT.
  4. Acquisition Raman de 30 secondes, moyennant 15 itérations pour les données in vivo.

Traitement des données :

  • Traitement des images : Réduction des artefacts via filtrage Fourier, compensation des dispersions et extraction des données de flux sanguin.
  • Analyse spectrale : Filtrage Savitzky-Golay, correction de base et normalisation des spectres Raman entre 400 et 2400 cm⁻¹ pour identifier les caractéristiques des tissus biologiques.

Résultats

1. Validation avec le modèle d’œil artificiel

Les tests ont révélé : - Imagerie infrarouge : Identification claire des vaisseaux sur fond absorbant simulant l’hémoglobine. - Images OCT : Représentation précise des trois couches rétiniennes et des structures vasculaires malgré un faible contraste optique. - Spectroscopie Raman : Séparation des spectres entre zones vasculaires et non vasculaires. Identification des signaux spectrals caractéristiques (ex. : 679, 1450 cm⁻¹) des pigments bleus dans les matériaux simulés.

2. Expérimentation in vivo sur rats albinos

  • Résultats OCT : Obtention d’images structurelles et de perfusion 3D de la rétine.
  • Résultats Raman : Détection distincte des signaux moléculaires comprenant :
    • Cholestérol (702 cm⁻¹)
    • Cystine (661 cm⁻¹)
    • Modes vibratoires des acides aminés et des lipides.

Importance et innovations

1. Importance scientifique

Cette étude démontre pour la première fois l’utilisation de la spectroscopie Raman non résonante pour l’imagerie in vivo de la rétine sur petits rongeurs. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour élucider les composantes moléculaires associées à des maladies ophtalmiques et neurodégénératives.

2. Potentiel clinique et applicatif

En tant qu’outil non invasif et sans marquage, ce système multimodal représente un outil prometteur pour le diagnostic précoce des maladies oculaires et nerveuses, ainsi que pour le suivi longitudinal.

3. Innovations et points forts

  • Fusion stratégique des capacités OCT et Raman pour des informations complémentaires.
  • Application conforme aux normes de sécurité laser, facilitant des études prolongées.
  • Réduction des interférences grâce aux modèles animaux albinos.

Perspectives

Les futures avancées pourraient inclure l’amélioration des signaux Raman, l’élargissement à des spectres de haute fréquence moléculaires, ainsi que l’adaptation et l’application à l’imagerie chez l’humain. De plus, l’intégration de technologies adaptatives pour une meilleure résolution spatiale Raman constitue une direction prometteuse. En résumé, ce travail illustre les nouvelles possibilités offertes par la technologie multimodale en imagerie optique au service de la biomédecine.