Développement d'une nouvelle sonde moléculaire pour visualiser la mésothéline dans les tumeurs

Développement et étude d’une sonde moléculaire pour l’imagerie de la protéine tumorale associée Mesothelin basée sur la technologie PET

Contexte de l’étude

Ces dernières années, la mésothéline (MSLN, en français : mésothéline) est devenue un point central des recherches et diagnostics dans le domaine de l’oncologie. La mésothéline est une glycoprotéine membranaire hautement exprimée à la surface de diverses tumeurs malignes, notamment dans les tissus cancéreux de l’ovaire, du pancréas et du tractus gastro-intestinal. Par contraste, son expression dans les tissus normaux adultes est limitée principalement aux membranes séreuses. Les études ont montré que la mésothéline participe à l’adhérence cellulaire en se liant à l’antigène tumoral CA125 (cancer antigen 125), un processus présumé être lié à la propagation du cancer de l’ovaire vers le péritoine. Cette molécule est également associée à la chimiorésistance et à un mauvais pronostic chez les patients atteints de cancer.

Bien que les niveaux de MSLN sériques puissent être détectés par des analyses immuno-enzymatiques (ELISA), il manque actuellement une méthode directe et non invasive pour localiser et visualiser l’expression de la MSLN dans les tissus tumoraux. Certaines des recherches actuelles sur l’imagerie basées sur des anticorps présentent des limites telles qu’une spécificité insuffisante ou une faible pénétration des tumeurs. De plus, dans le cadre d’anticorps conjugués à des médicaments ou de thérapies CAR-T (récepteur antigénique chimérique à cellules T), la mésothéline soluble émanant de l’environnement tumoral a été identifiée comme un facteur pouvant réduire l’efficacité des traitements. Par conséquent, le développement de sondes moléculaires à haute spécificité et sensibilité pour détecter la mésothéline dans les tumeurs représente un enjeu majeur.

Source de l’article

Cet article, écrit par Yingfang He et plusieurs co-auteurs, a été publié dans le journal scientifique European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging. Réalisée en collaboration avec l’Université Fudan, l’Université Médicale du Guizhou, ainsi que Zentera Therapeutics, cette étude a été officiellement publiée en 2025. Elle se concentre sur le développement d’une nouvelle sonde moléculaire basée sur la tomographie par émission de positons (PET, positron emission tomography) pour visualiser efficacement l’expression de MSLN dans les tissus tumoraux in vivo.

Déroulement de l’étude

Pour développer une sonde moléculaire MSLN spécifique et efficace, les chercheurs ont organisé leur étude autour des étapes principales suivantes :

1. Sélection et préparation d’un anticorps VHH à domaine unique

Les chercheurs ont immunisé un lama avec un fragment de mésothéline correspondant aux positions 360 à 597 des acides aminés. Cet immunisation leur a permis de sélectionner un anticorps à domaine unique de faible poids moléculaire nommé VHH 269-H4. L’analyse de la cinétique de liaison a été effectuée via la résonance plasmonique de surface (SPR, surface plasmon resonance), révélant une constante de dissociation (Kd) de 0,3 nM, indiquant une haute affinité.

2. Préparation de la sonde précurseur NOTA-269-H4

Pour permettre le marquage radioactif, les chercheurs ont utilisé un chélateur, le p-SCN-Bn-NOTA, qu’ils ont conjugué avec le VHH 269-H4 pour obtenir le précurseur NOTA-269-H4. L’analyse par spectrométrie de masse a montré qu’environ 27 % des molécules de VHH étaient marquées par un chélateur NOTA. Par ailleurs, les tests SPR ont démontré que le processus de marquage n’altérait pas significativement l’affinité de liaison, avec un Kd de 1,1 nM pour le précurseur NOTA-269-H4.

3. Marquage radioactif avec [68Ga]Ga-NOTA-269-H4

En utilisant un générateur 68Ge/68Ga, les chercheurs ont produit l’isotope radioactif gallium-68, qui a ensuite été conjugué avec NOTA-269-H4 à température ambiante, formant ainsi la sonde radioactive [68Ga]Ga-NOTA-269-H4. Une analyse par chromatographie sur couche mince (TLC) et chromatographie liquide haute performance (HPLC) a révélé que la pureté chimique radioactive (RCP) était supérieure à 99 %, la sonde conservant une grande stabilité après 90 minutes à température ambiante.

4. Évaluation in vitro et in vivo des performances

Grâce à la cytométrie en flux combinée à des essais d’inhibition par anticorps, les chercheurs ont confirmé que [68Ga]Ga-NOTA-269-H4 démontrait une haute spécificité envers les cellules exprimant MSLN (la lignée cellulaire OVCAR-8 pour le cancer de l’ovaire), sans liaison significative avec des cellules exprimant peu ou pas MSLN (comme SKOV-3).

In vivo, des images PET/CT obtenues à partir de souris porteuses de tumeurs OVCAR-8 ont montré une accumulation efficace de la sonde radioactive au site tumoral, offrant une visualisation claire des tumeurs. À l’inverse, aucune accumulation significative n’a été détectée chez les souris SKOV-3. Dans des modèles de xénogreffes dérivées de patients (PDX), la sonde a démontré une sensibilité et une spécificité élevées. Les chercheurs ont également observé que l’excrétion radioactive se faisait principalement via les reins et la vessie.

Résultats de l’étude

Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes : - L’anticorps VHH 269-H4 a montré une affinité exceptionnelle, en faisant un élément clé pour une sonde moléculaire diagnostique. - La sonde radioactive [68Ga]Ga-NOTA-269-H4 affichait une pureté, une stabilité et des caractéristiques in vivo prometteuses. - Dans des expériences PET/CT, la sonde pouvait visualiser des tumeurs exprimant MSLN de manière non invasive et avec une grande clarté.

Ces résultats suggèrent que, malgré les obstacles techniques potentiels tels que la shedding de la mésothéline, cette sonde est un outil très performant pour cibler les expressions de MSLN dans les tumeurs.

Signification et innovations de l’étude

Cette étude a innové en introduisant une sonde moléculaire basée sur un anticorps à domaine unique compatible avec PET. C’est la première fois qu’une telle approche est utilisée pour visualiser non-invasivement la mésothéline. Les VHH, par leur petite taille, pénètrent rapidement dans les tissus tumoraux, surmontant ainsi les limites des anticorps conventionnels, qui souffrent de problèmes d’infiltration en raison de leur grande taille.

La simplicité et l’efficacité de la synthèse de cette sonde, ainsi que ses performances remarquables en imagerie PET, suggèrent qu’elle pourrait être utilisée à grande échelle pour diagnostiquer les tumeurs et surveiller les réponses thérapeutiques, à des coûts raisonnables.

Conclusion

Cet article met en lumière le potentiel d’une sonde moléculaire radioactive basée sur des anticorps à domaine unique pour la détection des tumeurs. Ces travaux comblent une lacune technologique dans l’imagerie de MSLN et fournissent un outil prometteur pour la pratique clinique en oncologie. Ils ouvrent également la voie à des études supplémentaires explorant la dynamique moléculaire dans le microenvironnement tumoral à travers une méthode précise, rapide et non invasive.