Séparer les processus cognitifs et moteurs chez la souris en action

Séparation des processus cognitifs et moteurs : une avancée majeure dans l’étude du comportement des souris

Contexte académique

Dans l’étude du comportement animal, les processus cognitifs et moteurs sont souvent étroitement liés. Par exemple, lorsque une souris explore son environnement, ses expressions faciales ou ses comportements de recherche active reflètent non seulement ses mouvements, mais sont également étroitement liés à l’activité neuronale dans son cerveau. Cependant, depuis longtemps, les chercheurs font face à une question fondamentale : les processus cognitifs et moteurs peuvent-ils être séparés, ou sont-ils pilotés par des mécanismes neuronaux communs ? Si ces deux aspects ne peuvent pas être dissociés, les chercheurs risquent de confondre l’activité neuronale liée aux mouvements avec des marqueurs de processus cognitifs, ce qui pourrait fausser la compréhension des fonctions des circuits neuronaux.

Pour résoudre ce problème, une équipe de recherche de Boston University a conçu une tâche comportementale pour explorer la séparabilité des processus cognitifs et moteurs chez la souris. Leur étude montre non seulement comment évaluer cette séparation, mais développe également une nouvelle méthode pour isoler les dynamiques neuronales associées aux processus cognitifs et moteurs. Les résultats de cette recherche offrent une nouvelle perspective sur la manière dont le cerveau soutient les comportements complexes et posent les bases pour le développement futur de modèles conceptuels et informatiques des fonctions des circuits neuronaux.

Source de l’article

Cet article intitulé « Separating cognitive and motor processes in the behaving mouse » a été réalisé par Munib A. Hasnain, Jaclyn E. Birnbaum, Juan Luis Ugarte Nunez, Emma K. Hartman, Chandramouli Chandrasekaran et Michael N. Economo, entre autres. L’équipe de recherche provient de plusieurs départements de Boston University, notamment le département de génie biomédical, le Centre de neurophotonique et le Centre de neurosciences systémiques. L’article a été publié en 2024 dans la revue Nature Neuroscience.

Processus de recherche et résultats

1. Conception de la tâche comportementale

L’équipe de recherche a conçu une tâche à double contexte, demandant aux souris d’exécuter des comportements de léchage directionnel dans deux environnements cognitifs différents. La tâche incluait une tâche de réponse différée (DR) et une tâche de signalisation par eau (WC). Dans la tâche DR, les souris devaient attendre un certain délai après avoir entendu un signal sonore avant de réagir ; tandis que dans la tâche WC, elles recevaient une récompense d’eau à des moments et emplacements aléatoires. Cette conception permettait aux souris de basculer entre différents contextes comportementaux, impliquant ainsi divers processus cognitifs comme la prise de décision perceptive, la planification motrice et l’encodage contextuel.

2. Enregistrement des mouvements et de l’activité neuronale

Pour capturer les mouvements des souris lors de l’exécution des tâches, l’équipe de recherche a utilisé des caméras haute vitesse pour enregistrer les mouvements de la langue, de la mâchoire, du museau et des pattes, et a calculé l’énergie motrice (motion energy) pour quantifier ces mouvements. Simultanément, ils ont utilisé des sondes en silicium haute densité pour enregistrer l’activité neuronale dans le cortex moteur antérieur latéral (ALM) des souris afin d’étudier les dynamiques neuronales associées aux processus cognitifs et moteurs.

3. Intervention par optogénétique

Pour approfondir le rôle du cortex moteur dans les tâches, l’équipe de recherche a utilisé la technologie optogénétique pour inhiber l’ALM ou le cortex moteur de la langue et de la mâchoire (TJM1) des souris à des moments spécifiques. Les résultats ont montré que l’inhibition de ces zones affectait significativement l’exécution et la planification des mouvements des souris, indiquant que ces régions jouent un rôle clé dans les tâches.

4. Décomposition en sous-espaces des dynamiques neuronales

L’équipe de recherche a développé une nouvelle méthode de décomposition en sous-espaces, séparant l’activité neuronale en un “sous-espace moteur potentiel” lié aux mouvements et un “sous-espace moteur nul” lié aux processus cognitifs. À travers cette méthode, ils ont découvert que les dynamiques neuronales associées aux processus cognitifs et moteurs sont séparables dans le cerveau et codées par différentes populations de neurones.

5. Relation entre cognition et mouvement

Les résultats montrent que bien que les processus cognitifs et moteurs soient fortement corrélés dans le temps, leurs dynamiques neuronales dans le cerveau sont séparables. Par exemple, les signaux neuronaux liés au choix présentent une représentation interne stable dans le “sous-espace moteur nul”, tandis que les signaux liés aux mouvements apparaissent principalement dans le “sous-espace moteur potentiel”. Cette séparation offre une nouvelle perspective sur la manière dont le cerveau traite les comportements complexes.

Conclusion et importance

La principale conclusion de cette étude est que les processus cognitifs et moteurs sont séparables dans les dynamiques neuronales du cerveau, et qu’ils sont codés par différentes populations de neurones. Cette découverte résout non seulement un débat de longue date sur la question de savoir si les processus cognitifs et moteurs partagent des mécanismes neuronaux communs, mais fournit également une nouvelle méthodologie pour les futures recherches en neurosciences. Grâce à la décomposition en sous-espaces, les chercheurs peuvent isoler plus précisément les signaux neuronaux associés à des processus cognitifs et moteurs spécifiques, améliorant ainsi la compréhension des fonctions des circuits neuronaux.

Points forts de la recherche

  1. Méthode innovante de décomposition en sous-espaces : L’équipe de recherche a développé une nouvelle méthode de décomposition en sous-espaces capable de séparer efficacement les dynamiques neuronales associées aux processus cognitifs et moteurs.
  2. Conception de tâches à double contexte : En concevant des tâches complexes à double contexte, l’équipe a réussi à simuler divers processus cognitifs chez la souris, offrant une plateforme expérimentale idéale pour étudier la relation entre cognition et mouvement.
  3. Combinaison d’optogénétique et d’enregistrements neuronaux : En combinant l’optogénétique et les techniques d’enregistrement neuronal, l’équipe a révélé en profondeur le rôle du cortex moteur dans les processus cognitifs et moteurs.
  4. Séparabilité des dynamiques neuronales : L’étude prouve pour la première fois que les dynamiques neuronales des processus cognitifs et moteurs sont séparables dans le cerveau, fournissant une base théorique importante pour les recherches futures.

Autres informations précieuses

L’équipe de recherche a également découvert que certains processus cognitifs (comme le choix) sont représentés de manière stable et durable dans le cerveau, tandis que d’autres processus (comme l’urgence) sont étroitement liés aux mouvements. Cette découverte met davantage en lumière la manière dont le cerveau traite différents types de tâches cognitives et ouvre de nouvelles directions pour les recherches futures. De plus, la méthode utilisée par l’équipe peut être largement appliquée à d’autres tâches comportementales et espèces, fournissant de nouveaux outils pour la recherche en neurosciences.


Cet article non seulement offre une nouvelle perspective sur la manière dont le cerveau traite les processus cognitifs et moteurs, mais fournit également une méthodologie importante pour les futures recherches en neurosciences. Grâce à une conception expérimentale innovante et à des méthodes d’analyse de données avancées, l’équipe de recherche a résolu avec succès une controverse de longue date dans ce domaine et ouvert de nouvelles voies pour les recherches futures.