Séance unique de tACS bifocal interfréquence module l'activité du réseau de mouvement visuel chez les jeunes en bonne santé et les patients victimes d'AVC

Rapport d’étude sur la modulation par tACS bifocale inter-fréquence unique des activités du réseau visuo-moteur chez les jeunes personnes en bonne santé et les patients victimes d’AVC

Contexte académique et signification de la recherche

Dans la recherche en neurosciences, les oscillations neuronales jouent un rôle crucial dans la régulation des communications intra- et inter-cérébrales. La synchronisation de phase à longue distance constitue la base des communications inter-régionales et joue un rôle important dans l’ajustement du flux de traitement de l’information pour répondre aux besoins cognitifs. Par exemple, il a été découvert que la bande α (8-13 Hz) est associée à une amélioration des performances dans les tâches d’intégration visuo-tactile, tandis que la synchronisation dans la bande haute α peut réduire le temps de réaction (Lobier, Palva & Palva, 2018). Ce phénomène est particulièrement évident dans le système visuel, où le couplage dynamique des oscillations α (8-13 Hz) et ɣ (>40 Hz), c’est-à-dire le couplage de phase-amplitude (PAC), joue un rôle clé dans le traitement neuronal efficace (Canolty et al., 2006; van Kerkoerle et al., 2014). Pour cela, la stimulation transcrânienne à courant alternatif bifocale inter-fréquence (tACS) α-ɣ peut intervenir dans le flux d’informations sur la voie visuo-motrice en synchronisant les signaux de basse et haute fréquence.

Cependant, bien que le tACS inter-fréquence ait démontré sa capacité à modifier le flux de communication intra-cérébral, la recherche sur son impact spécifique sur les performances comportementales, par exemple dans les tâches de discrimination de mouvement visuel, reste insuffisante. L’objectif de cette étude est de vérifier si un tACS bifocale inter-fréquence unique peut moduler le couplage de phase-amplitude (PAC) entre les régions V1 et MT dans le réseau visuo-moteur des jeunes personnes saines et des patients victimes d’AVC, ainsi que leurs performances dans des tâches de discrimination directionnelle.

Source de la recherche et informations sur les auteurs

Cette étude a été réalisée en collaboration par Michele Bevilacqua, Sarah Feroldi, Fabienne Windel, Pauline Menoud, Roberto F. Salamanca-Giron, Sarah B. Zandvliet, Lisa Fleury, Friedhelm C. Hummel et Estelle Raffin, issus des institutions suivantes : École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) Neuro-X Institute, Clinique Romande de Réadaptation (EPFL Valais) et University of Milano-Bicocca School of Medicine and Surgery. Cet article a été publié dans la revue “Brain Stimulation” en 2024.

Processus de recherche

Participants et méthodes

L’étude a recruté 45 jeunes participants en bonne santé (âgés de 18 à 40 ans, moyenne 24,6 ans, dont 55 % de femmes) et 16 patients victimes d’AVC avec des lésions visuelles (âgés de 34 à 74 ans, moyenne 59,93 ans, dont 18,75 % de femmes). Les participants en bonne santé ont été répartis au hasard en trois groupes, recevant respectivement un tACS antérieur (V1α-MTγ), un tACS postérieur (MTα-V1γ) ou une stimulation placebo (sham tACS). Le groupe de patients victimes d’AVC a été divisé en deux groupes selon un schéma croisé, recevant à différents moments le tACS antérieur ou postérieur.

Pendant l’expérience, les participants ont effectué des tâches de discrimination et d’intégration directionnelle (CDDI), exigeant d’observer des stimuli de points aléatoires et de rapporter la direction des points. Pour s’assurer que les stimuli visuels des patients étaient situés à la frontière entre la zone aveugle et la zone visuelle intacte pendant les tests, une cartographie psychophysique préalable a été réalisée.

Intervention par tACS bifocale

Le tACS a utilisé deux électrodes annulaires centrales personnalisées, connectées à deux stimulateurs NeuroConn DC Plus fonctionnant en synchronisation pour permettre à l’onde α de déclencher l’onde ɣ. Chaque séance de tACS a duré environ 15 minutes (participants en bonne santé) à 25 minutes (patients victimes d’AVC), avec une intensité de courant de 3 mA et des fréquences respectivement définies individuellement pour la fréquence α (8-12 Hz) et la fréquence ɣ (30-45 Hz).

Enregistrement et analyse de l’EEG

L’activité EEG au repos et pendant les tâches a été enregistrée à l’aide d’un système à 64 canaux. Les données EEG ont été prétraitées grâce à des scripts personnalisés en Matlab et des outils MNE-Python, y compris le filtrage, le rééchantillonnage et l’analyse des composants indépendants (ICA) pour supprimer les artefacts physiologiques.

Résultats de la recherche

Changements de PAC chez les participants en bonne santé

Le tACS antérieur a réussi à moduler la hausse du PAC de phase-V1α et d’amplitude-MTɣ au début (100-150 ms post-stimulation), alors que le tACS postérieur et le placebo n’ont pas provoqué de changements significatifs. L’analyse de causalité de Granger a montré une augmentation significative de l’entrée en direction de MT à partir de V1 dans la bande α/β pour le groupe tACS antérieur.

Changements de PAC chez les patients victimes d’AVC

De manière similaire aux résultats du groupe sain, le tACS antérieur a significativement augmenté le PAC de phase-V1α et d’amplitude-MTɣ au début, mais l’a réduit à des stades ultérieurs (250 ms et 350 ms). Le tACS postérieur a réduit le PAC au début (après 100 ms).

Changements dans les performances de la tâche de discrimination directionnelle

Bien que les participants en bonne santé aient montré une amélioration significative des performances au cours des répétitions de tâches (indépendamment des conditions de tACS), le groupe des patients victimes d’AVC n’a montré aucune différence significative entre les points temporels et les conditions de tACS, indiquant que les patients nécessitent plus d’entraînement pour observer une amélioration comportementale. Les changements électrophysiologiques induits par le tACS n’ont pas été traduits en différences comportementales significatives.

Conclusion et signification

Cette étude montre que le tACS bifocale inter-fréquence unique peut moduler la synchronisation inter-régionale cérébrale à un stade précoce chez les personnes en bonne santé et les patients victimes d’AVC, mais ces changements ne se traduisent pas par des différences comportementales significatives. Pour améliorer l’efficacité, des séances d’entraînement prolongées ou des ajustements précis du timing et de la dose de tACS peuvent être nécessaires pour synchroniser avec les activités oscillatoires endogènes du cerveau, conduisant ainsi à une amélioration plus efficace des performances comportementales. Cela offre de nouvelles perspectives et orientations pour optimiser l’application du tACS et étudier les dynamiques oscillatoires inter-cérébrales à l’avenir.

En termes d’application clinique, cette étude fournit des bases préliminaires pour la rééducation combinant formation visuelle et stimulation électrique de rétroaction synchrone, avec une valeur potentielle d’application dans la récupération et l’amélioration des lésions visuelles.