Un cadre de perturbation spatiale pour valider l'implantation de la zone épileptogène

Évaluation de la qualité d’implantation de la zone d’origine des crises d’épilepsie (SOZ) dans la planification préopératoire de la chirurgie de l’épilepsie à l’aide d’un cadre de perturbation spatiale

Introduction

Le succès de la chirurgie de l’épilepsie dépend principalement de la précision de la planification préopératoire, ce qui implique généralement l’utilisation de la symptomatologie clinique, de l’électroencéphalogramme (EEG) et de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour identifier la zone d’initiation des crises d’épilepsie (EZ). Cependant, dans les cas complexes, ces outils peuvent être insuffisants pour déterminer l’EZ, nécessitant l’insertion d’électrodes pour l’électroencéphalographie stéréotaxique (SEEG) afin d’obtenir une résolution spatiale plus élevée. Bancaud et Talairach ont défini l’EZ comme le réseau ou la région de tissu où les crises commencent et se propagent en premier. Bien que la SEEG soit très utile, elle est limitée par l’impantation d’un nombre d’électrodes limité. Une exploration typique par SEEG ne couvre qu’environ 5 à 10 % du volume cérébral.

En pratique clinique, la zone d’origine des crises d’épilepsie (SOZ) est utilisée comme marqueur électrographique de l’EZ pour la planification préopératoire. Toutefois, même après l’identification minutieuse des foyers épileptiques potentiels, seuls environ la moitié des patients opérés atteignent une absence de crises postopératoire. L’échec de la chirurgie est souvent dû à une mauvaise reconnaissance de l’EZ, résultant d’un échantillonnage incorrect de la “véritable” SOZ. Cette inexactitude peut être attribuée à de nombreux facteurs, tels que les hypothèses floues dérivées de la première évaluation préopératoire et l’imprécision dans l’implantation stéréotaxique des électrodes SEEG.

Origine de la recherche

Cet article a été rédigé par Kassem Jaber, Tamir Avigdor, Daniel Mansilla, Alyssa Ho, John Thomas, Chifaou Abdallah, Stephan Chabardes, Jeff Hall, Lorella Minotti, Philippe Kahane, Christophe Grova, Jean Gotman et Birgit Frauscher. Ces auteurs sont affiliés à l’Institut et l’Hôpital neurologique de Montréal (Université McGill), à l’école d’ingénierie Pratt de l’Université Duke, au laboratoire d’imagerie fonctionnelle multimodale (Université McGill), à l’Institut de recherche neurochirurgicale Asenjo, au Centre médical de l’Université Duke et à l’Institut des sciences du cerveau de l’Université Grenoble-Alpes. Cet article a été publié le 4 juin 2024, accepté par Nature Communications et mis en ligne.

Détails du processus de recherche original

Workflow de recherche

  1. Sélection des patients et collecte de données : La recherche impliquait deux groupes de patients : 50 patients de l’Institut neurologique de Montréal (17 Engel IA, 33 Engel IIB+) et 26 patients du Centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes (18 Engel IA, 8 Engel IIB+). Les patients Engel IB-IIA ont été exclus car ces cas étaient considérés comme non définis pour l’évaluation de l’implantation de l’EZ. Les enregistrements SEEG des patients épileptiques focaux résistants aux médicaments ont été échantillonnés.

  2. Extraction des biomarqueurs épileptiques : Le taux de détection des biomarqueurs épileptiques de chaque électrode SEEG a été utilisé, en particulier le taux IED-γ (activité γ dans la plage de 30-100Hz). L’IED-γ est considéré comme un biomarqueur fortement associé à l’EZ.

  3. Construction du système spatial et analyse des perturbations : Un système spatial a été construit, couplant le taux IED-γ à leur distance par rapport à des points de référence spatiaux spécifiques, définis comme les canaux ayant le taux IED-γ maximal. La réponse du système au retrait de la SOZ, par exemple, a été mesurée et analysée.

Méthodes expérimentales et analyse des données

  1. Retrait virtuel de la SOZ : Le système spatial est perturbé par le retrait virtuel de la SOZ et les changements de l’intensité de couplage du système avant et après cette perturbation sont mesurés. Cela est accompli en calculant le coefficient de corrélation de Pearson (ρ) avant et après le retrait.

  2. Retrait aléatoire des canaux non-SOZ : Des canaux non-SOZ sont retirés aléatoirement pour tester si la suppression d’une partie aléatoire a un impact différent de la suppression de la SOZ dans la même configuration.

  3. Comparaison et test statistique des données : Des méthodes statistiques sont utilisées pour vérifier si la perturbation du système affecte réellement la SOZ. Les résultats sont comparés entre les deux cohortes de patients (libération des crises et non-libération des crises).

  4. Classification de l’intensité des perturbations : L’intensité des perturbations (la différence logarithmique absolue entre ρ avant et ρ après) est utilisée comme un indicateur important pour la classification de la qualité de l’implantation et la catégorisation des résultats chirurgicaux.

  5. Construction de la carte de perturbation spatiale : En ordonnant spatialement la réponse du système, une carte de perturbation spatiale est construite pour évaluer qualitativement le plan d’implantation. Cette carte visualise l’impact de la perturbation sur chaque canal et compare le plan d’implantation avec l’emplacement de la SOZ.

Principaux résultats de la recherche

  • Dans la cohorte de l’Institut neurologique de Montréal, la suppression de la SOZ a significativement réduit le couplage spatial (ρ a significativement diminué) chez les patients libres de crises, alors que cela a eu peu d’impact sur les patients non-libres de crises. Ces résultats ont été cohérents lors de la validation avec la cohorte du Centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes (résultats statistiques similaires).
  • L’intensité des perturbations était significativement plus élevée chez les patients libres de crises et a été utilisée avec succès pour classer la qualité des plans d’implantation.
  • Une carte de perturbation spatiale a été construite, montrant une forte réponse du système perturbé chez les patients libres de crises, tandis que les cas de mauvaise qualité d’implantation montraient un schéma de réduction irrégulier sur l’image.

Conclusions et implications de la recherche

Cette recherche propose un nouveau cadre d’évaluation basé sur la SEEG, démontrant son efficacité à valider l’implantation de la SOZ chez les patients libres de crises. Lors de l’évaluation préopératoire, ce nouveau cadre peut efficacement éviter les échecs chirurgicaux dus à des plans d’implantation médiocres, réduisant ainsi le risque de récidive des crises post-opératoire pour les patients. Cela fournit un outil important pour l’amélioration de la planification préopératoire et des stratégies d’implantation.

De plus, cette étude met en évidence le rôle crucial de l’échantillonnage précis dans le succès de la chirurgie de l’épilepsie, en utilisant des modèles de calcul et la distribution spatiale des biomarqueurs pour garantir que les implants couvrent effectivement la zone d’origine des crises. L’application clinique de ce nouveau cadre peut augmenter les taux de succès des évaluations préopératoires et finalement protéger les patients des complications et séquelles inutiles induites par la chirurgie.

Points forts de la recherche

  • Évaluation quantitative de la qualité de l’implantation : Une nouvelle méthode d’évaluation quantitative basée sur l’intensité des perturbations est proposée, contre les taux d’événements précédemment utilisés pour mesurer la Zone Épileptogène (EZ) de manière plus efficace.
  • Outil d’évaluation préopératoire efficace : La carte de perturbation spatiale fournit un outil visuel intuitif pour aider les experts en épilepsie à évaluer la qualité de l’implantation des patients avant l’opération, prévenant ainsi les échecs chirurgicaux.
  • Adaptabilité et intégration de diverses formes de biomarqueurs épileptiques : Ce cadre peut s’adapter à divers biomarqueurs épileptiques, au-delà de l’IED-γ, prouvant son utilité dans des contextes cliniques complexes.

Cette recherche propose non seulement un nouveau cadre théorique, mais valide également son efficacité avec des données cliniques réelles, fournissant de nouvelles méthodes et outils pour l’évaluation préopératoire de la chirurgie de l’épilepsie. L’introduction de ce cadre peut significativement améliorer les taux de succès chirurgicaux et la qualité de vie des patients.